Face à la vague de critiques, le gouvernement français modifie sensiblement sa stratégie pour la campagne de vaccination contre le Covid-19. Pour la presse étrangère, la lenteur des opérations s'explique par les lourdeurs administratives mais aussi un climat de défiance qui entrave désormais la lutte contre la pandémie.
Les titres sont sans appel : "Le désastre vaccinal français", écrit Die Welt à Berlin. Un "scandale d'État", pour The Daily Telegraph à Londres. "Le cercle vicieux de la méfiance française", estime à Bruxelles Le Soir. Et outre-Atlantique, "la France échoue à faire ce qui devrait être sa spécialité", titre Bloomberg aux États-Unis. Un peu plus d'une semaine après le lancement de la campagne de vaccination, le retard pris par l'Hexagone provoque la consternation dans la presse étrangère.
Ce mardi 5 janvier, face "à la vague des critiques", le gouvernement a réagi. Sur RTL, le ministre de la Santé Olivier Véran a annoncé des changements importants dans la stratégie de vaccination : cette dernière sera élargie, avant la fin du mois, aux personnes de plus de 75 ans ne vivant pas dans un Ehpad, et ouverte, dès aujourd'hui, aux pompiers et aides-soignants de plus de 50 ans. Aussi, "dans les prochains jours", les Français qui souhaitent être vaccinés pourront s'inscrire pour prendre rendez-vous "sur internet, par téléphone sans doute, et pourquoi pas par l'application TousAntiCovid", a annoncé le ministre. Des précisions seront données jeudi 7 janvier lors d'une conférence de presse.
"Le rythme de croisière de la vaccination va rejoindre celui de nos voisins dans les prochains jours. […] D'ici jeudi on va augmenter encore de façon très importante, on va être sur une courbe exponentielle", a encore affirmé Olivier Véran.
"Pourquoi la France est si lente ? C'est l'État central, chéri !"
Des promesses d'accélération devenues urgentes après une pluie de critiques sur l'extrême lenteur avec laquelle progresse la vaccination en France. Lundi, l'Hexagone a dépassé les 2 000 injections, a affirmé le ministre. Un chiffre qui reste toujours très loin de ceux des voisins.
Car si l'Europe entière se contente d'une brève piqûre dans le bras de ses citoyens, une petite dose de vaccin française doit accomplir, avant d'être injectée, une véritable course d'obstacles, explique la presse. Le plus important est d'ordre administratif. Il s'agit, comme l'écrit Il Foglio en Italie, de "l'État central, chéri*".
Les vaccins français sont effectivement "empêtrés dans la bureaucratie sanitaire", titre en Suisse Le Temps, fournissant des exemples à l'appui. Le quotidien de Lausanne cite notamment "la difficulté de vacciner à une large échelle les pensionnaires des maisons de retraite, du fait des autorisations requises – et souvent difficiles à obtenir – de la part de leurs familles. […] Le goulot d'étranglement constitué par le corps médical – une consultation préalable d'un médecin est nécessaire, pour éviter les accusations de 'vaccination obligatoire' – dont l'assentiment s'avère, en période de fêtes de fin d'année, prendre plus de temps qu'anticipé."
Enfin, le choix de ne pas installer de "vaccinodromes" s'est avéré catastrophique en termes logistiques. Des efforts importants étant nécessaires pour transporter les doses dans de bonnes conditions, plus ces dernières sont éparpillées, plus leur acheminement prend du retard.
Le technopopulisme contre-productif de Macron
Autre obstacle non négligeable : la méfiance de la population. 58 % des Français – un chiffre cité partout – ne compte pas se faire vacciner. Étonnamment, constate Bloomberg, le pragmatique Emmanuel Macron a prêté beaucoup d'attention aux désormais célèbres antivaccins français. C'est que dans le désastre vaccinal français, il n'est pas uniquement question de sauver des vies. 2022, l'année de la présidentielle en France, n'est plus loin. Et le fait que le chef de l'État a un œil rivé sur sa potentielle réélection n'aide pas à définir une gestion sereine de la crise sanitaire, estime Bloomberg.
"Le technopopulisme de Macron est en train de se retourner contre lui. Alors qu'il prépare sa réélection l'année prochaine, le président est sur la défensive et s'implique de plus en plus dans la stratégie sanitaire opaque du pays tout en tirant à boulets rouges contre sa mise en œuvre. Sa crainte d'un retour généralisé des manifestations de 'gilets jaunes' le pousse également à certains choix étranges, comme celui de désigner 35 Français au hasard pour se prononcer sur la campagne de vaccination. Cela pourrait facilement se retourner contre lui."
En somme, l'opération reconquête de la confiance est loin d'être gagnée. Depuis ce printemps, rappelle Die Welt, nombreux sont les Français qui n'arrivent pas à pardonner le "mensonge originel" du gouvernement sur la prétendue inutilité des masques. Celle-ci a alimenté une crise de la confiance entre le sommet de l'État et la population avec désormais de fâcheuses conséquences sur la politique, ajoute Le Soir.
Si les gouvernants sont responsables du pilotage de la machine, ils ne sont pas seuls. Dans ce qu'il convient déjà d'appeler un nouveau ratage, les citoyens aussi sont responsables. Dans ce pays où de nombreuses plaintes ont été introduites contre des ministres pour leur gestion de la première vague, il ne faut pas s'étonner du retour de boomerang : l'extrême frilosité des pouvoirs publics (le principe de précaution poussé à son paroxysme) quand l'épidémie galopante (le virus mutant britannique, avec sa plus grande contagiosité, va forcément s'imposer, nous apprennent les experts) exigerait de l'agilité et de l'audace."
Il s'agit désormais de regagner rapidement la confiance de la population, conclut Die Welt : "Pour Macron comme pour le pays, l'enjeu est énorme."
* en français dans le texte
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