Le niveau de fréquentation de l’île pourrait dépasser celui de 2019, année de référence pré-Covid. Des voix s’élèvent pour dénoncer l’impact d’un tel développement.
Les spécialistes du transport aérien n'hésitent pas à parler d'un « trafic record. » À l'aéroport Sainte-Catherine de Calvi, qui dessert l'un des principaux bassins touristiques de l'île, les cohortes de touristes ne désemplissent pas. En cette fin septembre, les chiffres de la fréquentation surclassent – largement – ceux de 2019, année de référence en la matière.
Après deux saisons marquées du sceau de l'accalmie en raison de la pandémie de Covid-19, la Corse a renoué avec sa fréquentation touristique d'avant-crise, selon les statistiques recueillies par la chambre régionale de commerce et d'industrie en matière de transport de passagers. Le cap des 3,3 millions de vacanciers, soit dix fois la population de l'île, pourrait même être dépassé. Ajaccio, Figari et Bastia figuraient d'ailleurs parmi les dix destinations les plus réservées par les Français cet été, selon le classement établi par l'agence de voyages en ligne Opodo. « On est dans la démesure, estime Muriel Segondy, porte-parole de l'association Le Garde, axée sur la défense de l'environnement. On accueille des millions de touristes, au détriment de la population locale et de l'empreinte environnementale, alors que nos infrastructures ne suivent pas ; nous avons manqué d'eau tout l'été et notre système électrique est au bord de la rupture. Est-on vraiment en capacité de recevoir autant de monde ? »
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Depuis le début de l'été, cette militante écologiste est aux avant-postes d'un mouvement de contestation qui a trouvé un fort écho dans l'île : la gronde face aux nuisances générées par les bateaux de croisière. Avec 473 escales programmées en Corse, l'année 2022 fait office d'année record pour l'accueil de ces navires. Une pétition en ligne demandant l'interdiction de ces bateaux dans le golfe d'Ajaccio a réuni plus de 27 000 signataires. Signe que, si la plupart des insulaires se réjouissent de la bonne santé du tourisme – qui représente 31 % du produit intérieur brut (PIB) de l'île et dont dépend un emploi sur cinq –, des voix plus nombreuses s'élèvent pour dénoncer l'impact d'un tel développement. Symbole de cette « surfréquentation », le mythique GR20, sentier de grande randonnée qui traverse la Corse sur près de 180 kilomètres, a enregistré une affluence historique.
« Le maître mot doit être la régulation »
Face au risque de saturation et aux dégâts environnementaux, l'idée d'instaurer des « quotas » n'est désormais plus un sujet tabou pour les gestionnaires du circuit, comme pour les pouvoirs publics insulaires. Jusqu'alors figés dans une forme d'attentisme, bien que pourfendeurs de longue date du « tourisme de masse », les nationalistes à la tête de la région se sont résolus à serrer la vis, sous la pression de l'opinion. La fréquentation est désormais régulée par le biais de quotas et d'un système de réservation dans trois sites emblématiques : l'archipel des Lavezzi, le massif de Bavella et la vallée de la Restonica. « Je crois qu'on ne peut pas continuer comme ça, et qu'il faut aller vers un modèle touristique raisonné et plus durable, avance Guy Armanet, conseiller exécutif autonomiste et président de l'office de l'environnement de la Corse. Le maître mot doit être la régulation pour éviter les pics de fréquentation et préserver la biodiversité dans des sites à forte valeur patrimoniale. Cela nécessite de trouver un point d'équilibre avec les enjeux économiques qui y sont rattachés, tout en veillant à ce que les Corses ne soient pas exclus de ces endroits. »
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Si l'été 2022 a fait figure d'année « test » pour cette nouvelle politique, le mouvement devrait s'intensifier. Outre le GR20, d'autres sites sensibles comme la réserve naturelle de Scandola, inscrite au patrimoine mondial de l'
Unesco, pourraient également se voir appliquer une régulation. Les professionnels du tourisme eux-mêmes se disent conscients du risque d'un développement incontrôlé. Y compris en matière d'acceptation sociale pour la population locale, dans une île où le taux de résidences secondaires – 29 % du parc de logements – est sans commune mesure avec la moyenne nationale (9 %). « Le surtourisme, en Corse, est avant tout la conséquence d'un tourisme non maîtrisé, considère Benoît Chaudron, vice-président de l'union régionale des métiers et des industries de l'hôtellerie. Le nombre de résidences secondaires a explosé, cela crée non seulement une distorsion de concurrence vis-à-vis des professionnels qui ne profitent pas de cet afflux, mais aussi des nuisances pour beaucoup de locaux qui ont de plus en plus de mal à se loger à l'année. »
« Il faut trouver l'équilibre, sinon on va tuer la poule aux œufs d'or »
Le maire de Bonifacio, Jean-Charles Orsucci, connaît bien ce problème. Première destination touristique de Corse, sa commune de 3 000 habitants, à la pointe sud de l'île, compte 59 % de résidences secondaires et voit défiler chaque année deux millions de touristes. Son port de plaisance, situé à un carrefour maritime entre l'Espagne et l'Italie, a enregistré cet été une hausse de fréquentation de 15 %. Si cette activité intense génère une manne indispensable dans la cité des falaises, cet élu macroniste n'en appelle pas moins à l'avènement d'un modèle « maîtrisé » et plus « qualitatif. » Son credo : l'instauration d'une tarification pour accéder aux sites naturels les plus prisés et un étalement de la saison pour réduire la pression sur la biodiversité. « Le tourisme de masse ne peut pas être un modèle pour la Corse, estime Jean-Charles Orsucci. Nous devons concilier économie et environnement, sans toutefois se servir de l'environnement pour mener un combat économique contre le tourisme, qui est un pilier indispensable. C'est ce que nous faisons lorsque nous installons des coffres d'amarrage destinés à la grande plaisance, pour préserver à la fois les fonds marins et cette activité à forte valeur ajoutée. Il faut trouver l'équilibre, sinon on va tuer la poule aux œufs d'or. »
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