29/01/2021

Mauvaise gestion de la pandémie : quelle part de responsabilité pour le management d’Emmanuel Macron face au Covid-19 ? | Atlantico.fr

Si le chef de l’Etat a su s’opposer à ceux qui géraient plus « leur risque » que la pandémie elle-même, il ne semble pas avoir été capable de corriger les travers de l’administration de la santé. Et les a même parfois aggravés en mettant en scène des colères sans véritable conclusion pratique.

Atlantico.fr : Lors de la crise sanitaire, le président a semblé prendre tardivement ses décisions, parfois attendant le dernier moment. Celui qui se définissait comme maître des horloges est il incapable de trancher quand il le faut ?

Laurence Le Poder : L’executif ne semble pas maître du temps. Il apparait toujours en retard dans la prise de décision.

Tout d’abord, la prise de conscience de la gravité de la crise sanitaire a été tardive : il s’est passé presque 3 mois entre l’alerte donnée par A. Buzin en janvier 2020, et la date de la 1er décision (6 mars 2020 date du déclenchement du plan blanc dans les hôpitaux).

Et ce retard n’a, semble -t-il, jamais été rattrapé…

…Retard dans la mise en œuvre des moyens, dans la prise de décision, dans l’anticipation de la 2ème vague…

…Retard sur la stratégie stop and go, de la stratégie du tester/tracer/isoler….

Le sentiment est que l’exécutif ne parvient pas reprendre la main sur la gestion de la situation de crise, incapable de maîtriser la situation, le bruit médiatique et l’amplification sur les réseaux sociaux.

Pas de communication transparente sur les enjeux et leurs ampleurs, sur la prolifération des mutants et les questions qu’ils soulèvent dans l’efficacité des vaccins.

On a le sentiment que l’on est toujours dans cette phase de sidération, qui pourtant est déjà largement passée.

On a le sentiment d’être dans continuellement dans une phase réflexe : les signes sont attendus et on agit, il n’y pas d’anticipation.

Or En gestion de crise l’anticipation est importante, et dans cette crise l’anticipation prend tout son sens. Cette crise sanitaire pouvait être anticipée mais le défaut, voire le manque de préparation humain, matériel…met en évidence notre incapacité à maîtriser cette situation.

Eric Verhaeghe : Effectivement, on a surpris Emmanuel Macron à plusieurs reprises en situation de reculer devant l'obstacle, ce qu'en équitation on appelle le refus d'obstacle. Ce mécanisme macronien, qui consiste à décevoir par l'inaction après avoir annoncé monts et merveilles, est apparu clairement avec l'affaire du séparatisme : début octobre, le Président a prononcé un discours tonitruant annonçant une lutte implacable contre l'islamisme radical, et le résultat de cette diatribe est une reculade en bonne et due forme sur toute la ligne. Non seulement, le mot "islamisme" n'apparaît plus dans le texte, mais le gouvernement a même bloqué un amendement demandant l'interdiction du voile pour les fillettes.

Dans la gestion du COVID, les dossiers ne sont pas gérés de façon plus claire. Tous les confinements ont été décidés à la dernière minute. Le confinement de la semaine prochaine devrait encore moins échapper à la règle, alors que personne ne doute qu'il interviendra. Sur ce point, Emmanuel Macron empile les erreurs de commandement. Il donne en effet chaque fois l'impression de mollir devant l'effort, ce qui ne favorise guère l'envie de le suivre. Il n'explique pas ses doutes, ce qui nous transforme en simples exécutants d'une action mystérieuse. Enfin, s'il prend son temps pour décider, il ne nous laisse guère le temps pour obéir : les décisions doivent être mises en oeuvre immédiatement.

Quand on est aux commandes d'un grand pays, c'est quand même un peu compliqué de se comporter de cette façon.

Atlantico.fr :  Emmanuel Macron devrait-il procéder à certains changements dans son administration s’il veut que son processus de décision soit plus clair ?

Laurence Le Poder : Face à cette crise, nos outils et nos organisations ne sont pas préparés à affronter ces situations de crise « inattendue ».

Nos organisations sont préparées à affronter les risques nucléaires, chimiques, biologiques (les différents plans de gestion de crise sont prêts, testés…), mais les risques sanitaires ne semblent pas être anticipés de la même façon, avec la même importance.

Depuis le début de la pandémie, les signaux faibles et contradictoires ne sont pas pris en considération, ils sont exclus des plans : pénuries de masques, de matériels, de médicaments, de personnel….

Nous pouvons faire la même constatation des organisations et des outils au niveau européen. Aucune préparation. La polémique sur les vaccins en est une évidence.

En outre cette situation est tellement complexe que la crise devient systémique : elle touche tous les secteurs, toutes les dimensions, économique, financière, politique, psychologique….

Et cette complexité met le gouvernement face des enjeux majeurs : être légitime dans la conduite de la gestion de crise, être considéré comme un acteur majeur à qui on peut faire confiance, Et être perçu comme crédible.

Nous ne pouvons que constater la difficulté de trouver les réponses justes et adaptées à ces enjeux tant au niveau des décisions prises et que des actions à mettre en œuvre.

Pour faire face à ces enjeux, la communication de crise fait partie intégrante et essentielle de la gestion de crise.

Eric Verhaeghe : On pensait, avec François Hollande, avoir atteint le sommet de la comitologie et de la multiplication des commissions bidon. On s'aperçoit qu'Emmanuel Macron, qui a pourtant été élu sur une démarche plus "bonapartiste", fait bien pire, avec des créations incessantes de hauts comités théodule qui ne rajoutent que de la complexité et de l'indécision là où il y en a déjà beaucoup trop. Rappelons qu'à l'issue du premier confinement, tous les soignants se sont plaints de la complexité du processus administratif dans les hôpitaux. Le Ségur de la Santé devait régler le problème. Ce barnum a finalement débouché sur quelques primes, et a totalement occulté la question de la déconcentration des pouvoirs, de la suppression de la bureaucratie, et de l'agilité des structures.

Dans la pratique, Macron n'est pas un réformateur. Il est issu de l'appareil d'Etat, et il prend bien garde à ne pas réformer cet appareil pour ne pas se couper de ses bases. Pour le pays, cette inaction est totalement toxique.

Atlantico.fr :  Emmanuel Macron a parfois mis en scène sa “colère” envers ses ministres, mais celle-ci a-t-elle jamais débouché sur des actions concrètes ? Cela peut-il être contre productif dans la prise de décisions de ceux qui les subissent (ministres, fonctionnaires, etc…) ? 

Laurence Le Poder : La communication de l’exécutif vise à rassurer plutôt qu’à informer et à expliquer.

Aujourd’hui, la parole est galvaudée. Trop d’experts s’expriment, les prises de paroles sont trop disparates. Elles sont trop diluées entre les scientifiques, les politiques...

Il y a une confusion des genres, et aucune répartition du rôle de chacun dans la communication dans cette situation.

Et ce dans un contexte où la crédibilité des politiques est mise à mal où les réseaux sociaux sont amplificateurs de crise.

Sur ce point, remarquons la présence du porte-parole Gabriel ATTAL. Ses interventions sont très didactiques, très pédagogiques.

Par ailleurs, depuis plus d’une semaine, les multiples communications préparent l’opinion publique à de nouvelles mesures plus strictes (3ème confinement).

Nous sommes dans une nouvelle phase de la communication de crise : la communication d’influence dont l’objectif est de préparer l’opinion publique à ces nouvelles mesures.

Mais simultanément, les réactions de plus en plus fortes des scientifiques et des politiques sont telles que le Président hésite à prendre la décision. Il redoute l’opinion publique, ses possibles réactions à l’image de ce qui se passe aux Pays Bas, en Espagne, en Italie…

Mais ce qui provoque la colère c’est la non-cohérence des mesures annoncées, les contradictions entre les différents points de vue politique, scientifique.

La stratégie de communication du gouvernement se doit d’informer sur la situation et de son évolution, mais se doit aussi de préserver sa légitimité et sa crédibilité dans la gestion de cette crise.

Et pour cela, l’exécutif doit prendre en considération les attentes, les besoins et les perceptions différentes, parfois mêmes contradictoires, de la population, des médias et des acteurs impliqués dans cette crise.

Eric Verhaeghe : En fait, Macron est un grand diseu, mais un petit faiseu, comme on dit dans le Nord. Il communique. Il montre. Il s'affiche. Mais ce n'est pas un homme d'action. Souvenez-vous de sa prétendue colère sur la question de la vaccination où il a exigé qu'on aille plus vite et plus loin. Qu'en est-il sorti ? Finalement Véran a accepté d'avancer un peu la vaccination des soignants, mais rien de plus. Et l'appareil d'Etat se révèle incapable de prendre des rendez-vous pour les personnes vaccinées, les plannings sont complets et les doses insuffisantes. Mais pensez-vous qu'Olivier Véran soit limogé pour la cause ?

En réalité, Macron se laisse étonnamment influencer par l'image de l'autorité. Véran est médecin, et est entouré d'autres médecins. Cet aréopage de blouses blanches semble beaucoup impressionner le Président qui est le petit doigt sur la couture du pantalon face à eux. In fine, c'est eux qui imposent des arbitrages.

Atlantico.fr :  Lui qui fustigeait les lenteurs et les atermoiements de l’ancien monde, Emmanuel Macron a-t-il vraiment révolutionné l’administration ?

Eric Verhaeghe : C'est l'un des grands vides du quinquennat Macron. Pourtant, plusieurs rendez-vous était donné pour réformer l'Etat. Edouard Philippe avait même nommé une commission bidon de hauts fonctionnaires qui ont rendu une liste de préconisations pourtant très peu audacieuses, et cette liste a fini comme étais sous une armoire qui menaçait de s'effondrer dans un bureau. Sur l'ENA, Macron a commandé le rapport Thiriez, dont les préconisations sont perçues inaperçues et que le Président a également utilisé comme étais sous une autre armoire branlante.

Macron devait mettre en place une start-up nation, et les administrations sont encore pleines de fonctionnaires dont le métier et l'occupation quotidienne est de saisir à la main les dossiers que les administrés ont envoyé par Internet. La gestion des titres de séjour est, de ce point de vue, une sorte de caricature : si des procédures d'envoi en ligne de volumineux dossiers ont été mises en place, les étrangers sont ensuite convoqués dans des bureaux où ils regardent des fonctionnaires ressaisir le dossier à la main.

Tout cela est absurde et ruineux. Mais Macron ne s'est pas du tout intéressé au sujet. 

Source Atlantico 

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