13/12/2020

Giscard, Macron, deux solitudes - Challenges

On ne peut s'empêcher, à l'évocation de la carrière de Valéry Giscard d'Estaing, mort le 2 décembre, d'établir un parallèle avec Emmanuel Macron, tant les similitudes entre les deux hommes sautent aux yeux. Même si les époques sont assez différentes. Sur le plan idéologique, d'abord.

L'Europe, la réforme, l'ouverture au monde, la volonté de réconcilier les deux blocs antagonistes, de gouverner au centre, de moderniser, l'adhésion au libéralisme, dans un pays taraudé par la tentation du souverainisme et de l'étatisme… Ils ont beaucoup en commun. Sur le plan personnel également. Tous deux ont été élus présidents de la République très jeunes (48 et 39 ans), en déjouant tous les pronostics et en s'affranchissant des partis en place. Ce qui a renforcé leur sentiment de supériorité, leur certitude d'être voués à un destin exceptionnel.

Forme de solitude

Mais ils sont surtout l'archétype de l'excellence française. Ayant atteint le plus haut grade de la méritocratie : l'inspection des Finances, un corps qui leur a ouvert, très jeunes, les portes des hautes sphères du pouvoir. Cabinet du président du Conseil et députation pour l'un, Commission pour la libération de la croissance française et banque Rothschild pour l'autre. Deux têtes très bien faites, d'une intelligence et d'une rapidité intellectuelle impressionnantes, mais deux hommes déconnectés de la population sur le plan de l'émotion. Un mot, un geste, et c'est le procès en insincérité. La suspicion d'arrogance. Comme s'il manquait à ces êtres si doués sur le plan de l'intellect un peu de bon sens, tel que l'entendait Descartes. Une aptitude à tenir compte des faits.

A bien juger. Lors de leur jeunesse, les deux hommes ont toujours été confrontés à l'élite (à l'école, lors de leurs études supérieures, dans leurs premiers postes), sans jamais côtoyer la masse. Ils ne se sont pas frottés à leurs semblables. Ils n'ont jamais eu non plus à gouverner, jeunes, des équipes. Telles des fusées, ils ont été propulsés vers les sommets. Cela les a condamnés à une forme de solitude.

Bien sûr, Giscard avait un entourage, des amis, et Macron peut compter sur de nombreux fidèles. Mais ces deux leaders ont la particularité de ne pas s'être mis dans les pas d'un homme, de ne pas avoir adhéré à un parti existant, de ne pas avoir fait de compromis, persuadés de détenir seuls la vérité. Dans leur monde, tout procède d'eux et d'eux seuls. Les Républicains indépendants pour l'un, La République en marche pour l'autre. Ils ont voulu le pouvoir sans partage. Giscard avait pour objectif de détruire le RPR. Et non de faire alliance. Idem pour Macron avec le Parti socialiste et Les Républicains. Les institutions de la V e les y ont encouragés. Mais l'histoire montre qu'il est extrêmement difficile de régner sans partage.

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Ce blog est ouvert à la contradiction par la voie de commentaires. Je tiens ce blog depuis fin 2005; je n'ai aucune ambition ni politique ni de notoriété. C'est mon travail de retraité pour la collectivité. Tout lecteur peut commenter sous email google valide. Tout peut être écrit mais dans le respect de la liberté de penser de chacun et la courtoisie.
- Je modère tous les commentaires pour éviter le spam et d'autres entrées malheureuses possibles.
- Cela peut prendre un certain temps avant que votre commentaire n'apparaisse, surtout si je suis en déplacement.
- Je n'autorise pas les attaques personnelles. Je considère cependant que ces attaques sont différentes des attaques contre des idées soutenues par des personnes. Si vous souhaitez attaquer des idées, c'est bien, mais vous devez alors fournir des arguments et vous engager dans la discussion.
- Je n'autorise pas les commentaires susceptibles d'être diffamatoires (au mieux que je puisse juger car je ne suis pas juriste) ou qui utilisent un langage excessif qui n'est pas nécessaire pour l'argumentation présentée.
- Veuillez ne pas publier de liens vers des publicités - le commentaire sera simplement supprimé.
- Je suis pour la liberté d'expression, mais il faut être pertinent. La pertinence est mesurée par la façon dont le commentaire s'apparente au sujet du billet auquel le commentaire s'adresse. Si vous voulez juste parler de quelque chose, créez votre propre blog. Mais puisqu'il s'agit de mon blog, je vous invite à partager mon point de vue ou à rebondir sur les points de vue enregistrés par d'autres commentaires. Pour ou contre c'est bien.
- Je considère aussi que la liberté d'expression porte la responsabilité d'être le propriétaire de cette parole.

J'ai noté que ceux qui tombent dans les attaques personnelles (que je supprime) le font de manière anonyme... Ensuite, ils ont l'audace de suggérer que j'exerce la censure.