“Le Pape et le patron d’Apple ensemble dans une même conférence, ça ne peut arriver que pour l’anniversaire d’un accord vraiment important”, ironise la Süddeutsche Zeitung. Samedi 12 décembre, la France, le Royaume-Uni et l’ONU ont organisé en commun un sommet virtuel pour célébrer les cinq ans de l’Accord de Paris sur le climat. Mais, précise le quotidien allemand, “la participation à la fête d’anniversaire avait son prix : quiconque voulait parler ici ne pouvait pas venir les mains vides”.
En effet, les quelque 80 leaders mondiaux invités ne pouvaient pas se contenter d’” enregistrer l’existant et les promesses déjà faites”, note La Repubblica. Il fallait “se fixer des objectifs encore plus ambitieux que ceux d’il y a cinq ans à Paris”.
Le Pape François fait donc partie de ceux qui se sont exprimés lors de ce sommet de six heures, rappelant que “les effets de la pandémie actuelle et du changement climatique […] pèsent d’abord sur la vie des plus pauvres et des plus vulnérables”. Le Saint-Père, signale Vatican News, a affirmé par ailleurs que l’État du Vatican s’engageait à atteindre un bilan carbone neutre en 2050 tout en réduisant sa consommation d’eau et d’électricité :
Il est temps de changer de direction. Ne volons pas aux jeunes générations leur espoir d’un meilleur avenir”.
“L’esprit de Paris” est “toujours vivant”, se réjouit El Mundo, citant l’annonce faite par l’Union européenne vendredi d’une réduction des émissions d’au moins 55 % avant 2030 puis de 100 % en 2050. “Une autre raison de l’optimisme (prudent) est l’engagement de la Chine”, ajoute le journal espagnol.
C’est l’une des annonces majeures de cette journée : “la Chine a promis de réduire le niveau de ses émissions de carbone de 2005 d’au moins 65 % en 2030”, rapporte le South China Morning Post. Le premier pollueur du monde avait fixé jusqu’ici 65 % comme un maximum. La mission est ardue. En 2019, 58 % de son énergie venaient encore du charbon, souligne le quotidien de Hong Kong. Selon le Boston Consulting Group, il lui faudra investir 15 000 milliards de dollars sur trente ans pour atteindre ses objectifs.
Le retour annoncé des États-Unis dans la lutte
“Le changement climatique est un défi pour tous les humains, l’unilatéralisme n’est pas une solution”, a déclaré Xi Jinping. “Ce défi environnemental crucial ne peut être gagné que tous ensemble”, a poursuivi le leader chinois, “taquinant” Donald Trump au passage, remarque La Repubblica : “La Chine respecte toujours ses engagements”.
Une allusion aux États-Unis qui se sont retirés de l’Accord de Paris durant le mandat du 45e président américain. Sans surprise, les États-Unis – mais aussi le Brésil, la Russie et l’Arabie Saoudite – n’ont pas participé à l’événement. Joe Biden, le président élu, a toutefois assuré dans une lettre que les États-Unis réintégreraient l’accord dès son investiture le 20 janvier. “Bienvenue”, a lancé Emmanuel Macron lors de son intervention depuis le Palais de l’Elysée.
Le Financial Times jette un regard optimiste sur le sommet, qu’on peut considérer comme un “succès” vu le contexte de crise liée au coronavirus. Le quotidien économique indique que, même si les six dernières années ont été les plus chaudes de l’histoire de la planète, les annonces de la Chine et de l’UE ou l’arrivée de Joe Biden à la Maison Blanche donnent des raisons d’espérer. Les ventes de véhicules électriques ont quadruplé entre 2015 et 2020, s’enthousiasme également le FT. “Pourrait-il s’agir d’un tournant ? Des scientifiques le pensent”, insiste le journal.
“Si l’on ne tenait compte que des promesses faites depuis trente ans, le problème du changement climatique serait déjà en voie de résolution”, nuance El Pais. Le quotidien madrilène est bien forcé de constater que “si les effets du changement climatique sont subis par tous les pays”, six régions sont directement responsables de 70 % des émissions mondiales : la Chine, les États-Unis, l’Union européenne, l’Inde, la Russie et le Japon.
Xi Jinping a donné peu de détails sur les réductions à venir lors de la prochaine décennie, Narendra Modi n’a pris aucun engagement sur la production indienne de charbon, déplore le Guardian, qui a interviewé Tim Gore, en charge du climat à l’ONG Oxfam. Pour lui,
Le sommet de l’ambition sur le climat a manqué de réelle ambition.”
D’après lui, les politiques actuelles ne permettront pas de limiter la hausse des températures à 1,5 degré d’ici la fin du siècle, l’objectif de l’Accord de Paris.
António Guterres appelle donc à déclarer un état d’urgence climatique. Le secrétaire général des Nations unies écrit dans une tribune publiée par Le Temps que “les grands indicateurs climatiques sont de moins en moins bons. Si le Covid‑19 s’est accompagné d’une réduction temporaire des émissions, on observe toujours des niveaux record de dioxyde de carbone, et la tendance est à la hausse”. Il prévient qu’“un retour à l’ancien monde, plein d’inégalités et de fragilité, n’est plus envisageable. L’heure est venue de s’engager sur une voie plus sûre et durable. C’est un test de notre volonté politique, mais c’est aussi un test moral que nous devons passer de toute urgence”.
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