Grâce au remplacement des moteurs thermiques par des moteurs électriques dans les voitures, ou des centrales à charbon par des éoliennes, la transition énergétique va réduire la dépendance de la France - et de l’Europe - aux énergies fossiles. Mais d’autres dépendances vont se faire jour: «Les innovations technologiques développées pour accompagner la transition énergétique font appel à des métaux critiques ou stratégiques», rappelle l’IFP (Institut français du pétrole) Énergies Nouvelles.
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«L’électrification de la production de véhicules neufs va faire largement augmenter les besoins en cuivre, nickel, lithium et terres rares, analyse Philippe Varin. D’ici à 2030, les besoins en cuivre seront ainsi multipliés par deux, en nickel par trois, en lithium par quatre et en terres rares par trois ou quatre!»
La France et l’Europe ont de grandes ambitions dans l’industrialisation de la transition énergétique. Trente-huit projets de giga-usines de fabrication de batteries pour voitures électriques sont dans les tuyaux sur le Vieux Continent, dont trois en France. Ce qui nécessitera de se fournir en matières premières. Or, dans ce domaine, la dépendance de l’Union européenne vis-à-vis des pays tiers se situe autour de 70 %. Et elle est de 100 % pour la France.
Des tensions inévitables
La question de l’approvisionnement en métaux stratégiques est donc devenue cruciale. D’autant que les tensions sont inévitables. Il peut y avoir, sur des périodes plus ou moins longues, des déséquilibres entre l’offre et la demande, comme pour le nickel ou le cuivre actuellement, générant des hausses de prix. Les risques politiques sont également bien réels, surtout lorsque l’essentiel de la production provient d’un seul pays. C’est le cas pour le cobalt avec la République démocratique du Congo ou pour les terres rares avec la Chine.
L’empire du Milieu a pris une vingtaine d’années d’avance sur l’Europe en matière de sécurité des approvisionnements. En matière de terres rares, le pays a mis en place sa stratégie dans les années 1990, souligne Philippe Varin. Aujourd’hui, l’Europe et la France doivent agir. Les pénuries apparues ces derniers mois dans l’acier ou les semi-conducteurs sont un signal d’alarme. Le rapport Varin émet trois recommandations pour sécuriser l’approvisionnement. Il demande d’abord la création d’un fonds d’investissement dans les métaux clés qui devra prendre des participations stratégiques, aux côtés d’investisseurs industriels, dans les mines en France ou à l’étranger. «L’Afrique apparaît comme un domaine où l’Europe peut agir, surtout dans le cadre d’un concept de “mine responsable”», pointe l’ex-dirigeant de France Industrie. Le gouvernement a décidé de lancer les travaux préparatoires à la constitution de ce fonds. Bercy précise qu’il «est trop tôt pour définir des géographies ou des pays où investir».
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Le deuxième levier doit permettre de localiser davantage de valeur ajoutée. Philippe Varin estime qu’il faut «créer des plateformes industrielles localisées en France entre les mines et les utilisateurs, constructeurs automobile ou giga-usines». Deux zones ont déjà été définies par le gouvernement: Dunkerque (Nord) pour le raffinage des métaux et la fabrication des cathodes destinées aux batteries et Lacq (Pyrénées-Atlantiques) pour les aimants permanents. Dans le cadre du plan France 2030, Bercy va lancer un appel à projet doté de 1 milliard d’euros pour renforcer le tissu industriel. Un projet qui comportera aussi un volet recyclage. «C’est un domaine stratégique, mais qui prendra du temps à se concrétiser puisqu’il faudra attendre la fin de vie des produits qui commence à peine à se vendre», précise Philippe Varin.
Le recyclage est un domaine où la recherche peut améliorer les performances. Ce n’est pas le seul. L’ex-dirigeant prône, et c’est sa dernière recommandation, une collaboration plus étroite entre les acteurs industriels et académiques (CEA, CNRS…) dans la recherche. Ce plan se veut ambitieux. Mais l’approvisionnement en métaux stratégiques est une condition sine qua non à la réindustrialisation de la France.
Une échelle de risque
La Commission européenne a calculé un indice du risque d’approvisionnement pour chaque métal stratégique en fonction des besoins et de l’offre. Plus le chiffre est élevé, plus le risque l’est aussi.
Terres rares légères: 5,98 Le néodyme fait partie de cette famille d’éléments métalliques. Usages: piles à combustible, éoliennes, moteurs, robots, drones, électronique.
Cobalt: 2,54 Usages: batteries, piles à combustible, éoliennes, robots, drones, impression 3D, électronique.
Lithium: 1,64 Usages: batteries, piles à combustible, robots, drones.
Nickel: 0,49 Usages: batteries, piles à combustible, photovoltaïque, robots, drones, impression 3D.
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