A quoi ressemblera le PS au lendemain des élections présidentielle et
législatives de l'an prochain ? Des échéances qui s'annoncent
particulièrement difficiles pour le parti au pouvoir depuis 2012.
Au-delà des discours de remobilisation des uns et des autres, rares sont
ceux qui rêvent encore d'une victoire. Or, les conséquences d'une
défaite risquent d'être dramatiques pour le PS. Comme il le fait
régulièrement depuis des mois, le Premier ministre Manuel Valls a une
nouvelle fois tiré la sonnette d'alarme fin octobre.
« La gauche peut sortir de l'histoire »,
a-t-il averti sur l'antenne de France Inter. Comprendre : si elle
n'arrive pas à surmonter ses divisions, à se réinventer pour au moins
sortir avec un résultat honorable l'année prochaine, la gauche pourrait
être condamnée pour longtemps à végéter dans l'opposition. Au risque
pour le Parti socialiste de ne jamais réussir à redevenir une force de
gouvernement.
A priori, beaucoup d'indices plaident pour un tel scénario. D'abord
les divisions. Elles n'ont cessé de s'exacerber au cours du quinquennat
de François Hollande. Depuis l'été 2012 et l'absence de renégociation du
traité européen, l'aile gauche du PS a une lecture de plus en plus
critique de l'action du président sortant. La loi Macron, la loi travail
ou encore le projet avorté de déchéance de nationalité sont passés par
là. Au printemps, des élus socialistes sont descendus dans la rue et ont
signé une motion de censure contre une majorité socialiste. Du jamais
vu...
Certes, comme l'a rappelé Jean-Christophe Cambadélis, son premier
secrétaire, le PS n'a jamais été une famille unie. Les divergences de
fond ont souvent opposé ses dirigeants depuis sa création en 1971,
aboutissant parfois à des ruptures spectaculaires (départs de
Jean-Pierre Chevènement en 1993 ou de
Jean-Luc Mélenchon en 2008
). Mais il avait toujours réussi à rebondir, comme après la déroute des
législatives de 1993, à se rassembler avant les grandes échéances, à
commencer par les présidentielles. Etre dans l'opposition a évidemment
rendu cette tâche plus facile avant les scrutins de 2007 et de 2012.
Mais en 2016, après quatre ans d'exercice du pouvoir, ce rassemblement
n'est pas à l'ordre du jour. Il apparaît même utopique.
D'autant qu'au-delà des divergences idéologiques, historiques au PS,
les rivalités et inimitiés ont elles aussi atteint un point haut. La
rupture est consommée avec certains frondeurs, Arnaud Montebourg en
tête. Celui-ci veut tourner la page François Hollande et joue sa
campagne de
la primaire socialiste
sur le thème du « Tout sauf Hollande ». Cette ligne rend difficile un
message de rassemblement pour l'après-primaire si le président en
sortait vainqueur, tout comme elle rend difficile un ralliement de
l'ensemble du PS à Arnaud Montebourg, en cas de victoire de ce dernier.
L'ancien ministre de l'Economie l'a déjà dit :
s'il perd la primaire, il rentrera chez lui et ne fera pas campagne pour Hollande.
Le PS est aujourd'hui un parti coupé en deux - le dernier Congrès de
Poitiers a donné 30 % des voix aux frondeurs - et tout laisse à penser
qu'il ne réussira pas à recoller les morceaux. A l'extérieur du parti,
il n'est évidemment plus question d'une alliance avec le PCF et encore
moins avec le Parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon. Avec lui, la
rupture est actée depuis le lendemain du 6 mai 2012 et l'intéressé
cherche même à supplanter le PS en tant que première force de gauche.
Une alliance avec les écologistes d'EELV n'a plus aucun sens, non plus,
compte tenu de la faiblesse du Parti vert. A droite du parti,
Emmanuel Macron tente son aventure
en créant son mouvement ex nihilo, estimant caduc le clivage
idéologique gauche contre droite. Il ne croit plus aux anciens partis,
aux lignes de fracture trop fortes. A gauche, le PS est non seulement
moribond, mais il est surtout isolé et cerné.
Sa situation actuelle l'amènera sans doute à entamer un nouveau cycle à partir de 2017, et à fermer celui né à Epinay en 1971.
«
Le cycle d'Epinay sera sans doute clos après les prochaines élections,
et le double risque que court le PS est d'une part de ne plus pouvoir
faire d'alliance sur sa gauche et d'autre part de ne plus être assez
puissant pour demeurer un parti de gouvernement », note le spécialiste de la gauche Gérard Grunberg.
Un PS à 60 députés ?
Mais les incertitudes sont encore trop nombreuses aujourd'hui pour
écrire un quelconque scénario. Nombre de questions décisives pour
l'avenir du parti restent sans réponse : quel candidat en 2017 ? Quel
score à la présidentielle, sachant qu'une élimination du candidat PS au
premier tour, et circonstance aggravante, à une quatrième ou cinquième
place comme le prédisent certains sondages pour François Hollande,
n'aura pas les mêmes conséquences que si le candidat socialiste se
qualifie pour le second tour. Après les législatives, le PS sera-t-il,
en cas de défaite, le premier parti d'opposition ? Ou laissera-t-il
cette place au FN, qui est parti pour faire un retour en force à
l'Assemblée nationale l'année prochaine (la dernière fois, c'était en
1986, à la faveur de la proportionnelle). Un PS à 60 députés, comme en
1993, n'aura pas le même avenir que le même parti à 120 ou 150
parlementaires...
Le problème du PS s'inscrit aussi dans une problématique plus large,
celle de l'avenir de la social-démocratie en Europe. Dans de nombreux
pays, comme en Angleterre ou en Espagne, elle est en crise quand elle
n'est pas en ruines comme c'est le cas du Pasok en Grèce. Il y a, bien
sûr, les raisons internes, mais aussi une crise plus profonde liée à
l'émergence d'un populisme à droite comme à gauche.
« Le PS est un avant-poste de la crise de la démocratie », résume Gilles Finchelstein, directeur de la Fondation Jean Jaurès.
Source:
Gregoire Poussielgue / Journaliste, www.lesechos.fr