Les pays de l'OCDE et en particulier les pays d'Europe risquent de vivre durablement dans une « économie de guerre ». Ces pays ont en effet subi la chute de la production pendant la crise du Covid ; l'inflation avec la rareté de l'énergie et des autres matières premières, ainsi qu'un besoin important de dépenses publiques supplémentaires (nécessaires pour assurer l'indépendance énergétique, pour moderniser les armées) en raison de la guerre en Ukraine. Avec la transition énergétique, ils vont subir la nécessité de détruire un capital ancien important lié aux énergies fossiles et de le remplacer par un capital nouveau lié aux énergies renouvelables.
Une économie de guerre est bien une économie où le besoin de dépenses publiques et d'investissements est très élevé, où du capital a été détruit, où diverses raretés conduisent à l'inflation.
De plus, dans une économie de guerre, la politique monétaire ne peut plus être utilisée pour lutter contre l'inflation : elle doit faciliter le financement des dépenses publiques supplémentaires nécessaires (aujourd'hui, transition énergétique, réindustrialisation, soutien aux ménages et aux entreprises touchées par la hausse des prix de l'énergie, dépenses de santé, de recherche, d'éducation, dépenses militaires).
Inversion des rôles
Cela implique que la politique monétaire doit rester expansionniste, et doit maintenir des taux d'intérêt beaucoup plus bas que le taux de croissance, pour qu'il soit facile de financer les dépenses publiques supplémentaires et que les déficits publics ne fassent pas monter les taux d'endettement publics. Les banques centrales ne peuvent plus lutter contre l'inflation, leur objectif central est de faciliter le financement des États.
On serait donc passé, avec l'apparition de l'économie de guerre, dans le monde de la « théorie monétaire moderne » : les États font les dépenses publiques qu'ils jugent nécessaires, et la politique monétaire est très expansionniste (les déficits publics sont monétisés) pour que les taux d'intérêt restent bas. Les banques centrales avec des objectifs d'inflation disparaissent donc.
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C'est probablement ce type d'équilibre économique qui va maintenant apparaître, en particulier en Europe. On voit que les rôles habituels de la politique monétaire et de la politique budgétaire ont été inversés. Quels sont les dangers de cet équilibre économique, et peuvent-ils être évités ?Le premier danger est clairement l'inflation. Elle vient des tensions sur les marchés de l'énergie et des autres matières premières, elle n'est pas combattue par les politiques monétaires, elle est renforcée par le niveau élevé des dépenses publiques. Dans la logique de la « théorie monétaire moderne », l'inflation doit alors être corrigée par une politique budgétaire restrictive.
Le danger des bulles
Puisqu'il n'est pas possible de réduire les dépenses publiques, puisque l'économie de guerre se caractérise par des dépenses publiques structurellement élevées, la politique budgétaire restrictive, s'il faut lutter contre l'inflation, prend la forme d'une hausse des impôts. Cette stratégie peut être efficace : une hausse des impôts est plus puissante qu'une hausse des taux d'intérêt pour freiner la demande, donc l'inflation.
Le second danger est clairement celui de bulles sur les prix des actifs. Les taux d'intérêt, on l'a vu, doivent rester nettement inférieurs aux taux de croissance. Cela pousse à la hausse les cours boursiers, les prix de l'immobilier, la valeur des entreprises… La bulle immobilière est le souci majeur, car elle fait apparaître la menace d'une crise financière et d'une crise sociale, avec la difficulté croissante d'accès au logement des classes populaires et des classes moyennes.
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Mais il est impossible d'éviter une bulle immobilière si les taux d'intérêt sont durablement anormalement bas. Il faut donc s'attendre en Europe à la poursuite d'une hausse forte des prix des logements (déjà + 8 % sur un an).
On comprend donc le nouvel équilibre qui va apparaître durablement en Europe : taux d'intérêt bas, dépenses publiques élevées, hausse de la pression fiscale si l'inflation apparaît, bulles sur les prix des actifs. Cet équilibre permet qu'il y ait un niveau élevé des dépenses publiques et d'investissement dans la logique de l'économie de guerre, mais il est durablement défavorable aux ménages avec la taxation de l'épargne due aux taux d'intérêt bas et avec la hausse de la pression fiscale pour lutter contre l'inflation.
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