Pour un président en exercice, devenir candidat en campagne n'est jamais facile. Moins encore quand le président exerce ses fonctions finissantes dans une période exceptionnelle, celle d'une guerre qui s'attaque à un pays voisin, chamboule le continent européen et traumatise un bon bout de la planète.
Emmanuel Macron, donc, doit se multiplier sur tous les fronts, se différencier, se dédoubler, chausser des lunettes à double vue. Campagne de Russie, campagne de France. Organiser le sommet de Versailles cette fin de semaine et descendre dans l'arène électorale le lundi précédent à Poissy. Grand chef ici, humble candidat là. Allez savoir au juste la part de candidat qu'il y a dans le président et de président dans le candidat.
Triste annonce
C'est une sacrée gymnastique. Est-ce pour cela que sa première apparition en candidat s'est soldée par une première erreur ? On n'en a retenu qu'une de ses promesses : la suppression de la redevance audiovisuelle. Première annonce, triste annonce, populaire sans doute, mais si dérisoire, et si décalée. Macron candidat n'avait-il pas mieux à dire que cette mesure de boutiquier, d'ailleurs piquée à d'autres candidats ? Était-ce pour descendre de l'Olympe où ses concurrents lui reprochent de camper, fuyant la confrontation ? Était-ce pour fuir les procès en arrogance et cynisme qu'il a cru bon de descendre ainsi à ce niveau de mesurette ?
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Dans la mesure du possible, le président ne doit pas handicaper les chances du candidat qu'il est aussi, mais le candidat ne doit pas non plus desservir le président qu'il est toujours, en le rabaissant. C'est à nos yeux l'effet qu'a pu avoir cette annonce audiovisuelle : elle n'est pas à la hauteur.
Plus la situation en Europe s'avère dangereuse, plus Macron y gagne en crédibilité. Son implication, ses tentatives de médiation, ses initiatives européennes sont appréciées et lui valent un surcroît de popularité comme président et une spectaculaire progression sondagière comme candidat. Ce dernier bonus, qu'il doit au président, l'oblige comme candidat. Il ne peut pas être l'homme des petites mesures. On attend de lui, plus que jamais, tout autre chose d'un tout autre niveau. La défense et la construction de l'Europe, la question de la dépendance aux énergies fossiles, à la jonction de l'embargo du gaz et du pétrole russe et de la transition climatique, les énormes besoins d'investissement pour reconquérir une souveraineté française et européenne.
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Situation jupitérienne
Certes, la première incursion électorale de Macron ne s'est pas bornée à une affaire de redevance. Le candidat a aussi dégainé son pack des quatre pactes : pacte européen, pacte entre générations, pacte productif et pacte républicain. Voilà qui est autrement ambitieux et bienvenu, car ces pactes charrient les vrais enjeux de la défense, de la dépendance, du plein-emploi, de la laïcité ou de l'immigration. Mais la redevance télé a tout éclipsé. Même un débutant aurait dû s'y attendre !
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On comprend très bien que les concurrents de Macron puissent enrager de sa situation si particulière, jupitérienne pour le coup, qu'ils ne peuvent pas lui disputer. Non pas qu'elle soit enviable en soi, mais, telle qu'elle est gérée par lui, elle se révèle profitable électoralement. Jusqu'au bout ? Sans effet de lassitude ou d'inquiétude ? Allez savoir. En tout cas, elle oblige le candidat à être à la hauteur du président et des circonstances. S'il est un moment où les Français semblent prêts à accepter des mesures fortes, visionnaires, douloureuses peut-être, mais vitales pour défendre leurs valeurs et leur mode de vie, c'est bien celui-ci. Du reste, cette exigence du haut niveau n'est pas réservée au seul Macron : elle s'applique à tous les candidats. Merci à Poutine, si l'on ose dire, de nous y pousser collectivement !
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