- Il a publié en 2007 "Les 4 mystères de la population française". Cliquer.
Extrait du chapitre "le spectre de la famine"
- La limite des subsistances
- Populations mondiales maximales un vaste choix
- Végétariens contre carnivores la loi des chaînes écologiques
- Le grand partage des vivres
- Nourrir tous les humains avec la production actuelle
- La concurrence des biocarburants
Liens
- CIRAD
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- United nations population division
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- FAO, cultures irriguées en Afrique
- FAO productions agricoles
- Bruno Parmentier "Nourrir l'humanité"
- Philippe Coulomb: Une voie étroite pour la sécurité alimentaire d'ici à 2050
Tables des matières du livre "Vie et mort de la population mondiale"
Le démographe français Hervé le Bras a publié en 2009 "Vie et mort de la population mondiale"; c'est un livre qui relativise la croissance de la population mondiale en se référant à l'histoire; il examine aussi la relation avec les subsistances, l'inégalité de leur répartition dans le monde, et la répartition entre les usages des cultures végétales pour l'alimentation animale et les biocarburants. Il montre ainsi que l'accroissement de la consommation de viande est un facteur qui limiterait la croissance de la population. Parmi ses nombreuses références il cite le démographe américain Joel E Cohen dans "How Many People Can the Earth Support? " qui adopte le même raisonnement, notamment pour l'eau potable.
Extrait du chapitre "le spectre de la famine"
NDLR avec liens ajoutés
La montée du prix des céréales et d'autres productions alimentaires qui a démarré en 2006 a ravivé la crainte d'une pénurie de vivres à l'échelle de la planète en raison de la croissance de la population. Voir hausse des produits alimentaires NDLR.
La limite des subsistances
Effectivement, sur le marché français, le prix des céréales a augmenté de 50 % entre juillet 2006 et décembre 2007, puis il s'est stabilisé jusqu'en juillet suivant où une nouvelle flambée l'a conduit 150 % au-dessus de son niveau initial. Il existe une très vieille loi, appelée « loi de King », selon laquelle le prix des subsistances augmente comme le cube de la différence entre l'offre et la demande lorsque l'offre est insuffisante. La hausse a donc été interprétée en termes de détérioration de la production et de l'augmentation du nombre des demandeurs. À partir d'avril 2008, le prix du blé a baissé, mais il reste supérieur de 70 % à celui qui avait cours en 2005-2006. Voir note INSEE sur les prix des produits alimentaires en France NDLR.
Les chiffres du marché américain ont suivi une évolution parallèle. La tonne de blé, qui valait 168 dollars en janvier 2007 à Minneapolis, est montée à 203 dollars durant les douze mois suivants, puis a atteint les 374 dollars en janvier 2008 pour retomber à 248 dollars en janvier 2009. La baisse finale montre que la population n'est pas le principal ressort des hausses précédentes, car le nombre des humains n'a pas diminué au cours des douze derniers mois. On a expliqué le retournement à la baisse par la crise économique et comparé l'évolution récente du prix du blé avec celui du pétrole. Comme ce dernier semble devoir s'épuiser, le rapprochement signifierait la même tendance pour le blé.
Le sentiment d'être arrivé à la limite des subsistances est renforcé par la perte de terres cultivables, que ce soit à cause de l'urbanisation ou de la désertification. Cependant, globalement, entre 1992 et 2005, la FAO indique une faible variation de la superficie totale cultivée ou en prairie permanente dans le monde 48,9 millions de kilomètres carrés en 1992 et 49,2 millions en 2005. Cette stabilité recouvre des contrastes forts. Aux États-Unis, la surface arable a diminué de 3,3 % entre 1961 et 2005 ; en France, elle a diminué de 5,5 % et les prairies de 23 % en raison de la reforestation. En Australie, les prairies ont reculé de 10 % à cause de la sécheresse. Inversement, les surfaces cultivées ont augmenté de 31 % au Brésil de 1980 à 2005 en raison de la déforestation de l'Amazonie, qui a fait gagner 140 000 km'-, soit à peu près la superficie cultivée en France. En Inde, le recul a été de 2 % sur le même quart de siècle. Il a été de 5 % au Bangladesh, en raison de la croissance urbaine.
L'équilibre entre les gains par déforestation et les pertes par urbanisation et voies de communication est précaire, car il reste de moins en moins de forêts dans les pays du Sud. La croissance démographique, celle du niveau de vie et celle encore plus rapide des voies de communication consomment de plus en plus de surfaces cultivables. Il paraît donc vraisemblable que le plafond des terres cultivables est atteint si l'on tient à conserver des forêts. Tout cela renforce la crainte de manquer de vivres. Peut-être aurait-on même dépassé la population maximale que la Terre peut nourrir de manière durable. Peut-on calculer cette limite ?
Populations mondiales maximales un vaste choix
Depuis la fin du XVri'siècle, de nombreux auteurs ont tenté d'estimer la population maximale pouvant durablement vivre sur la terre. Petty, dont nous avons discuté l'estimation, fut le premier. II eut de nombreux successeurs le démographe Joel E. Cohen en a recensé une soixantaine jusqu'à nos jours". En ne retenant que ceux qui appartiennent au monde scientifique et justifient leur évaluation par un raisonnement, il en reste quarante-cinq. La dispersion des estimations proposées par ces auteurs est énorme. La plus faible – d'environ 2 milliards – a été émise en 1925 par Raymond Pearl, dont nous avons discuté la théorie de la saturation démographique plus haut. La plus forte – 50 milliards –, qui date de 1954, est due à l'économiste Robert Brown ; il fut suivi par Roger Revelle, directeur du département d'agronomie de l'université Harvard, qui avança en 1976 le chiffre de 40 milliards.
Sur la figure 11, on a disposé les quarante-cinq évaluations de la population maximale de la terre selon la date à laquelle elles ont été énoncées. On remarque que la question est peu discutée avant le xLx` siècle (cinq estimations), qu'elle n'intéresse personne durant le xix siècle, inébranlable dans sa croyance au progrès indéfini des techniques, comme on l'a vu dans un précédent chapitre, mais qu'elle s'éveille au xxe siècle avec des hauts et des bas. La moyenne des estimations données entre 1900 et 1950 se situe à 7,8 milliards, donc très près du niveau présent. Entre 1950 et 1980, L'optimisme s'empare des savants dont la moyenne des estimations s'élève à 25 milliards d'humains.
Mais, après la crise pétrolière, dans l'atmosphère entretenue par le rapport du club de Rome, l'enthousiasme retombe et, avec lui, la moyenne des estimations, qui redescend à 8,8 milliards. L'atmosphère de l'époque n'est pas seule responsable de la variabilité des estimations. La figure 11 permet de constater qu'à l'intérieur d'une même période les estimations divergent encore nettement. Une des clés pour comprendre cette variabilité a été proposée par Nathan Keyfitz, longtemps professeur de démographie à Harvard. Il a remarqué que les estimations les plus faibles provenaient le plus souvent des biologistes et des écologistes. C'est effectivement le cas pour Raymond Pearl (2,1 milliards), David Pimentel (3 milliards), Paul Ehrlich (5,5 milliards dans un premier temps ; il est ensuite descendu à 1 milliard dans son best-seller La Bombe P). Inversement, les économistes et les agronomes donnent les chiffres les plus élevés :l'agronome Roger Revelle (40 milliards), les économistes Robert Brown (50 milliards) et Colin Clark (28 milliards). On comprend que l'intérêt professionnel fausse un peu le jugement, mais on peut s'étonner que ce soit au point que les estimations varient dans un rapport de 1 à 50 selon la spécialité du chercheur, et de 1 à 8 si l'on se limite aux estimations les plus vraisemblables de l'après-guerre. Il existe en fait une autre raison plus sérieuse que la profession ou l'esprit du temps pour expliquer cette disparité : les estimations partent de conceptions différentes non de la production, mais de la consommation, comme on va tenter maintenant de le montrer.
Bien que les prix montent, bien que la surface cultivable reste constante, la production a en effet beaucoup augmenté au cours des dernières décennies. De 1980 à 2004, la croissance de la production brute de céréales a été de 48 %, celle de la viande de 91 % et celle des autres produits végétaux2a de 82 %, alors que la population n'a augmenté que de 44 % dans le même temps. La FAO estime que la production globale de l'agriculture a augmenté de 72 % entre 1980 et 2004, soit à un rythme de 2,3 % par an, alors que la population augmentait à un rythme inférieur à 1,2 % par an. La ration moyenne du Terrien aurait donc dû s'accroître de la différence, soit de 1,1 % par an. Or le nombre de kilocalories (kcal) par habitant et par jour établi par la FAO pour 1980 et pour 2004 est respectivement de 2 532 et de 2 808 kcal, ce qui correspond à une croissance de 0,4 % par an seulement25. Où est passée la différence entre le 1,1 % de croissancede la production de vivres par personne et le 0,4 % d'augmentation de leur consommation ? En le recherchant, nous allons montrer que la production de nourriture n'est pas seulement une production qui aboutit directement à une consommation, mais un système productif avec des aliments intermédiaires — tout comme le système industriel utilise des biens intermédiaires pour produire les biens finaux qui seront consommés.
Végétariens contre carnivores la loi des chaînes écologiques
Essayons pour commencer de comparer les chiffres de production et de consommation de viande dans le monde et de les rapprocher des productions végétales. Pour y parvenir, les quantités sont converties en kilocalories, qui expriment l'apport énergétique de chaque type de vivres. En 2003, 253 millions de tonnes de viande ont été produites, soit, à 2,06 kcal/g, 0,52 Pcal (petacalorie, u peta » signifiant 1015, soit un million de milliards). En divisant ce montant global par le nombre d'hommes en 2003 et par le nombre de jours, on obtient 225 kcal par personne et par jour, ce qui est pratiquement la consommation constatée parla FAO (220 kcal de viande par jour et par personne). Effectuons les mêmes calculs avec les céréales. Leur production a été en 2003 de 2 185 millions de tonnes. 1 g de céréale vaut en moyenne 3,15 kcal. L'ensemble des céréales produites est donc de 6,88 Pcal, ce qui donne par individu et par jour 2 990 kcal. Or les enquêtes de la FAO n'en trouvent que 1 300 dans l'assiette de l'homme moyen. 1690 kcal sur 2990, soit 57 % du total, ont mystérieusement disparu entre la récolte et la consommation. La récolte ayant été médiocre, la différence entre production et consommation n'est pas due à un stockage (au contraire, le déstockage a été important cette année-là).
La solution du mystère est simple : près de 60 % des céréales produites sur terre ne sont pas destinées aux hommes, mais à la nourriture des animaux domestiques, vaches, porcs, volaille. Qu'importe, pensera-t-on, puisque, tôt ou tard, cette nourriture aboutira à l'homme sous forme de steak ou de blanc de poulet. Mais entre la quantité de calories qu'ingère l'animal et celle qu'il restitue à l'homme, le rapport est de 10 à 1. 90 % des calories sont perdues pour l'entretien de l'animal, ce que l'on nomme son « métabolisme ». Cette loi biologique dite « des chaînes écologiques » est valable dans toute la nature. A chaque chaînon, la quantité de calories récupérables est divisée environ par 10. Ainsi, un brochet qui mange des petits poissons qui mangent des insectes qui mangent des plantes ne récupère qu'un millième de la biomasse qu'ont mangée les insectes, car il y a trois chaînons, donc trois divisions par 10 du nombre de calories. En tenant compte de la consommation intermédiaire de céréales, on peut donc dresser un tableau des relations entre production et consommation. Le tableau 6 a été construit pour l'année 2003 à partir des statistiques de production et de consommation. Sa dernière colonne indique combien de calories parviennent à l'homme pour sa consommation. Sur la première ligne, on voit que les 940 millions de tonnes de céréales directement consommées fournissent à l'homme 3 Pkcal (pétakilocalories, soit 1018 calories) tandis que les 1245 millions de tonnes de céréales fournies aux animaux ne donneront sous forme ultérieure de viande que 0,4 Pkcal. Les prairies naturelles complètent la nourriture des animaux domestiques sans peser sur la consommation humaine, car nous ne mangeons pas d'herbe. Il faut aussi tenir compte des légumes, tubercules et autres végétaux qui constituent une part importante de l'alimentation humaine.
Sous cet angle,le problème de la limite des subsistances prend un tout autre aspect. Décider de donner une calorie de céréales à un animal divise par 10 son impact sur la subsistance totale disponible. La ponction opérée sur la production est 10 fois plus importante pour une personne qui ne mange que des produits animaux (viande, laitages) que pour un végétarien strict (un végétalien). Or il existe de larges différences dans le partage de l'alimentation entre produits animaux et produits végétaux selon le pays considéré.
Le tableau 7 en donne quelques exemples. Sous cet angle, le problème de la limite des subsistances prend un tout autre aspect. Décider Les quatre pays du tableau sont aux deux extrémités du spectre, les Français comptant parmi les plus gros mangeurs de la planète, les Bangladais et Nigérians parmi les plus faibles.
Le grand partage des vivres
La population maximale que la Terre peut nourrir avec une production donnée dépend du partage entre les céréales destinées aux animaux et celles qui iront directement aux hommes. Si les Français diminuent leur consommation de viande, le volume de céréales disponibles s'accroît. Si les Nigérians se mettent à la nourriture carnée, il diminue. On peut calculer combien d'humains pourraient être nourris avec le même nombre moyen de calories (2 800) par personne et la même production totale de céréales selon qu'aucune céréale ne serait destinée aux animaux ou que toutes leur seraient attribuées
(tableau 8).
Selon l'usage qui est fait des céréales, la population maximale que le monde pouvait nourrir en 2003 variait donc de 3,7 à 10 milliards, soit d'un facteur 1 à 3. La question à laquelle se sont intéressés les quarante-cinq savants cités plus haut n'a donc pas de réponse tant que l'on ne précise pas le partage des céréales entre nourriture animale et nourriture humaine. Les estimations les plus hautes comme celles de Revelle et de Brown admettaient implicitement que toute la nourriture végétale était consommée par l'homme, que les prairies étaient cultivées, ne laissant aucune place à la nourriture animale, et que les rendements atteignaient partout ceux des pays développés. A l'inverse, les estimations basses des biologistes et des écologistes supposaient une nature vierge dépourvue d'agriculture dans laquelle les hommes auraient pratiqué une chasse et une cueillette très efficaces.
Dans le cas extrême où toutes les céréales sont utilisées pour la nourriture des animaux (dernière ligne du tableau), le total des calories d'origine animale (38 %) est inférieur au total observé en France (45%) Si le monde entier adoptait le régime des Français, des cultures non céréalières devraient être remplacées par des céréales ou des plantes destinées à la nourriture du bétail (ce qui est déjà le cas actuellement avec les tourteaux d'oléagineux). Or cela correspond effectivement à la tendance ac uelle, la demande de viande croissant rapidement dans les pays émergents à mesure que leur classe moyenne prend de l'importance. On le constate sur la figure 12, où l'on a représenté l'évolution de la production de viande dans trois pays (Chine, Brésil, États-Unis) et l'Union européenne. La Chine, qui part d'un niveau insignifiant en 1960, produit maintenant autant de viande que les États-Unis et l'Europe réunis. Par habitant, elle n'atteint cependant pas encore la moitié de la ration de ces derniers, ce qui laisse de la place à un accroissement de la demande, avant que ne survienne une saturation analogue à celle que l'on a constatée en Europe à partir des années 1990. Après une progression rapide, le Brésil a atteint une ration individuelle égale aux deux tiers de la ration européenne.
Le monde entier peut-il rejoindre le niveau de consommation de viande des pays développés ? La réponse est négative, puisque la limite de la population est dans ce cas de 3,7 milliards, soit la moitié de la population actuelle. Toutefois, le problème n'est pas d'atteindre instantanément ce niveau, mais d'y parvenir à terme. Paradoxalement, la dynamique de la production et de la consommation mondiales au cours des trente dernières années n'exclut pas cet objectif. De 1980 à 2007, la production de viande est passée de 136 milliards à 280 milliards de tonnes, soit un accroissement annuel de 2,7 %. Puisque la population a augmenté au rythme de 1,6 % sur la même période, la part de viande progresse au rythme de 1,1 % par an. Si la population mondiale plafonnait à 8 milliards d'humains, la production de viande croîtrait alors à ce même rythme de 1,1 %. Or, de 1980 à 2007, la production de céréales est passée de 1 550 milliards de tonnes à 2 340 milliards, soit une croissance de 1,5 % par an.
Nourrir tous les humains avec la production actuelle
L'accroissement est uniquement dû au progrès des rendements à l'hectare, puisque la surface cultivée a légèrement diminué sur la même période (de 8 %, soit une progression des rendements de 1,8 % par an). Si le rendement continue à augmenter au même rythme qu'au cours des vingt-cinq dernières années, la production de céréales pourra faire face à la demande croissante de nourriture pour les animaux, qui croîtra moins vite qu'elle. Une raison supplémentaire de croire à cette évolution tient au type de viande considérée. Les élevages de volaille et de porcs sont presque entièrement responsables de l'augmentation de la proportion de viande dans la nourriture, la production de viande de boeuf ayant évolué au même rythme que la population mondiale. Or les porcs et la volaille peuvent être nourris avec des sous-produits de l'alimentation humaine et ils sont moins gourmands en calories : ils en restituent environ 1 pour 8 reçues.
Un tel raisonnement contient un nombre impressionnant de « si », mais la plupart paraissent raisonnables. Le rendement actuel des céréales dans le monde est de 35 q/ha (quintaux à l'hectare), ce qui est encore loin des rendements observés dans les pays développés (supérieurs à 80 q/ha). La seconde révolution verte et les variétés transgéniques semblent capables de relever le défi, au moins au cours des trente ou quarante prochaines années. Le plafonnement de la population mondiale autour de 8 milliards d'habitants, qui a été discuté dans le chapitre précédent, apparaît comme l'hypothèse la plus probable. L'augmentation de la part d'alimentation carnée a été rapide depuis un quart de siècle. Il ne paraît pas vraisemblable que le rythme s'accélère. Certes, on ne peut pas cacher que de telles hypothèses sont productivistes. Elles montrent une voie possible. L'autre voie, que l'on pourrait qualifier de plus « écologique », consisterait à faire baisser la consommation de produits animaux dans les pays développés de manière à viser un objectif mondial plus faible que les 37 % actuels. Se contenter de la moyenne mondiale de 17 % n'impose pas de restrictions drastiques aux consommateurs des pays riches. La consommation reste alors, par exemple, supérieure à celle des Japonais, qui n'en ont pas moins la plus grande espérance de vie au monde, et elle n'est pas éloignée de celle des Grecs, réputée pour sa qualité (comme en témoigne le fameux régime crétois).
Les deux solutions restent cependant utopiques : la première parce que, au rythme de 1,1 % constaté pour la progression de la consommation individuelle de viande, il faudrait cent dix-sept ans pour que les pays en développement rejoignent les pays développés; la seconde parce qu'il est très difficile de changer les habitudes alimentaires d'une population, notamment celle des pays développés. Néanmoins, ce bref calcul a l'avantage de montrer qu'il n'existe pas d'impossibilité a priori de parvenir à égaliser les consommations alimentaires dans le monde entier, contrairement à la situation énergétique : si l'on suppose que tous les habitants du monde consomment autant d'énergie que ceux des pays développés, on aboutit rapidement à une impossibilité, compte tenu de l'épuisement des ressources en hydrocarbures.
La concurrence des biocarburants
C'est d'ailleurs là que les deux questions se rejoignent. Depuis quelques années, on tente de remplacer les hydrocarbures par du carburant vert. L'argument d'une réduction des émissions de CO2 d'abord avancé a été écarté comme inexact, mais la comparaison des prix de revient du pétrole et de l'éthanol obtenu à partir de céréales a joué en faveur de ces dernières. L'agriculteur est parfois un moraliste, mais plus souvent un entrepreneur qui cherche à maximiser son revenu. S'il gagne plus en vendant ses céréales à l'usine d'éthanol qu'au marché des grains, il choisira la première. Il l'a d'ailleurs choisie de plus en plus fréquemment au cours des années 2000 : de 2001 à 2008, la part de la production alimentaire destinée aux biocarburants a crû rapidement, comme le montre le tableau 9.
Globalement, la part des produits de l'agriculture qui sont utilisés comme biocarburants reste modeste, mais elle est néanmoins passée de 2 % en 2001 à 5 % en 2008. Si la progression se poursuivait, le relatif optimisme des bilans précédents serait remis en cause : la stabilisation de la population mondiale et la hausse des rendements de l'agriculture serviraient un autre but ou d'autres maîtres, en l'occurrence les automobiles et les avions. La concurrence entre nourriture des animaux et des humains demeure l'une des raisons pour lesquelles près de 700 millions d'humains ne mangent pas à leur faim ni sainement. Le détournement de la production vers les biocarburants aggravera la situation. Alfred Sauvy avait coutume de dire que les véritables concurrents des pauvres mal nourris étaient non pas les riches, mais les vaches des riches. Il pourrait y ajouter aujourd'hui les 4x4, les Airbus et les Boeing.
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