À LIRE AUSSIRetraites : nette dégradation des projections financières
Mais cette remarque est loin d'écarter à elle seule la nécessité d'une réforme. « Ce nouveau rapport révise assez sensiblement les résultats des projections de l'an passé, dans le sens de l'accroissement du ratio retraites/PIB et du creusement des déficits », avertit le Comité. Quelles que soient les hypothèses retenues sur la participation financière de l'État au système de retraite français, importantes pour évaluer ses ressources financières futures, « les déficits moyens anticipés sur 25 ans deviennent substantiels », prévient le Comité, composé des meilleurs spécialistes de la retraite en France.
L'alerte est d'autant plus sérieuse que le Conseil d'orientation des retraites s'appuie traditionnellement sur le programme de stabilité du gouvernement, qui établit des hypothèses de croissance pour les années à venir. Or ce scénario est déjà caduc avec la crise énergétique. Dès 2023, la croissance devrait être de 1 %, selon le gouvernement, et non plus 1,4 %. Et encore, il s'agit là d'une prévision optimiste. « Le consensus des économistes évolue actuellement vers une croissance très faible, voire une nouvelle récession sur cette année 2023 », écrit le Comité. Et ce choc, contrairement à celui lié au Covid, pourrait bien être structurel. Le contexte rend donc probable l'hypothèse de croissance de la productivité la plus faible du COR pour les décennies à venir, de 0,7 % par an « dans lequel le solde du système de retraite est négatif sur l'ensemble de la projection, quelle que soit la façon de le calculer ».
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Conclusion du comité : « Malgré l'ampleur des réformes passées, on est à risque de déséquilibres résiduels significatifs à court et moyen terme, qu'amplifierait la poursuite de conditions économiques dégradées. Tout cela oblige à reposer la question des voies d'équilibrage du système de retraite. »
Le Comité permet aussi de relativiser le discours de ceux qui expliquent qu'il n'y a pas de problème de financement des retraites. Ceux-là s'appuient sur une « convention » comptable qui suppose que l'État continuera, à l'avenir, à mettre au pot autant qu'aujourd'hui en proportion du PIB, alors que le poids des régimes de la fonction publique va pourtant diminuer et qu'ils seront moins en déficit. Actuellement, la législation veut qu'il les équilibre financièrement par principe. « Or ce recyclage ne va pas de soi car les économies générées sur ces dépenses ont, par défaut, vocation à plutôt revenir au budget général de l'État, où elles peuvent aider au financement d'autres besoins économiques ou sociaux », écrit le Comité de suivi des retraites.
Autrement dit, le Comité de suivi suggère fortement qu'il faut regarder la convention qui se contente de prolonger la législation actuelle, où l'État ne fait qu'équilibrer ses propres régimes. Il s'agit de celle qui prévoit les plus forts déficits (variables en fonction de l'hypothèse de croissance de la productivité retenue).
C'est pour cela qu'Emmanuel Macron explique vouloir réformer les retraites pour financer davantage d'investissements dans la santé ou l'Éducation nationale. « On pourrait imaginer que l'État précise plus clairement ce qu'il considère comme étant le bon niveau de ressources à allouer au système de retraite, au moins pour la décennie à venir, compte tenu des autres contraintes budgétaires, ce qui permettrait de sortir des ambiguïtés et malentendus engendrés par la coexistence de plusieurs indicateurs de solde », l'exhorte le comité. En attendant, les experts ont calculé les efforts qui seraient nécessaires pour équilibrer financièrement le système de retraite, selon les deux scénarios retenus par le Conseil d'orientation des retraites de participation de l'État aux retraites.
Baisser les pensions, augmenter l'âge de départ ou les prélèvements
Pour y arriver, il n'y a que trois solutions : allonger les carrières, baisser les pensions ou augmenter les cotisations. « Un équilibrage par un surcroît d'effort contributif des assurés et de leurs employeurs buterait sur le plafond que le décret de création du Comité a fixé à 28 % pour le taux global de cotisation d'un salarié non-cadre du privé et pose le problème de la cohérence avec la politique d'allègements de cotisations qui a prévalu jusqu'ici », remarque le Comité de suivi des retraites. On pourrait évidemment augmenter d'autres impôts comme le propose la CFDT, mais il faut se souvenir que les retraites sont censées être la contrepartie des cotisations des salariés, comme le rappelle le comité d'experts. Autrement dit, augmenter les impôts pour les financer étatiserait un peu plus le système. « Ce débat est à ouvrir en tenant compte de la pression qui devrait inévitablement s'accroître en faveur d'une redistributivité accrue du système de retraite », soulignent-ils également.
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Le second levier, la baisse des pensions, a l'inconvénient d'avoir déjà été « beaucoup mobilisé sur la période récente ». Reste l'augmentation de l'âge moyen de départ en retraite. « Il faut dans ce cas, considèrent les spécialistes des retraites, assumer le fait que ceci puisse conduire à un nouveau repli de la durée moyenne de la retraite, compte tenu de la nouvelle trajectoire d'espérance de vie, en le présentant comme le prix à payer pour la stabilité des prélèvements et le fait de ne pas réduire le niveau de vie relatif des retraités au-delà des baisses déjà attendues, ou bien le justifier par la nécessité de redéploiement de ressources budgétaires pour le financement d'autres besoins économiques et sociaux. »
Mixer l'âge légal et la durée de cotisation
Deux façons de relever l'âge moyen de départ en retraite peuvent être mobilisées. La durée de cotisation et l'âge légal. L'âge légal permet d'obtenir une « efficacité financière plus rapide » mais qui s'atténue à terme, « parce qu'il a pour contrepartie un surcroît de pension qui augmente progressivement la pension moyenne ». Au passage, le Comité dément l'idée selon laquelle un recul de l'âge de départ conduit à une baisse des pensions. Bien au contraire. Mais ce levier est plus inégalitaire. « Il a un effet plus marqué sur la durée de la retraite pour les individus à plus faible pension, même s'il est compensé en partie par l'obtention de droits plus élevés. » Le Comité relève que le relèvement de l'âge légal de départ « épargne largement les retraités plus aisés, qui partent spontanément au-delà de l'âge minimal ».
L'accélération de l'augmentation de la durée de cotisation a des effets financiers moins rapides, mais plus durables sur l'équilibre financier du système. Il a un effet « moins marqué sur les individus à plus faible pension, mais l'inconvénient d'accentuer la baisse de la pension moyenne, sauf si les individus compensent par davantage de recours aux surcotes ». Selon nos informations, le gouvernement est tenté par un mix entre ces deux paramètres pour répartir l'effort le plus équitablement possible tout en ayant un effet maximal sur les comptes. C'est par exemple la position du ministre de l'Économie et des Finances, Bruno Le Maire. Emmanuel Macron lui-même l'a suggéré. Il faut aussi « compenser les effets négatifs » du relèvement de l'âge légal « sur les populations à plus faible pension, qui sont aussi, en général, celles dont l'espérance de vie est la plus courte et dont les conditions de travail sont les moins propices au maintien dans l'activité », considère le Comité de suivi des retraites.
Le Comité plaide enfin pour une « démarche d'harmonisation et de simplification des règles » entre régimes de retraite. Il regrette, entre les lignes, l'abandon de la réforme systémique engagée lors du précédent quinquennat. « Sans reprendre une réforme d'ensemble dont les conditions ne sont pas aujourd'hui réunies, le moment viendra d'unifier les avantages familiaux ou les pensions de réversion », écrit-il.
Selon nos informations, la piste d'une réforme des retraites par amendement dans le projet de loi de finances de la sécurité sociale dont le texte sera présenté la semaine prochaine n'a plus vraiment le vent en poupe, tant il a suscité de réticence au sein même de la majorité. La réforme pourrait passer par un texte dédié au travail en 2023.
Quel
effort sur l'âge de départ faut-il faire pour équilibrer financièrement
le système de retraite ? Le Comité de suivi livre une réponse.
Dans le cas où l'État continuerait à appliquer la règle actuelle qui se
contente d'équilibrer financièrement ses propres régimes, et si les
progrès de productivité se limitent à 0,7 % par an, ce qui est
l'hypothèse la plus noire, il faudrait travailler, à terme, deux ans de
plus. L'âge moyen de départ, qui recule déjà du fait des précédentes
réformes, serait porté à 64 ans dès 2030, puis jusqu'à 66,5 ans à long
terme. Avec une hypothèse un peu meilleure d'augmentation de 1 % par an
de la productivité, il faudrait aussi parvenir à 64 ans en 2030, mais on
pourrait se contenter d'atteindre 65,5 ans à terme.
Si, au contraire, l'État subventionnait les régimes du privé à l'avenir en recyclant les sommes qu'il consacre aujourd'hui pour équilibrer ses propres régimes de retraite, l'effort serait bien moindre. Il faudrait atteindre 64 ans dès 2030, au lieu de 2040 actuellement. Ensuite, il faudrait seulement un an de plus en cas de croissance de 0,7 % par an de la productivité. Avec 1 % de croissance, il serait possible de rester à 64 ans en moyenne.
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