17/01/2021

Bruno Le Maire, le pompier de la crise fait un sans-faute - Challenges

Avec lui, l’OPA sur Carrefour ne passera pas. Bruno Le Maire a pris des accents gaulliens, voire souverainistes, dans sa réaction au projet du groupe canadien Couche-Tard  de racheter le distributeur français. "Carrefour, c’est le premier employeur privé de France, c’est un chaînon essentiel dans la sécurité alimentaire des Français, a-t-il lancé sur France 5, le 13 janvier. J’ai vu, lors du premier confinement, à quel point la sécurité de l’approvisionnement, c’est vital pour nous tous. Le jour où vous allez chez Carrefour, chez Auchan ou chez Leclerc et qu’il n’y a plus de riz, qu’il n’y a plus de biens essentiels, vous faites comment ? La souveraineté alimentaire passe avant tout ". Le ministre de l’Economie menace donc de bloquer ce rachat via le décret sur le contrôle des investissements étrangers en France, qui exige son feu vert à ce type d’opération. La loi Pacte, promulguée en mai 2019, a opportunément élargi le champ de ce décret à la distribution alimentaire.

Bruno Le Maire a le beau rôle. Porté par la demande de protection de l’opinion, ce libéral -qui affichait un programme de libéralisation de l’économie radical à la primaire de la droite en 2016- se présente aujourd'hui comme le père protecteur des Français. Résistant aux acquisitions de groupes étrangers mais surtout grand ordonnateur du "quoiqu’il en coûte" présidentiel, qui protège en distribuant les milliards d’aide de l’Etat. Ce soir, aux côtés du Premier ministre, il va à nouveau détailler les aides visant à faire face aux nouvelles restrictions sanitaires.

Un quasi sans faute pour distribuer les milliards

Ce 14 janvier, "BLM" fait aussi le buzz médiatique en publiant son 9e livre, le 3e depuis le début du quinquennat, L’Ange ou la Bête (Gallimard), qui devrait marquer les esprits. C’est un récit détaillé, à l’intérieur de Bercy, de la bataille contre cette crise hors normes. "Je l’ai écrit au milieu de la tempête, ce qui le rend plus authentique, sans nier nos doutes et nos hésitations face à cette crise exceptionnelle, nous confie-t-il. Elle a bouleversé mes convictions. Je prônais le nécessaire redressement budgétaire mais, en quelques jours, il a fallu dépenser beaucoup d’argent pour protéger les salariés et les entreprises".

En pour distribuer ces milliards, Le Maire affiche un quasi sans-faute, suscitant très peu de critiques des syndicats ou des entreprises. "Il est resté très réactif et répond aux SMS dans les deux heures, témoigne Jacques Creyssel, à la tête de la fédération du commerce et de la distribution. Lors du dernier confinement, à la sortie d’une réunion de la zone euro, il a traité le problème de la vente de produits de maquillage, classé dans les produits non essentiels, ce qui nous posait des problèmes logistiques ". Et il a mouillé la chemise pour que les petits commerces rouvrent plus tôt que prévu, fin novembre, tout en repoussant le Black Friday. Toutefois, certains regrettent une moindre réactivité. "Même si elle reste excellente, son action est parfois dégradée par le déroulé bureaucratique qui en résulte, comme les délais de publication des décrets trop longs", analyse Jean-François Rial, président de Voyageurs du Monde.

Dans la crise, "BLM" a pris du poids politique

Du côté des économistes, beaucoup saluent aussi son action. "La réaction à la crise a été plutôt plus rapide qu’ailleurs, relève Gilles Moec, le chef économiste d’Axa. La France a évité les ratés et les lenteurs de l’Italie ou du Royaume-Uni dans les prêts garantis par l’Etat aux entreprises". Et Le Maire a montré plusieurs fois qu’il était très ouvert aux suggestions, sans tabou. "Je lui ai proposé d’agir massivement pour soutenir les fonds propres des entreprises. Il l’a fait très vite", relate Patrick Artus, l’économiste en chef de Natixis. "Quand on a la chance d’avoir une telle école d’économistes en France, on s’appuie dessus", résume le locataire de Bercy.

Pas de doute : dans la crise, Bruno le Maire a pris du poids politique. Cela se traduit dans son périmètre ministériel, depuis le remaniement de juillet : il a été bombardé grand chef de la citadelle Bercy, le ministre des Comptes publics, Olivier Dussopt étant sous son autorité. Une configuration qui n’existait plus depuis Dominique Strauss-Kahn, il y a plus de 20 ans. Omniprésent dans les médias pour promouvoir  les multiples dispositifs d’aide, il fait une percée spectaculaire dans les sondages, avec un gain de huit points en novembre et décembre dans le baromètre Ifop-Paris Match. Avec 56 % des Français ayant une bonne opinion de lui, il arrive en 4e position derrière Roselyne Bachelot, Nicolas Hulot et Edouard Philippe. "C’est le seul à avoir une popularité solide, fondée sur l’action. Elle dépasse la population des sympathisants de droite pour atteindre un niveau élevé à gauche et au RN,  décrypte Frédéric Dabi directeur général adjoint de l’Ifop. Il a désormais une popularité de présidentiable". Et dans le sondage réalisé par Odoxa  pour Challenges-Aviva et BFM Business, il est jugé "bon" durant la crise par une courte majorité de Français (51 %) alors que "la plupart de ses collègues sont jugés mauvais par six Français sur dix", souligne Gaël Sliman, président d’Odoxa.  

Son ambition dévorante critiquée par certains macronistes

Sur son nuage, Le Maire la joue modeste. "Je me méfie de la personnalisation. Ce n’est pas ce que les Français attendent", lâche-t-il. Tout en engrangeant des succès sur le terrain, le locataire de Bercy subit les attaques de certains macronistes qui déplorent son ambition dévorante, en lorgnant Matignon voire l’Elysée, l’affublant du sobriquet d’Iznogoud, ce personnage de BD qui veut être "calife à la place du calife" et même de "scorpion". "Cela me laisse indifférent. Ce sont des enfantillages", lance-t-il. Martelant sa volonté de rester à Bercy, il jure fidélité au chef de l’Etat, "engagé pour sa réélection en 2022". Mais si la popularité de ce converti au macronisme se renforce encore, celui qui a déjà rêvé d’être président en se lançant dans la primaire de la droite en 2016 -un échec cuisant- pourrait (vraiment) lorgner la "place du calife".

 

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