“Celui qui est peut-être le plus féroce adversaire d’Emmanuel Macron dans cette présidentielle n’est présent sur aucune affiche de campagne”, considère le New York Times. Il n’a pas fait le moindre discours, et son nom ne sera même pas inscrit sur les bulletins de vote. Pour la simple raison que Vincent Bolloré n’est pas candidat.

C’est pourtant ce milliardaire qui a propulsé Éric Zemmour dans la campagne grâce à l’empire médiatique conservateur qu’il a mis en place, notamment la chaîne d’information en continu CNews. Et la candidature du polémiste d’extrême droite n’est qu’une illustration du pouvoir qu’ont acquis les magnats des médias, Bolloré en tête. Les manœuvres de ce dernier ont en effet “incité d’autres milliardaires à prendre des participations dans des médias”, un phénomène très récent en France.

Là se joue le “drame caché” du pour ou contre Macron. D’un côté, Monsieur Bolloré et le groupe Vivendi. De l’autre, les milliardaires alliés à Macron, dont Bernard Arnault et le groupe LVMH.

La frénésie des “magnats des médias” a pris une telle ampleur que le Sénat s’est saisi de l’affaire. “Ils ont tous nié un quelconque motif politique” : leurs motivations sont purement économiques, disent-ils.

Achat d’influence

En réalité, “dans un pays où le financement des campagnes électorales est strictement encadré, le contrôle des médias d’information a toujours été un moyen pour les très riches de peser sur les élections”. Certains experts interrogés par le quotidien évoquent un risque de “conflits d’intérêts” lorsque les groupes de presse sont détenus par des industriels dont les intérêts sont liés aux actions gouvernementales.

“Armés de propriétés médiatiques, les hommes d’affaires jouissent de leviers d’influence sur les politiciens”, qui craignent donc que la presse ne tombe dans des “mains hostiles”, explique Claude Perdriel, qui détient le magazine hebdomadaire économique Challenges.

Le Journal du dmanche, un temps extrêmement pro-Macron, a ainsi changé sa couverture du président depuis qu’il est détenu par Jérôme Béglé, un invité régulier de CNews, note le New York Times. La chaîne C8 fait, quant à elle, aussi écho aux idées d’extrême droite. C’est toutefois à travers CNews que Bolloré a le plus de pouvoir.

Grâce à sa capacité à façonner le débat national autour de questions telles que l’immigration, l’islam et la criminalité, CNews s’est rapidement transformé en une nouvelle force politique redoutée en France. Elle a fait de Zemmour, journaliste et auteur à succès, une star.”

Emmanuel Macron a, quant à lui, le soutien de Bernard Arnault et de son gendre Xavier Niel [actionnaire dans le groupe Le Monde, dont Courrier international fait partie]. L’homme le plus riche du pays possède Les Échos, premier journal économique du pays, et le quotidien Le Parisien, qui tous deux font une couverture plutôt positive du quinquennat Macron.

“Manigances”

Le contrôle du groupe Lagardère a été au centre de la bataille entre Bernard Arnault et Vincent Bolloré, aboutissant à une victoire de ce dernier, qui a aussitôt transformé la station de radio Europe 1 “en une version audio de CNews”, estime le New York Times.

Pour contrer son influence, le gouvernement a tenté de s’opposer aux “manigances” de Bolloré en soutenant son concurrent Bouygues – qui possède la chaîne de télévision TF1 – lorsque l’industriel avait tenté d’acheter la chaîne M6. Seule Isabelle de Silva, directrice de la Haute Autorité de la concurrence – dont le mandat n’a pas été renouvelé par la suite” –, avait refusé de soutenir cette fusion qui ferait de Bouygues le détenteur de 70 % des parts de marché de la publicité audiovisuelle.

Malgré cet échec, Vincent Bolloré est “celui qui a eu le plus grand effet sur cette campagne”, car si Emmanuel Macron est en tête de tous les sondages, c’est Éric Zemmour qui a imposé les thèmes de la campagne : islam et immigration.