Un président ne devrait pas dire ça.«Peut-être que je devrai faire des choses dures dans la dernière année, dans les derniers mois parce que les circonstances l’exigeront, et qui rendront impossible le fait que je sois candidat (en mai 2022)», déclarait sans vergogne Emmanuel Macron le mois dernier dans un «entretien fleuve» sur le site Brut, consacré aux jeunes. Ce cocktail de parler vrai et de phrases sibyllines est détonnant. Le rôle d’un chef d’État serait-il d’instiller le doute et l’effroi chez ses concitoyens? À moins d’y voir un chantage, «moi ou le chaos»… Par Jean-Pierre Robin
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Seule certitude, les Français ont compris que l’année 2021 serait chaotique. Les inconséquences de la prétendue «stratégie» de vaccination en sont le prélude amer. Gestion sanitaire à l’estime, croissance économique et chômage en mode panique, finances de l’État et des entreprises sur le fil du rasoir, restructurations de secteurs entiers: autant de pierres d’achoppement qui mettront face à face un exécutif au bout du rouleau et une opinion publique à cran.
Le président de la République se prépare à des «choses dures», «quoi qu’il arrive», son nouveau mantra entendu lors des vœux de la Saint-Sylvestre. Il se substitue à l’emblématique «quoi qu’il en coûte» qui était adossé à la corne d’abondance de la Banque centrale européenne. Cet argent magique aura rendu l’exercice économique 2020 surréaliste. Comment comprendre que la production du pays, son PIB, ait chuté de 10% et que les revenus des Français se soient maintenus peu ou prou (le pouvoir d’achat individuel a progressé de 0,3% en moyenne selon la Banque de France)? Comment admettre que l’activité productive nationale tourne à un rythme inférieur de près de 10% à celui de janvier 2020 et que le chômage ait relativement peu augmenté, que les faillites d’entreprises aient été moins nombreuses l’an dernier qu’en 2019?
Étrange paradoxe, la perte de substance suite à la crise sanitaire a été littéralement «surfinancée». D’un côté, la chute de la production subie par le pays s’élève à 240 milliards d’euros en 2020 (10% du PIB), mais les pouvoirs publics ont injecté quelque 400 milliards (plans d’urgence et de relance) selon les estimations d’Olivier Passet, le chef économiste du cabinet Xerfi. Ce Niagara d’argent public, qu’il ait été déboursé (chômage partiel entre autres) ou simplement prêté aux entreprises sous forme de garanties de l’État, a eu l’immense mérite d’éviter une dépression. Laquelle aurait été sinon bien pire que dans les années 1930, quand près de la moitié de la population était rurale et vivait en autarcie.
Personne n’imagine pourtant que ces miracles se renouvellent en 2021. Bruno Le Maire, ministre des Finances, a admis ce 7 janvier devant les adhérents de l’Institut Montaigne que «le plus dur est devant nous». Les difficultés vont surgir tant à l’échelle européenne qu’au niveau national dont la campagne présidentielle 2022 va exacerber les enjeux.
«Pas d’impôt Covid»
Emmanuel Macron se glorifie des avancées de l’Union européenne qui aura réussi, dit-il, à «concevoir un plan de relance unique et massif (de 750 milliards d’euros) et décider un endettement commun». Oui, l’Europe protège, à l’instar du «bouclier de l’euro». Mais la grande erreur des gouvernements français, et celui-ci plus que tout autre, est d’oublier que l’UE constitue un espace de concurrence comme le confirme de façon caricaturale le feuilleton des vaccins. L’Élysée s’était battu pour que tous les pays en disposent le même jour et dans les mêmes quantités ; or, pour d’obscures raisons, notre bureaucratie les a gardés dans des congélateurs quand l’Allemagne et l’Italie vaccinaient à tout-va.
L’Europe a puissamment aidé à traverser la crise en 2020, mais ses béquilles sont amenées à se retirer. La BCE financera les dettes publiques jusqu’en mars 2022 ; au-delà les divergences Nord et Sud (dont la France) reviendront au premier plan. «Le problème de dette publique, ce n’est pas la “dette Covid”, qui est monétisée, mais la dette “post-Covid”», résume Patrick Artus, l’économiste de Natixis. Comment résorber les déficits qui resteront béants une fois l’épidémie vaincue?
« La petite musique de la fiscalité est repartie, certains proposent une sous-indexation des retraites, et, pour se protéger, les épargnants thésaurisent les billets de banque »Loin d’être technique, la question est hautement politique. La position de l’exécutif est claire et nette, «pas d’impôt Covid», comme le répète à satiété Bruno Le Maire, sauf qu’il se heurte à trois sortes d’objections venues d’horizons complètement différents.
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Tout abord, et c’est dans l’ordre des choses, un groupe de députés PS a proposé «un prélèvement exceptionnel de solidarité sur les encours d’assurance-vie supérieurs à 30.000 euros» (sic), avec en ligne de mire le retour de l’ISF. Dans un tout autre registre, le très officiel Comité de suivi des retraites, chargé de conseiller le gouvernement sur leur financement, a choisi le 21 décembre pour recommander «une mesure de sous-indexation (des pensions) visant l’ensemble de la population retraitée», voire une baisse pure et simple, sous prétexte que les retraites, contrairement aux salaires, sont épargnées par la crise. Troisième niveau d’inquiétude, les épargnants Européens thésaurisent massivement les billets de banque. Sur les douze derniers mois, leur détention s’est accrue de 164 milliards d’euros, selon la BCE, soit environ 33 milliards en France, ce qui est d’autant plus paradoxal que l’on paie de moins en moins en billets: ce trésor caché est une façon d’échapper à d’éventuelles hausses d’impôts.
Emmanuel Macron va devoir faire des arbitrages politiques pour canaliser enfin le déluge de crédits publics, sauf à devoir s’exclamer lui aussi, «Avalanche, veux-tu m’emporter dans ta chute?». (Erratum: la proportion de morts du Covid aux États-Unis est d’un peu plus de 1‰ et non de 1% de la population, «Libres-Échanges» du 4 janvier).
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