Certains initiés louent la sagesse des anciens. Jusqu'en 2010, tout étranger récipiendaire de la grand-croix de la Légion d'honneur pouvait profiter de cette distinction à vie, même s'il commettait les pires atrocités. Aucun texte ne permettait de la lui retirer. C'est ainsi que des personnages aussi peu recommandables que Mussolini, Ceausescu, Bokassa ou Mobutu ont pu arborer sans pression aucune la plus haute décoration française jusqu'à leur dernier souffle.
Mais en 2010, Nicolas Sarkozy décide qu'il ne peut plus en être ainsi. Comme tous les présidents, il est le grand maître de l'Ordre de la Légion d'honneur. À ce titre, il a reçu le jour de son investiture à l'Élysée, trois ans plus tôt, un collier en or massif, modèle unique, au centre duquel se distinguent deux lettres : HP, pour honneur et patrie. Or, en cette année 2010, le général Noriega, ex-dictateur du Panama décédé en 2017, est extradé vers la France. Accusé de blanchiment massif d'argent de la drogue, il est par ailleurs commandeur de la Légion d'honneur. Une décoration remise par François Mitterrand, qu'il adore arborer et qui ferait mauvais genre dans le box des accusés. Les textes sont changés. La médaille lui est confisquée.
En finir avec les médailles de convenance
Cette nouvelle règle s'impose à Emmanuel Macron envers Bachar el-Assad, fait grand-croix par Jacques Chirac en 2001, alors qu'il était un tout jeune chef d'État. Une procédure de retrait est engagée en avril 2018, mais le président syrien décide finalement de renvoyer sa médaille après la participation de la France aux actions de la coalition lancées en représailles aux attaques à l'arme chimique. « Il n'est point d'honneur pour le président Assad de porter une décoration attribuée par un régime esclave […] des États-Unis », commentent alors ses services.
Vladimir Poutine en fera-t-il autant ? Ce serait un immense soulagement, mais c'est peu probable. Le président russe s'est vu remettre la grand-croix par Jacques Chirac le 22 septembre 2006. À l'époque, déjà, ce geste avait suscité une certaine émotion. Mais aujourd'hui, cette distinction semble particulièrement incongrue. Et pour dérisoire que ce soit au regard de la guerre qui sévit en Europe, il semble difficile de ne pas engager une procédure de retrait à l'égard d'un dirigeant qui piétine la charte de l'ONU et qui menace l'Europe du feu nucléaire. L'intéressé risque d'y être indifférent, mais c'est une question de cohérence.
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La sagesse des anciens, pensent certains, avait du bon. L'impossibilité de reprendre les médailles en chocolat, distribuées dans une logique purement diplomatique, et nullement honorifique, évitait de devoir engager des procédures forcément désagréables. Mais les temps changent. Décorer un dictateur derrière une tenture, dans une sorte de clandestinité honteuse, pour obtenir quelques faveurs comme cela se pratiquait jadis, risque de ne pas rester secret très longtemps. Il vaudrait mieux, à titre préventif, ne plus le faire du tout.
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