100 % d’énergies renouvelables : avec des si…
Elle est ravie, Barbara Pompili. La ministre de la Transition énergétique a lu avec délectation un rapport commandé par sa devancière, Élisabeth Borne, qui devait dire si, oui ou non, 100 % de l'électricité consommée en France en 2050 pouvait être produite par les énergies renouvelables (vent, soleil, hydrogène vert, eau, etc.). Et le rapport rédigé par RTE, le gestionnaire du réseau de transport d'électricité, et l'Agence internationale de l'énergie (AIE) la comble. « Ce rapport constitue un moment copernicien pour le monde de l'énergie », claironne un communiqué de son ministère. Au journal Le Monde Barbara Pompili précise sa pensée : « Jamais l'option du 100 % renouvelables n'avait été à ce point approfondie. La plus haute autorité mondiale de l'énergie dit que c'est techniquement réalisable. »Regardons de plus près le rapport, publié mercredi 27 janvier. Si l'on s'en tient à l'esprit, Barbara Pompili a raison. RTE et l'AIE écrivent que l'option 100 % renouvelables est réalisable en 2050. Mais, en pratique, l'atteinte de cet objectif est beaucoup moins certaine. Les deux instances internationales énumèrent tout un tas de conditions cumulatives, parfois difficilement réalisables, et laissent de côté des aspects essentiels : le coût de cette ambition, et son impact sur la population.
Des technologies encore embryonnaires
Les conditions techniques, d'abord. Il y en a quatre. Les énergies renouvelables présentent plusieurs handicaps, dont l'un peut mettre en péril le réseau : les panneaux photovoltaïques comme les éoliennes ne disposent pas d'alternateurs qui, en tournant, assurent la fréquence de 50 hertz nécessaire au bon fonctionnement du réseau. Aujourd'hui, les centrales classiques (à énergie nucléaire, gaz ou charbon) assurent le maintien de cette fréquence. Elles peuvent compenser les carences techniques des éoliennes ou des panneaux solaires parce que la part de ces énergies dites vertes dans le « mix énergétique » n'est pas trop importante. Jusqu'à 60 % d'énergies renouvelables, assure Laurent Piechaczyk, président du directoire de RTE, on sait faire ; le système n'est pas fragilisé. De 60 à 80 %, les choses se compliquent : il faudra développer des systèmes (compensateurs synchrones, par exemple) qui, pour l'heure, n'ont pas été testés à très grande échelle. Au-delà, à plus de 80 % d'énergies renouvelables, c'est un peu l'inconnu.
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Deuxième difficulté technique : comment assurer l'adéquation entre production d'électricité verte et consommation ? Le soleil ne brillant pas forcément quand on en a besoin, le vent ne soufflant pas toujours aux moments adéquats, il faut bien trouver des moyens pour compléter ces absences. Dans les dix prochaines années, dit le rapport, les centrales du pays (nucléaire, gaz, etc.) suffiront à prendre le relais. Mais après ? Il faudra faire preuve d'imagination. Le rapport suggère que les moyens de production et de stockage par l'eau soient mis à profit, mais les endroits où édifier de nouveaux barrages en France sont rarissimes. Autre parade : la Step (station de transfert d'énergie par pompage), qui peut servir de batterie géante (on stocke l'eau quand le besoin en électricité est bas, on la libère pour produire en cas de besoin). Mais, là encore, il n'y a guère de lieux en France pour installer de nouvelles Step. Il faudra donc aussi jouer sur des techniques comme les batteries de voitures (qui serviront de stockage pour alimenter la maison), des centrales à hydrogène ou d'autres solutions à venir si elles sont viables, ce qu'espèrent les rapporteurs.
Faut-il craindre le black-out ?
Le troisième point concerne les moyens qu'a la France de faire face, au pire, à un black-out. Si, aujourd'hui, quelques unités s'arrêtent, les centrales nucléaires ou à gaz peuvent prendre le relais en un rien de temps. Une part des parcs éoliens ou photovoltaïques, aussi. Mais demain, si ces derniers sont majoritaires, et si le nombre de centrales dites « pilotables » est réduit à la portion congrue ? Il faudra, écrit le rapport, connaître avec beaucoup plus de précision la production des éoliennes et des panneaux solaires afin d'être sûr qu'ils ont la capacité de prendre le relais d'une unité défaillante. Une obligation qui ne semble pas poser trop de difficultés, selon les auteurs du rapport.
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Le quatrième et dernier point est plus compliqué. L'essor potentiel des énergies renouvelables obligera à renforcer le réseau, c'est-à-dire les lignes à haute et très haute tension, ainsi que celles qui distribuent dans les villages le courant. C'est l'un des handicaps des éoliennes ou des parcs solaires : les parcs sont de petite taille, disséminés un peu partout en France, souvent dans des endroits isolés. Plus on en installera dans l'Hexagone, plus il sera donc nécessaire de tirer de nouvelles lignes, et d'édifier de nouveaux pylônes. Il s'agira aussi de remplacer celles qui datent un peu trop, et de prévoir des câbles sous-marins, fort coûteux, pour les éoliennes plantées en mer. Le rapport reste plutôt optimiste : les ingénieurs ont une vingtaine d'années pour mettre au point des techniques de transport efficaces, et pas trop polluantes pour le paysage.
Une étude plus complète à l'automne
C'est là la deuxième grande limite de l'exercice mené par RTE et l'AIE. Les deux instances le reconnaissent : elles n'ont pas évalué les conséquences pour le pays de ce « moment copernicien », pour reprendre les termes de Barbara Pompili. Certes, pour l'heure, la majorité des Français semble apprécier ces mâts de métal, si l'on en croit une enquête tout juste dévoilée par France énergie éolienne, le syndicat de la profession. Mais, au fur et à mesure qu'elles se hérisseront, accepteront-ils sans regimber l'arrivée de milliers d'éoliennes supplémentaires ? Ces moyens de production, reconnaît le rapport, « soulèvent […] des enjeux environnementaux (par exemple, sur l'utilisation des sols et la criticité des matériaux qu'elles utilisent) et sociétaux ». L'essor des renouvelables obligera aussi, sans doute, à quelques efforts de la part des Français. Ils devront notamment apprendre à moduler leur consommation en fonction de la production des énergies renouvelables ou du stockage de la batterie de leur voiture.
Le coût financier de cet essor est lui aussi mis de côté, alors qu'il pèsera dans les choix. L'ajout de nouveaux moyens de production indispensables pour compenser l'intermittence des énergies renouvelables, comme des centrales à hydrogène, ou encore une meilleure interconnexion avec les pays étrangers (pour exporter ou importer de l'électricité selon le vent ou le soleil), aura « d'importantes implications en matière de coûts », prévient le rapport. Pour l'heure, ses auteurs renvoient ces questions sensibles à une étude plus complète, qui sera dévoilée à l'automne. Les coûts de cette montée en puissance des énergies renouvelables, sa faisabilité industrielle ou encore l'« acceptabilité » des Français devraient être précisés. Il y aura alors peut-être moins de « si ».
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