Le Point : On entend beaucoup dire que l'élection présidentielle est « pliée ». Quel est votre point de vue ?
André Santini : Je me suis toujours trompé sur les candidats que j'ai soutenus. Tous, depuis 1981, ont été battus. Sauf mon ami Nicolas Sarkozy, en 2007. Je pensais vraiment que Giscard serait réélu en 1981, que Barre gagnerait en 1988, comme Balladur en 1995. J'ai même fait campagne pour Bayrou, avec les résultats que l'on sait. Bref, j'ai à mon actif un beau palmarès ! Cela étant dit, je ne dirais pas que cette élection est pliée. Souvenez-vous de Giscard en 1981 : le 15 avril, il faisait jeu égal avec Mitterrand au second tour. Aujourd'hui, les électorats sont plus poreux, plus volatils. La dernière ligne droite peut être pleine de surprises, voire dangereuse. Mon parti, l'UDI, soutient Valérie Pécresse à cette présidentielle, comme nous l'avons fait aux régionales en 2021. Parce qu'elle s'est engagée à prolonger la ligne 12 du métro jusqu'aux portes de Meudon.
Comment analysez-vous les ratés de sa campagne ?
Sa candidature a été affaiblie par ses outsiders de droite, ce qui a dû nuire à son équilibre sondagier. Elle est entourée de gens ternes. Des Ciotti, on ne peut pas en sortir tous les jours… Un Pasqua, c'était quelqu'un, il savait mobiliser. Il manque un grain de folie à cette campagne, il faut faire rêver. Pour les régionales de 2004, je me baladais à bord d'une vieille Renault Espace customisée par une société locale que l'on avait baptisée la « Dédé mobile », on rigolait beaucoup. C'est ça, les campagnes, il faut rigoler ! Le monde politique actuel est trop sérieux. On ne peut plus rien dire. Je me souviens des obsèques de François Mitterrand, je vois passer une grande carcasse, c'était Fidel Castro ; puis une autre carcasse : Helmut Kohl. Je murmure alors à l'oreille de mon voisin : « On n'en a pas fait autant pour les obsèques de Giscard. » Évidemment, une bonne âme s'est empressée de rapporter le propos au président. Son chauffeur, qui était corse comme moi, est venu me voir et m'a dit : « Sincèrement, Monsieur le Maire, vous ne devriez pas dire des choses comme ça… » L'autre jour, je suis retourné à l'Assemblée nationale pour la pose d'une plaque en hommage à Giscard et les huissiers m'ont dit : « Monsieur Santini, maintenant, ce n'est plus très drôle ici. » Aujourd'hui, on est trop encadré, on ne peut plus dire grand-chose. Le phénomène MeeToo est passé par là. Moi, j'ai eu trois fois le prix de l'humour en politique et j'en suis fier.
Comment interprétez-vous le silence de Nicolas Sarkozy ?
Je crains qu'il ne finisse par se prononcer pour Emmanuel Macron. Je l'ai connu tout jeune – il avait 20 ans – au Drugstore de Neuilly et il m'a dit : « André, je serai président de la République et je te nommerai ministre. » Nicolas Sarkozy, ce n'est pas quelqu'un qui aime qu'on lui dicte ce qu'il doit faire. Il est entêté.
Dans quel état la droite modérée va-t-elle sortir de cette élection ?
Je ne sais pas. Je suis inquiet. Je crains que la droite ne soit bientôt confinée à l'extrême droite avec la percée de Marine Le Pen et d'Éric Zemmour. Du côté de l'UDI, nous avons de bons élus, mais je ne nous vois pas avoir une attitude combative face à Macron, puisqu'il fait une politique de droite. C'est vrai qu'il change souvent, qu'il tape dans nos catalogues, mais il n'y a pas 500 façons de gouverner la France. La recomposition politique de la droite est inéluctable, mais il ne faut pas que ce soit une décomposition. Raymond Barre en son temps nous le disait déjà : la reconstruction passe par la déconstruction !
Le centrisme est-il soluble dans le macronisme ?
Il y a deux catégories de centristes : ceux qui sont élus et peuvent absorber les chocs et ceux qui suivent les grands mouvements.
La recomposition politique se jouera surtout aux législatives…
Ça va être une vraie foire d'empoigne ! Il y a des prédateurs partout. Édouard Philippe va se faire entendre. Comme « la droite chez nous », les Retailleau, les Ciotti… À Issy-les-Moulineaux, nous aurons le cas Attal à gérer puisqu'il a été député. Normalement, nous avons passé un accord avec lui. Gabriel Attal, c'est un garçon qui travaille, qui est courtois, point. Il n'a pas déclenché une attaque contre moi, il aurait pu le faire. Mais va-t-il se représenter ? La droite ou plutôt les droites pousseront-elles un ou plusieurs candidats contre lui ?
Quel jugement portez-vous sur Emmanuel Macron ?Il est très intelligent. Il me rappelle Giscard, que l'on a humilié, violemment critiqué et dont on s'est aperçu, après, qu'il avait bien gouverné. Est-ce que l'on dira pareil pour Macron ? L'appréciation de la bonne gouvernance, c'est après qu'on la mesure. J'ai le sentiment qu'il a pris les justes décisions le moment venu. Même si l'on ne sait pas comment il travaille vraiment et qu'il reste léger sur les collectivités locales alors que c'est nous qui gérons, investissons, construisons. Si Macron veut être réélu, il ne faut pas qu'il croie ce qu'on lui raconte, qu'il se mette à marcher sur l'eau. Moi, je suis toujours surpris que les gens votent pour moi. Et cette sainte appréhension, elle est nécessaire.
Éric Zemmour, qu'est-ce qu'il vous inspire ?
Pas
grand-chose. C'est un publicitaire. Il a beaucoup lu, mais cela ne
débouche sur aucun programme de gouvernement. Il me fait penser à
Ferdinand Lop, candidat fantaisiste aux présidentielles sous la IVe République, et qui avait pour programme de prolonger le boulevard Saint-Michel jusqu'à la mer.
Marine Le Pen ?
Elle fait partie des institutions. Elle a réussi à surnager. Elle a tenu bon malgré toutes les attaques de cousinage. Elle apparaît comme un élément stable pour son électorat.
Anne Hidalgo ?
Issy-les-Moulineaux s'est développée grâce à Paris. La rue de Vaugirard, la rue de Rivoli sont mortes, et les gens viennent vivre chez nous. Anne Hidalgo, c'est notre meilleur agent de recrutement.
Jean-Luc Mélenchon ?
Il a une trop haute idée de lui-même.
Yannick Jadot ?
Il ferait mieux de se présenter à une élection municipale : le meilleur laboratoire de l'écologie reste incontestablement la ville. À Issy, nous avons baissé nos émissions de gaz à effet de serre de 25 % depuis quinze ans grâce à trois écoquartiers, à la rénovation thermique, à la géothermie et, bientôt, à l'hydrogène.
Et le communiste Fabien Roussel ?
Il est vrai qu'il dit des choses simples. Ça marche encore en France.
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