Des dizaines de milliers de Russes ont fui à Istanbul depuis que la Russie a envahi l’Ukraine le 24 février, indignés par ce qu’ils considèrent comme une guerre criminelle, mais aussi parce qu’ils craignent la conscription ou la fermeture des frontières russes.

Et ils ne sont que le sommet de l’iceberg. Des dizaines de milliers d’autres ont fui ailleurs, notamment en Arménie, en Géorgie, en Ouzbékistan, au Kirghizistan et au Kazakhstan.

Une nouvelle vague d’émigration

Si l’exode de 3 millions d’Ukrainiens a concentré l’attention, la descente de la Russie dans l’autoritarisme désespère de nombreux Russes, qui s’inquiètent pour leur avenir. D’où une vague d’émigration – bien plus modeste que celle des Ukrainiens, certes – que certains comparent à celle de 1920, l’année où plus de 100 000 opposants aux bolcheviks se sont réfugiés à Istanbul, alors appelé Constantinople.

Parmi ceux qui s’en vont aujourd’hui, il y a des blogueurs, des journalistes et des militants qui craignent d’être arrêtés au titre de la nouvelle loi draconienne qui érige en infraction tout ce que l’État russe assimile à de “fausses informations” sur la guerre.

D’autres sont des musiciens et des artistes qui ne voient pas d’avenir en Russie. Et il y a des personnes qui travaillent dans les nouvelles technologies, le juridique ou d’autres secteurs, et qui ont vu disparaître du jour au lendemain leur vie confortable de classe moyenne.

Ils ont renoncé à leur emploi, à leur famille et à l’argent gelé sur des comptes russes auxquels ils n’ont plus accès. Ils craignent des représailles à l’étranger parce qu’ils sont russes et ils se lamentent que l’identité russe ne puisse plus être vue sous un jour positif. “Ils n’ont pas seulement volé notre avenir, dénonce Polina Borodina, une dramaturge moscovite partie à Istanbul, au sujet de son gouvernement. Ils se sont aussi emparés de notre passé.”

Fuir la répression

La vitesse et l’ampleur de cette émigration sont emblématiques du bouleversement qu’a provoqué, en Russie, l’invasion en Ukraine. Poutine avait beau être à la tête d’un régime déjà répressif, la Russie restait un pays où on pouvait facilement entrer et d’où on pouvait facilement sortir jusqu’à la fin de février, et où Internet, peu censuré, permettait l’épanouissement de médias i