10/09/2022

Laurence de Charette: «Entre dramatisation et infantilisation, le retour de l’État tuteur»

lefigaro.fr par Laurence de Charette

 Ceux qui appellent aujourd’hui les Français à la «responsabilité» refusent bien souvent d’endosser les leurs.

Ouvrez les fenêtres… fermez les fenêtres! Jean Castex chronométrait les temps d’aération et comptait les assiettes à table, voilà qu’Emmanuel Macron règle le thermostat des Français: 19 °C, je vous prie - plus, vraiment, ce serait péché. 19 °C: la nouvelle ligne de démarcation entre le bien et le mal vient d’être tracée.

L’État tuteur, le grand protecteur avait pourtant commencé par reculer: pourquoi assombrir l’humeur des Français avant l’été? Contre la hausse des prix de l’énergie, n’avait-il pas inventé le «bouclier»?

Mais les feuilles mortes se ramassent à la pelle… et le ton, avant l’automne, est monté: le maître des horloges vient de sonner la fin de «l’insouciance»et de l’«abondance» - une formule qu’Élisabeth Borne a prosaïquement traduite par le mot «rationnement» - et de distribuer la feuille de route de la rentrée: la «sobriété». Chez les Pères du désert, la sobriété constituait, avec la garde du cœur notamment, l’une des voies du dépassement de soi.

Désormais, elle a plus à voir avec le thermomètre et le portefeuille qu’avec l’élévation de nos âmes. La voici chargée d’une bien difficile synthèse: elle doit pousser aux économies d’énergie, sans flirter de trop près avec le fantasme de la décroissance ; et signifier la contrainte, sans prendre de grands airs de censeurs. La «sobriété» 2022, en réalité, c’est un concept, une attitude, une appartenance, un camp - celui de la vertu.

On pourrait s’étonner, que, pour couper les robinets de gaz et d’électricité, il faille emprunter au vocabulaire de la morale. C’est que ce recours permet habilement de mélanger les exigences de la nouvelle religion du siècle - l’écologie - avec les nécessités du moment!

Croyants comme athées, tous sont réquisitionnés sous la bannière de la «sobriété», et tous seront auréolés d’une nouvelle forme de sainteté. Dans ce camp du bien, ils rejoindront, évidemment, les «gens de bien»: ceux qui comme François Hollande «n’aiment pas les riches», les pourfendeurs des superprofits et de tous les profits, ainsi que toutes sortes d’activistes «intersectionnels» qui prétendent défendre la nature qu’ils appellent «environnement» en honnissant les hommes - les mâles blancs, cis, et hétéros tout spécialement. On parlera barbecue et char à voile… Mais d’élucubrations stériles en débats réducteurs, oubliera-t-on vraiment les errements qui nous ont menés à cette douloureuse impasse?

Ironie des temps: les redresseurs de torts d’aujourd’hui sont, précisément, ceux qui ont exigé le saccage du parc nucléaire hérité du général de Gaulle, et c’est à leurs oukases - plus qu’à la guerre en Ukraine! - que l’on doit l’effondrement de nos ressources en électricité - et in fine le regain d’activité des centrales à charbon… Fameux résultat!

Cynisme du politique: ceux qui appellent aujourd’hui les Français à la «responsabilité» refusent d’endosser les leurs. Quoiqu’il en dise, Emmanuel Macron ne peut renier sa part dans la fermeture de Fessenheim, voulue certes par François Hollande, mais actée par lui, en 2018. Les signaux de faiblesse de notre politique énergétique ne datent pas de l’assaut russe.

Ces contorsions pour rhabiller les manquements de gouvernement d’un tissu d’alibis ne constituent pas seulement une réécriture, déjà regrettable, du passé ; elles sont ce grain, qui jour après jour, érode le verbe politique, qui ne tient sa force que de la confiance qu’on veut bien lui accorder. Dans ses anfractuosités se nichent alors les germes de ce que l’on appelle le populisme. On pourra bien ensuite, agiter tout le lexique guerrier, inventer tous les «conseils nationaux de la refondation», et s’étonner de ne pas rallumer la flamme de la cohésion nationale…

Dans un éclair de lucidité que l’on n’attendait pas, Olivier Véran confie aujourd’hui dans un livre: «Sur le masque, nous nous sommes trompés.» Alternance de dramatisation et d’infantilisation, gestion par la manne publique - le «bouclier» n’est-il pas le petit frère du «quoiqu’il en coûte»? - sans stratégie d’autonomie… La crise énergétique exige mieux de nous qu’un bis repetita.

L’école et l’imam caché

Jour de rentrée. À l’heure des tartines, sur les ondes, une drôle de voix grésille, le timbre voilé afin d’être anonymisée. S’agit-il d’un malfrat repenti? Ou bien d’un haut gradé du GIGN, d’un membre de forces secrètes? Non, c’est un prof. Un professeur de français qui voudrait alerter sur la montée de l’islamisme à l’école. Las, Laurent Valogne a signé son livre témoignage, Ces petits renoncements qui tuent, d’un pseudo, pour se préserver des pressions de la hiérarchie… et pour ne pas devenir, à son tour, la cible des terroristes. C’est dire sa confiance dans les institutions.

À l’heure où le professeur livre son expérience édifiante, l’imam Iquioussen, censé être expulsé pour ses prêches islamistes, court dans la nature, tandis que le ministre de l’Intérieur, comme les mauvais parents débordés dans leur autorité font semblant d’avoir été obéis, tente grossièrement de maquiller la défaite en victoire: «L’islamisme radical est en fuite et c’est une bonne chose», a osé Gérald Darmanin.

Le drôle d’attelage idéologique qui a présidé à la manifestation parisienne en soutien au prédicateur en dit long sur l’islamo-gauchisme à la française: ne reculant devant aucune contradiction, gauche décoloniale, féministes, LGBtistes et figures de la nébuleuse islamiste ont pris de concert la défense de l’iman frériste, antisémite, promoteur de la soumission des femmes et homophobe - au nom de la lutte contre une prétendue «islamophobie» d’État. Une telle alliance trahit les ressorts du clientélisme politique qui sévit depuis si longtemps - et dont l’imam lui-même n’hésitait pas à se moquer publiquement.

«Il fait quoi le maire? Il fait des génuflexions et des prosternations!», racontait-il. Elle souligne cruellement combien l’islamisme prospère sur la fragilité de nos valeurs, de nos fondamentaux. Mais plutôt que de s’attaquer aux dangers du séparatisme, Pap Ndiaye a décidé de relancer la lutte contre les stéréotypes de genre! À ce rythme, Laurent Valogne peut déjà s’apprêter à reprendre la plume, pour un tome II, plus sombre encore que le premier…

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