Au Mali, la diatribe du premier ministre de la junte à New York divise
Devant l'assemblée générale des Nations unies, le colonel Maïga s'en est pris à la France, à la Minusma, au secrétaire général de l'ONU, à la Cedeao et aux présidents nigérien et ivoirien.
Le Monde avec AFP Publié aujourd'hui à 10h54, mis à jour à 10h54 .
Quand la junte malienne a choisi le colonel Abdoulaye Maïga comme chef de gouvernement par intérim, l'une des questions posées était : y a-t-il un message ? Le message qu'il vient de délivrer à l'ONU était en tout cas si peu conciliant qu'il a profondément divisé au Mali.Devant l'assemblée générale des Nations unies, le colonel Maïga, en plus d'exalter les réussites de la junte contre les djihadistes et la souveraineté recouvrée de son pays, s'est livré samedi 24 septembre à un mitraillage contre une multitude de cibles tout en citant Victor Hugo. Après des mois d'acrimonie et à la tribune d'où son prédécesseur avait dénoncé un an plus tôt « l'abandon en plein vol » du Mali par la France, un nouveau règlement de compte avec cette dernière était attendu.
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Mais il y eut aussi le secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres, la division des droits de l'homme de la mission de l'ONU au Mali (Minusma), le président de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cedeao) et l'organisation elle-même, qui se laisserait instrumentaliser, ainsi que les présidents nigérien et ivoirien. « Pour chaque balle tirée contre nous, nous réagirons par réciprocité », a-t-il lancé pour ceux qui n'auraient pas compris le ton de son allocution vindicative et imagée prononcée en français pendant 34 minutes.
Au Mali, la philippique a attiré à son auteur des louanges pour ce qui a été qualifié de « vérités crues », pour son courage, son éloquence. Mais bien que les voix discordantes soient devenues rares depuis que les colonels ont pris le pouvoir en août 2020, certaines se sont élevées pour laisser entendre que les autorités avaient mieux à faire en ce moment que de braquer leurs partenaires ou leurs voisins. « La voix du Mali résonne comme un gong », s'est enthousiasmé le quotidien gouvernemental L'Essor en première page, « les oreilles de bien des contempteurs étrangers des autorités de la transition ont sifflé ».
Des « propos xénophobes et racistes »
A contrario, l'ancien premier ministre Moussa Mara (2014-2015) a déploré un « ton belliqueux ». « La multiplication des frondes et l'adoption d'une posture agressive vis-à-vis de l'extérieur sont contre-productives » quand le pays a d'autres préoccupations, a-t-il écrit. Depuis le putsch de 2020 et surtout le second de 2021 consolidant leur emprise à la tête d'un pays confronté à la propagation djihadiste et aux crises de toutes sortes, les militaires ont coupé les ponts avec la France et ses alliés européens et se sont tournés vers la Russie.
En plein marasme économique, le Mali sort de six mois d'embargo commercial et financier infligé par la Cedeao, mais les rapports continuent d'être ceux entre une organisation qui pousse à un retour des civils et un régime qui promet des élections en 2024 après s'être dédit de ses engagements initiaux. Le Mali est en crise diplomatique ouverte avec la Côte d'Ivoire sur le sort de 46 soldats ivoiriens arrêtés en juillet.
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A la France, Abdoulaye Maïga a asséné des accusations connues. Au secrétaire général de l'ONU et au président en exercice de la Cedeao, Umaro Sissoco Embalo, il a reproché leurs prises de position dans la querelle avec Abidjan ; le président nigérien Mohamed Bazoum « n'est pas Nigérien » ; le président ivoirien Alassane Ouattara s'est servi d'un artifice pour obtenir un troisième mandat.
« Une honte pour notre pays », s'est ému le président du Parti social-démocrate Ismaël Sacko. Zeidan Ag Sidalamine, un leader communautaire touareg, s'est indigné des « propos xénophobes et racistes » tenus contre le président nigérien. Ils ont été largement interprétés comme une allusion à son origine communautaire.
« Il a fait honte à l'Afrique »
Dans une publication sur les réseaux sociaux, le ministre délégué aux affaires étrangères Youssouf Mohamed Elmouctar a « condamné fermement le contenu des propos [du colonel Maïga]. L'ivresse de la junte malienne lui a fait oublier le sens du protocole et de la diplomatie ». « Il a fait honte à l'Afrique et au monde civilisé », a poursuivi le ministre, dénonçant « la bassesse » des propos du chef du gouvernement malien.
Le député de la majorité Mohamed Saghdoun a de son côté qualifié M. Maïga de « soldat en rupture de ban avec la réalité » de son pays. Dans un communiqué, l'élu a critiqué « l'incapacité de l'armée malienne à protéger » les civils contre « les exactions djihadistes », poussant « des milliers de Maliens à se réfugier depuis 2012 au Niger voisin ».
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« Jamais au grand jamais, le président Bazoum n'a proféré d'injures à l'égard de la junte, a fortiori vis-à-vis d'un pays voisin », a commenté lundi le quotidien privé La Nation qui estime que « cette posture maladroite discrédite un peu plus la junte » malienne.
La centrale syndicale Union nationale des travailleurs du Mali, au contraire, « se reconnaît dans tous les aspects de la déclaration » du chef de gouvernement. Le colonel Maïga a été désigné en août premier ministre par intérim en remplacement du civil Choguel Kokalla Maïga, hospitalisé quelques jours avant.
Titulaire de l'important portefeuille de l'administration territoriale, le colonel Maïga était aussi et est resté porte-parole du gouvernement. Revêtu de son treillis à la télévision nationale, il était devenu le messager des annonces les plus marquantes et des déclarations les plus abruptes contre la France.
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Avec sa désignation, les deux têtes de l'exécutif comme celle de l'organe tenant lieu de Parlement sont des militaires. Le choix du colonel Maïga avait néanmoins soulevé des questions sur les intentions du chef de la junte, le colonel Assimi Goïta : simple contingence ou volonté d'ouverture ?
Le colonel Maïga ne fait pas partie du cercle des officiers qui ont pris le pouvoir par la force avec le colonel Goïta en 2020. Il passait aussi pour potentiellement moins clivant que celui dont il assure l'intérim et dont le maintien à son poste était en question depuis des mois. Un diplomate africain en poste à Bamako voyait dans sa désignation « une opportunité pour aller de l'avant ».
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