La Commission européenne “a ouvert la voie à l’investissement dans de nouvelles centrales nucléaires pour les vingt prochaines années,

et dans le gaz naturel pour au moins une décennie”, observe le Financial Times.

La labellisation verte a pour objectif de “faciliter le financement d’installations contribuant à lutter contre le changement climatique”, explique Le Temps. “La proposition de texte, débattue depuis des mois et encore provisoire, a été envoyée aux États membres le 31 décembre, peu avant minuit” – au moment même où la présidence tournante de l’UE passait de l’Allemagne à la France.

Dans ce texte, la Commission affirme, au grand dam des environnementalistes, qu’il est “nécessaire de reconnaître que les secteurs du gaz naturel et l’énergie nucléaire peuvent contribuer à décarboniser l’économie de l’Union européenne”, rapporte le site européen de Politico.

Les financements massifs d’énergies “vertes” – évalués à plusieurs dizaines de milliards d’euros – sont indispensables si l’UE “veut remplir l’objectif de neutralité carbone d’ici 2050, fixé par la de Pacte Vert”, souligne El País. “Bruxelles calcule que la consommation d’énergie représente 75 % des émissions de gaz à effet de serre au sein de l’Union.”

Critères stricts

Le label vert ne sera pas accordé automatiquement à tout nouveau projet de centrale nucléaire ou à gaz : des critères stricts devront être remplis, précise Reuters. Une centrale nucléaire ne sera verte que si elle dispose “d’un plan, de fonds et d’un site pour éliminer en toute sécurité les déchets radioactifs”. En outre, le projet devra avoir obtenu son permis de construire “avant 2045”.

Les centrales à gaz, pour leur part, ne seront “durables” que si leurs émissions de CO2 sont inférieures à 100 g par kWh. Mais les projets ayant reçu leur permis de construire avant 2030 bénéficieront d’un délai de grâce, pendant lequel la limite sera fixée à 270 g de CO2 par kWh, le temps d’atteindre le seuil optimal.

Le texte, très controversé, a été âprement débattu entre Paris, Berlin et Bruxelles, remarque la Deutsche Welle. “Alors que l’Allemagne a connu une opposition croissante à l’énergie atomique depuis le désastre de Fukushima en 2011 – avec pour conséquence la fermeture de trois des six dernières centrales allemandes le 31 décembre –, la France a mené la charge en faveur du nucléaire.”

Le vice-chancelier allemand Robert Habeck, vent debout contre le texte, a accusé la Commission de “greenwashing, en prétendant appliquer une politique verte, pour couvrir en réalité des pratiques destructrices pour l’environnement”.

Cauchemar climatique

La militante environnementaliste Greta Thunberg a elle aussi fait part de sa consternation dans une lettre ouverte publiée par le site d’information européen Euractiv. “Alors que les militants pour le climat s’étaient battus pour s’assurer que [la labellisation] ouvrirait la voie à des vraies actions en faveur du climat, les ‘dirigeants’ se sont mis en quatre pour qualifier les énergies nucléaire et fossile de ‘durables’, bien qu’elles ne soient ni vertes ni durables. Cela pourrait aboutir à un véritable cauchemar climatique”, tonne la jeune Suédoise.

Le Français Thierry Breton, commissaire européen au Marché intérieur, reconnaît dans le Financial Times que “le gaz n’est pas ce qu’il y a de mieux pour atteindre notre objectif [de neutralité carbone], car il produit du CO2, mais c’est quand même mieux que le charbon”. Et d’insister : “Nous devons avoir les bons financements dans la taxonomie. Et cela inclut l’énergie nucléaire.”

Les États membres ont deux semaines pour amender le texte, avant sa présentation au Parlement européen, qui pourra le rejeter à la majorité simple. Mais “les chances de voir le texte torpillé sont minces, car seule une poignée de pays, en plus de l’Allemagne, se sont prononcés contre l’énergie nucléaire”, constate la Deutsche Welle.