31/01/2021

SOS Zéro Covid : Confiner ou ne pas confiner : telle n'est PAS la question par Jean-Sébastien Ferjou Atlantico

Le gouvernement a annoncé ce vendredi soir ne pas reconfiner la France. Mais le renforcement des mesures sanitaires qu'il a aussi décidé ne feront pas le compte.

Jean Castex a provoqué un soupir de soulagement chez des millions de Français en annonçant ce vendredi soir que nous pouvions encore « nous donner une chance d'éviter le confinement » et que le gouvernement se contentait pour l'instant de renforcer un certain nombre de mesures à commencer par le contrôle du couvre-feu et la quasi fermeture des frontières pour les voyageurs en provenance de pays extérieurs à l'Union européenne.

Mais confiner ou ne pas confiner, sévèrement, hybridement ou mollement, telle n'est PAS la question! Poursuivre l'enchaînement de confinements/ déconfinements ou passer enfin à une stratégie de Zero Covid, voila l'enjeu. 

Politiquement, Emmanuel Macron semble mieux mesurer le risque que son Premier Ministre ou son ministre de la Santé, qui avant les arbitrages du dernier Conseil de Défense étaient plus enclins à céder à la pression d'un Conseil Scientifique jugeant un reconfinement inévitable. Les Britanniques ou les Israéliens sont reconfinés mais ils sont aussi massivement vaccinés, la lueur est au bout de leur tunnel. Les Français réagiraient-ils autrement que les Néerlandais s'ils étaient à nouveau reconfinés tout en subissant vraisemblablement comme ailleurs en Europe une grande panne de la vaccination ?

D'où le choix qui avait été évoqué avant les annonces de Jean Castex de faire valider un éventuel reconfinement par un vote (non engageant) du Parlement. Si des émeutes se produisaient, le Président et le gouvernement pourraient s'abriter derrière l'argument de la volonté de la nation validée par un Parlement dont ils font pourtant peu de cas.

ll est vrai que l'opposition les challenge peu. Hurler au scandale d'Etat (mais où étaient les crieurs lorsque l'Union européenne négociait les contrats avec les producteurs de vaccins et dressait son plan de vaccination?) semble plus facile que de contrôler les priorités sanitaires affichées depuis mars : tester, tracer, isoler.

L'UE est parvenue à éviter la concurrence sanglante entre États membres, à mieux protéger financièrement ses citoyens en cas d'effets secondaires graves (là où les contrats américains ou britanniques exemptent les compagnies pharmaceutiques de toute responsabilité) et à payer moins cher ses vaccins. Un exploit non négligeable et un choix du collectif assurément préférable à la foire d'empoigne qu'auraient été les commandes séparées.

Mais à quel prix...?

Celui d'un désastre économique et sanitaire. 2% des citoyens de l'UE ont été vaccinés à date, 6% aux EU, 11% au Royaume-Uni, 40% en Israël. Alors que des régions espagnoles ou allemandes sont obligées de suspendre la vaccination faute de doses, l'UE pourra-t-elle échapper à une profonde remise en cause ? Il ne faudra pas longtemps avant que nous ne mesurions le coût économique de la lenteur. Et c'est exactement le calcul fait par Israël en acceptant de payer plus cher ses doses de Pfizer BioNTech après avoir établi que le surcoût des vaccins représentait à peine le coût pour le pays d'une semaine de confinement…

Que l'UE se remette en cause ou non (outre le fiasco vaccinal, le plan de relance est toujours dans les limbes...), le bilan est clair : ni la vaccination, ni un reconfinement ne nous sauveront pour les 6 à 9 mois prochains mois. La France n'a donc pas d'autre choix que d'adopter une stratégie Zero Covid à l'asiatique pour éviter le naufrage économique, social, humain et psychologique qui se profile. La barre des 100 000 morts sera vraisemblablement franchie avant l'été.

L'âge moyen des morts ou des cas graves a commencé nettement diminué aux États-Unis ou en Israël. Le nombre de cas sévères chez les enfants et les adolescents augmente avec le temps et avec les variants.

Obsédée par la questions -légitime il est vrai- de ses moyens, l'hôpital public a mis l'accent sur le nombre de cas en réanimation. Et contribué à effacer la part immergée de l'iceberg du Covid pour ceux qui n'en sont pas morts et qui ne s'en remettent pas tous en 7 jours.

Ceux qui croient à une hallucination collective passent totalement à côté des Covid Long et des séquelles lourdes : pulmonaires, cardiaques, diabètes, neurologiques voire psychiatriques. Le gouvernement gagnerait du reste à rassembler les chiffres qui l'établissent et à les rendre publics. Après 11 mois de pandémie, les données sont encore incomplètes mais elles existent pour qui se donne la peine de miser sur l'intelligence grâce à la maîtrise et l'analyse des chiffres.

Les rassuristes oublient aussi le bilan sanitaire subi par tous les autres malades, moins détectés et moins soignés. Et pas à cause d'une crise d'hystérie collective mais bien en raison de l'engorgement des hôpitaux. Certains établissements français, à Rennes par exemple, en sont déjà cette semaine à reprogrammer des interventions chirurgicales.

Quel sens y-a-t-il en outre à conclure à la faible mortalité de la Covid19 en ne faisant pas de contre-factualité : combien aurions-nous connu de morts si le monde n'avait pas réagi comme il l'a fait en 2020 ? Les tenants de la thèse de la « fausse » épidémie oublient aussi le risque grandissant posé par la multiplication de variants qui ne peuvent que se développer avec la durée de la pandémie et le nombre de contaminations dans le monde. Oublient aussi les éléments inquiétants sur la transmission par les eaux usées, les matières fécales ou même les surgelés comme l'établissent certaines études récentes.

Pendant ce temps là, Emmanuel Macron met en scène ses colères mais l'administration de la Santé poursuit comme si de rien n'était sur la lancée de ses ratages majeurs depuis un an. Pire, l'administration française de la Santé continue à entraver l'action de la société civile comme sur les tests et les masques. Et même à entraver celle des médecins en réduisant leur liberté de prescription. On ne comprend pas bien non plus pourquoi les traitements qui semblent produire des résultats encourageants sont quasi ignorés de la stratégie sanitaire officielle hors Remzedivir. 

Selon le bulletin épidémiologique de Santé Publique France, le nombre de cas contacts identifié pour chaque cas positif est de 1,4. La taille moyenne d'1ménage étant de 2.3 pers., on arriverait donc à tracer 0.6 cas-contact non trivial par infection

Un NAUFRAGE sur une priorité affichée depuis près de 11 mois !

Idem sur l'isolement des malades. Aucune transparence publique sur le sujet contrairement à l'Allemagne ou au Royaume-Uni mais on peut estimer par recoupements qu'il  est en France inférieur à 20/25% des cas positifs et bien plus faible encore pour les simples cas contacts. Aucune mesure sérieuse de contrôle de l'isolement ni -et c'est extrêmement important- de soutien logistique ou financier aux personnes concernées n'ont été prises. Certains exemples montrent pourtant que l'isolement fonctionne lorsqu'on s'en donne les moyens. Le confinement en hôtel sur initiative privée de la communauté des gens du voyage de Perpignan, très touchée en mars avril dernier après le rassemblement des évangélistes de Mulhouse a permis d'enrayer l'épidémie qui était en train de la décimer.

Comment expliquer encore qu'aucun contrôle sérieux non plus des étrangers arrivant en France et soumis à quarantaine n'ait été mise en œuvre avant les mesures annoncées ce vendredi soir par Jean Castex ? Qu'en sera-t-il du reste pour le contrôle des voyageurs en provenance de l'UE puisque sont principalement visés les déplacements extérieurs à l'Union ?

Pour le gouvernement, les bases légales manqueraient pour renforcer le contrôle de l'isolement des cas positifs et des cas contacts. En état d'urgence sanitaire et quand on est capable d'interdire aux Français de se déplacer à plus de 1000 mètres de chez eux, on se demande bien comment. Et comment expliquer que le gouvernement n'ait pas douté qu'il existe par ailleurs des bases légales permettant de mettre en quarantaines de vilains vacanciers qui seraient allés skier en Suisse… ? Laquelle Suisse impose comme nombre d'Etats européens des amendes drastiques à ceux qui ne respectent pas les règles de confinement.

Pour le gouvernement, les «préférences culturelles» françaises empêcheraient aussi cet isolement. Et la mise en place d'une stratégie Zero Covid. L'exemple des pays asiatiques est ainsi systématiquement balayé d'un revers de la main avec des accents crypto racistes : les Asiatiques seraient TOUS des fourmis robotisées et totalement soumises.

Comme s'il n'y avait pas eu d'émeutes en Corée du Sud pour protester contre la fermeture des bars et des boîtes de nuit. Ou si l'Australie ou la Nouvelle-Zélande n'étaient pas de culture occidentale. Nous serions une démocratie exigeante mais pas Taïwan (moins de 10 morts de l'épidémie et zéro jour de confinement) pas la Corée du Sud, pas le Japon ni la Nouvelle-Zélande ou l'Australie (où reprennent les tournois de tennis avec public) ? 

Après le mépris pour la Lombardie, celui pour les démocraties d'Asie. Dans un pays où le gouvernement assimile toute critique à une polémique stérile. Où le président du groupe majoritaire à l'Assemblée dissout la mission Covid en évoquant le « cinéma de l'opposition ». Et où le président de la République assimile 66 millions de ses concitoyens à de mesquins procureurs. Sérieusement ?!

Il n'est plus acceptable que le gouvernement prenne des décisions fondées sur ce qu'il croit être les lieux de contamination (rues, chemins de campagne, lieux de culte ou commerces par exemple) plutôt que sur ceux qui le sont réellement : écoles, restaurants & salles de réunion d'entreprises, hôpitaux... Pour mémoire, le National Health Service britannique avait révélé que les contaminations à l'hôpital pouvaient représenter jusqu'à 25% du total. Plusieurs médecins ont confirmé à Atlantico qu'ils ne voyaient pas de raison pour qu'il en aille drastiquement différemment en France…

A vrai dire, outre la question du Zero Covid, la seule autre question qui se pose vraiment au gouvernement est celle des écoles. Le gouvernement ne peut pas fermer les entreprises, elles aussi lieux de contamination, et même en renforçant le télé travail comme annoncé par Jean Castex ce vendredi soir, aucun contrôle dans la rue ne permet d'établir si un salarié a vraiment besoin de se rendre à son bureau ou non. D'autant qu'un certain nombre d'entreprises trainent les pieds pour de bonnes comme de mauvaises raisons. Et sont soumises à la pression de salariés qui n'en peuvent plus de devoir conjuguer leur vie professionnelle avec celle de leur conjoint –et avec leur vie familiale- dans des espaces restreints.

On nous présente le dilemme de la fermeture des écoles comme cornélien. Au regard de la lourdeur de l'enjeu social comme humain qu'il recouvre, il l'est assurément. Mais se focaliser sur cet aspect de la question nous fait totalement passer à côté du défi de l'effectivité des protocoles sanitaires, de l'aération et de la RÉACTIVITÉ dans la détection des filières de contamination. L'efficacité des vraies mesures contre l'épidémie (le confinement, lui n'est que report du problème) est la seule question qui compte. Le seul défi qui, si nous le relevions enfin, nous permettra de sécuriser durablement l'ouverture des écoles. Et l'avenir de cette génération d'élèves.

Que le gouvernement cesse de nous « divertir » en mettant en scène les affres de la décision publique par temps de crise. Et qu'il se donne enfin les moyens de mettre en œuvre les priorités qu'il s'est lui-même fixé depuis 10 mois !! Nous ne sortirons pas de cette crise sans stratégie du Zero Covid. Et nous ne parviendrons pas à mettre en œuvre une telle stratégie sans une remise à plat drastique du management public.

Le mode de prise de décision d'Emmanuel #Macron -à la fois solitaire et empreint de procrastination- est en cause. Comme le sont celui des administrations en charge de la gestion de l'épidémie. Qui osera mettre le président au pied du mur de ses responsabilités ? L'idée que c'est partout pareil -largement fausse comme le montrent les statistiques de nombre de morts par millions d'habitants- et que personne ne ferait mieux s'est tellement enracinée que les Français oscillent entre sidération et apathie. D'autant que la France cumule le bas de classement pour le bilan humain mais aussi pour le bilan économique de l'épidémie.

Mais la France est un pays de colères subites. Et violentes... Emmanuel Macron l'a pris en compte en reconfinant pas. Maintenant… Car quel miracle pourrait-il bien fondre sur la France sans mise en œuvre des moyens qui ont permis aux pays ayant réduit l'épidémie de faire mieux ? Comment est-il possible en outre au regard de l'échec majeur de la gestion de cette épidémie, dans ses premiers jours comme au fil de l'eau, qu'aucun parti d'opposition ne se soit sérieusement mis au travail ?

Pour conclure, une seule solution : le Zero Covid. Et un électrochoc pour que l'Etat français et tout particulièrement l'administration de la santé se rendent enfin capable de le déployer. En arrêtant de pointer effets apéro, noël ou autres galettes des rois. Non, nous ne léchons pas nos grands-mères en même temps que la fève !

Source Atlantico

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