06/01/2021

2001-2020 - Notre Histoire pour le meilleur et pour le pire par Herodote

Cérémonie d'ouverture des jeux olympiques de Pékin, 8 août 2008 (DR)

À l’orée du XXe siècle, Poutine et Erdogan accédaient au pouvoir, la Chine populaire était accueillie dans l’OMC (Organisation mondiale du commerce), l’Union européenne se dotait d’une monnaie unique et les Américains étaient pour la première fois depuis près de deux siècles agressés sur leur propre sol


Vingt ans déjà !

On pouvait croire à l’éradication prochaine des régimes totalitaires du XXe siècle et au triomphe de la démocratie. La population mondiale franchissait le cap des six milliards d’habitants contre un milliard en 1800 (8 milliards aujourd’hui) mais déjà s’amorçait dans l’ensemble de la planète à l’exception de l’Afrique noire un très net ralentissement de la croissance démographique…

En Europe, dans les flonflons du passage à l’An 2000, on se souciait encore assez peu du réchauffement climatique et l’immigration africaine n’était pas d’actualité. Internet en était à ses débuts mais attirait déjà assez de capitaux pour provoquer une bulle spéculative.

La France se flattait d’avoir une industrie de haute technologie encore très performante (Alcatel, Alstom, Lafarge, Péchiney etc.) et ses exportations agricoles affichaient des résultats honorables. Elle désespérait d’en finir avec le chômage de masse mais les experts promettaient la prospérité à tous les étages grâce à la monnaie unique qui allait faciliter les échanges et rapprocher les économies européennes.

Un monde bien meilleur que prévu

Les tours du World Trade Center frappées par les avions des terroristes (11 septembre 2001)L’horreur télévisuelle du 11-Septembre et le spectacle des tours de Manhattan en flammes offert à des milliards de téléspectateurs firent croire à un nouvel Armaggedon. Invasion de l’Afghanistan, ruine de l’Irak, nouvel attentat de masse à la gare d’Atocha, à Madrid, le 11 mars 2004…

Mais la débauche d’images et les malheurs de certaines populations comme les minorités du Moyen-Orient ne sauraient cacher une réalité plus réconfortante : il faut remonter aux années 1830 pour rencontrer des décennies plus pacifiques que les deux décennies que nous venons de vivre ! C’est ce que nous avons déjà montré il y a dix ans et la tendance ne s’est heureusement pas démentie depuis lors.

Si l’on considère le nombre de tués pour faits de guerre (moins de deux millions depuis 2001), le monde connaît une paix certes très imparfaite mais plus réelle qu’au cours des deux derniers siècles.

Cette pacification géopolitique s’est accompagnée d’immenses progrès matériels. En dépit de la croissance démographique, l’extrême pauvreté, définie par un revenu inférieur à 1,90 dollar par jour, ne concerne plus que 9% de l’humanité contre 36% en 1990. L’espérance de vie à la naissance a quant à elle gagné environ 3 ans dans les vingt dernières années en moyenne dans le monde.  

Ces progrès sont surtout dus à la spectaculaire progression de la Chine populaire, proprement sortie du néant. À la mort de Mao Zedong, en 1976, elle produisait 3% de la richesse mondiale avec plus d’un cinquième de la population mondiale...  Mais après trois décennies de croissance à plus de 10% par an, son PIB (produit intérieur brut) talonne celui des États-Unis (environ 20 000 milliards de dollars en parité de pouvoir d’achat). Bénéficiant de délocalisations massives des usines occidentales, le pays est devenu l’« atelier du monde ».

Les Jeux Olympiques de Pékin en 2008 ont exprimé à la face du monde le retour fracassant de l’Empire du Milieu à l’avant-scène. Désormais, les dirigeants chinois mettent l’accent sur les technologies de pointe (internet 5G, espace, génétique…). Ils se préoccupent de sécuriser aussi leurs approvisionnements en matières premières et pour cela développent leur armée et leur marine. Ils ont installé une première base militaire hors de leurs frontières, à Djibouti. Ils ont surtout fait irruption en Afrique, attirés par les richesses naturelles et minières du continent noir.

Dans le même temps, le mode de vie de l’ensemble de l’humanité a été bouleversé par les communications satellitaires et la révolution numérique, née de l’invention concomitante, il y a cinquante ans, du réseau internet et du microprocesseur. On ne saurait plus s’en passer, y compris dans les régions les plus reculées et les plus pauvres, avec pratiquement autant d’abonnements à des mobiles que d’habitants. Les activités de production, les échanges mais aussi les loisirs sont devenus étroitement dépendants d’internet. Chacun de nous en use au quotidien, pour s’informer, consommer, échanger… Les révolutions du « printemps arabe » de 2011 ont elles-mêmes été rendues possibles grâce aux réseaux sociaux (facebook).

Internet a suscité l’émergence d’une nouvelle oligarchie qui s’est substituée aux constructeurs automobiles et aux pétroliers. On a créé pour désigner ces sociétés plus riches et puissantes que beaucoup d’États l’acronyme Gafam (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft) mais il faudra sans doute bientôt lui ajouter quelques références chinoises comme Alibaba ou Huawei.

Dérapages en cascade

Tandis que l’Extrême-Orient s’appropriait les technologies du futur, que l’Union indienne (1,3 milliards d’habitants aujourd’hui) découvrait à son tour la société de consommation, que l’Afrique subsaharienne se prenait à espérer un avenir meilleur grâce aux achats de la Chine et que l’Amérique du nord inventait le multiculturalisme, l’Europe plongeait dans une trouble léthargie.

En France, en 2002, la cohabitation droite-gauche au sommet de l’État débouchait sur une percée de l’extrême-droite et la reconduction faute de mieux du président sortant. Le doublement des flux migratoires, de 100 000 par an dans les années 1990 à 200 000 dans les années 2000 suscitait l’inquiétude de l’électorat populaire et le brouillage des clivages traditionnels gauche-droite.

Le scrutin français de 2002 apparaît rétrospectivement comme la première négation de la démocratie traditionnelle. Dans les États faibles ou instables, on ne vote plus pour un programme mais « contre le système » ou « contre le populisme ». Les premiers l’ont emporté en Italie avec le Mouvement 5 Étoiles, mais aussi aux États-Unis avec Donald Trump, au Brésil avec Jair Bolsonaro, aux Philippines avec Rody Duterte et plus récemment en Ukraine avec l’improbable Volodymyr Zelensky. Les seconds se maintiennent en France face au diable figuré par Jean-Marie Le Pen et sa fille.

L’Amérique latine s’est détournée des dictatures d’extrême-droite mais au prix d’une extrême instabilité. En accédant à la présidence de la République au Venezuela en 1999, Hugo Chávez a réussi le « tour de force » de ruiner le pays le plus richement doté en pétrole. Dans la Colombie voisine mais aussi au Brésil, au Mexique et en Amérique centrale, la criminalité, les mafias et les cartels de la drogue défient les États. Avec dans certains pays plus de 50 homicides par an pour 100 000 habitants, on atteint un degré de violence plus élevé qu’au Moyen-Orient (et supérieur à celui du Moyen Âge européen).  

Affiches électorales sur un mur de Fontenay-aux-Roses (mai 2005), DREn Europe, un coup dur a été porté à la démocratie à l’issue des campagnes référendaires sur le traité constitutionnel européen en 2005 en France et aux Pays-Bas. Bien que les citoyens aient clairement rejeté le texte après des débats d’une rare intensité, les classes dirigeantes imposent son passage en force : c’est le traité de Lisbonne (2007).

La « crise des subprimes », liée à un relâchement du crédit aux États-Unis, met à nu en 2008 la fragilité de la zone euro. Tandis que les États-Unis vont se sortir de la crise en dix-huit mois au prix d’une intervention très ferme de l’État, l’Union européenne va en pâtir pendant plus de dix ans. Les pays de la façade méditerranéenne, dont la France, voient leur endettement bondir. L’industrie et l’agriculture françaises sont laminées par les déséquilibres commerciaux avec l’Allemagne qu’aucun réajustement monétaire ne peut plus corriger comme durant l’après-guerre (1949-1989), quand le franc avait sacrifié les deux tiers de sa valeur par rapport au mark.

Sur la frontière sud de l’Union européenne, les soulèvements populaires et les rébellions du monde arabe débouchent en 2015 sur un afflux de réfugiés sans précédent. Les dirigeants et l’opinion publique sont pris de court par la décision unilatérale de la chancelière Angela Merkel d’ouvrir ses frontières à 800 000 réfugiés. Il s’ensuit un changement de paradigme. L’Europe occidentale, terre d’immigration depuis 1974, tentait jusque-là de distinguer les immigrants légaux des immigrants clandestins. La distinction n’est plus de mise, tous les immigrants ayant désormais vocation à être régularisés, au prix de graves tensions dans les États concernés mais aussi entre les pays occidentaux de l’Union et les pays orientaux…      

Colonnes de réfugiés dans les Balkans en 2015 (DR)

Vingt ans après, où en sommes-nous ?

Poutine et Erdogan sont toujours aux commandes en Russie et en Turquie. Ils pratiquent avec constance une Realpolitik centrée sur la Nation et cela leur vaut un soutien populaire jamais démenti, malgré quelques turbulences : guerres périphériques, tentatives de coup d’État etc.

Plus gravement, la Realpolitik nationaliste a été aussi adoptée en Chine populaire par Xi Jinping et en Inde par Modi. Elle est aussi pratiquée par les Iraniens. C’est également ce genre de politique qui a été plébiscité par les électeurs de Donald Trump aux États-Unis : « USA First ! ». L’intérêt national prime sur les traités internationaux et les grands principes, lesquels n’ont plus d’universels que le nom.

En Grande-Bretagne, la priorité donnée à l’intérêt national a entraîné le Brexit et l’accession de Boris Johnson à la tête du gouvernement. C’est un coup de massue pour l’Union européenne qui se coupe de la cinquième puissance économique mondiale et première puissance diplomatique, militaire et nucléaire européenne, avec un siège permanent au Conseil de sécurité de l’ONU.

En Europe même, au contraire de ce qui se passe dans le reste du monde, les gouvernements et les majorités électorales valsent à en donner le tournis. En France, tous les cinq ans, on élit un président par défaut. Ce fut le cas de Jacques Chirac en 2002, François Hollande en 2012 et Emmanuel Macron en 2017. Tout cela ne fait pas de la bonne politique.

Face à l’offensive commerciale des géants américains d’internet (Uber, Amazon, Google…) qui prélèvent impunément leur dîme sur les entreprises européennes, les dirigeants de l’Union s’en tiennent à leur doctrine libre-échangiste et non-interventionniste. Rien à voir avec leurs homologues russes et chinois qui ont eu soin de préserver leur souveraineté économique en développant des géants internet nationaux (avec la censure en prime !).

Les Européens ont de fait perdu la maîtrise de leur destin face à leurs voisins et à leurs concurrents. Ils sont restés sans voix et sans bras quand le président américain a délibérément renié les traités internationaux sur le nucléaire iranien (2013) et sur le climat (COP21, 2016). Disqualifiés par leur impuissance, ils sont inaudibles dans les bras de fer commerciaux et stratégiques qui voient s’affronter les grandes puissances et les puissances dissidentes (États-Unis, Chine, Russie, Iran, Corée du Nord, Arabie etc.).

Ils sont inaudibles aussi face aux trois enjeux majeurs des décennies futures :
• Le dérèglement climatique : l’ensemble du monde s’accroche à un mode de vie gaspilleur de ressources naturelles et fondé sur une énergie très bon marché, avec une débauche toujours plus grande de produits hautement polluants (véhicules SUV, écrans télé géants, publicités vidéos…).
• L’effondrement démographique des pays développés : les populations originelles d’Occident et d’Extrême-Orient sont appelées à une rapide décroissance et leurs possibilités de rebond sont compromises par le poids bientôt écrasant des personnes de grand âge (la Chine elle-même pourrait retomber à un milliard d’habitants dès 2100, soit à peine plus que… le Nigéria).
• La démographie africaine : l’Afrique subsaharienne poursuit une croissance démographique exubérante qui rend illusoire tout espoir de mieux-être (elle rassemble d’ores et déjà plus de la moitié des personnes d’extrême pauvreté contre 15% seulement en 1990).

Rendez-vous dans vingt ans pour un nouvel état des lieux.

 

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