LE FIGARO. - La vague Omicron s’abat sur la France. Quel sera l’impact sur la croissance des nouvelles restrictions?
Bruno LE MAIRE. - Un impact faible. Omicron perturbera évidemment notre vie sociale au mois de janvier, mais nous avons pris les mesures nécessaires pour éviter la désorganisation de notre économie. Je reste très confiant
pour la croissance française: nous démarrons l’année avec un solide acquis de 2,2 % et notre économie bénéficie à plein des réformes de fond engagées depuis 2017. Je maintiens donc notre prévision de croissance pour 2022 à 4 %. Nous apportons une aide ciblée et rapide aux secteurs concernés par les restrictions. Je reste ouvert à tout dispositif supplémentaire qu’ils pourraient me proposer, notamment sur les exonérations de charges sociales.La France a-t-elle encore les moyens de ces aides?
Ces mesures ciblées devraient coûter une centaine de millions d’euros. Nous avons été prévoyants: il nous reste des crédits budgétaires de 2021 sur la mission urgence pour les financer. Par ailleurs, en 2021, la croissance sera supérieure aux 6,25 % annoncés et nous donnera de meilleures recettes fiscales: comme promis, l’intégralité de ces recettes sera affectée à la réduction du déficit, qui sera significativement inférieur à 8 %, contre 8,2 % anticipé. Preuve que nous pouvons conjuguer soutien aux entreprises et saine gestion des finances publiques.
Les prix de l’énergie s’envolent. L’État va-t-il encore intervenir?
Prenons la mesure du défi: en quelques mois, le coût de l’électricité a été multiplié par cinq. Et pourtant, contrairement aux autres peuples européens, les Français n’ont pas vu leur facture d’électricité augmenter en 2021. En 2022, nous continuerons à protéger les ménages comme les PME notamment industrielles contre cette explosion des prix de l’énergie, qui explique plus de la moitié de l’inflation en Europe. La baisse de la fiscalité sur la consommation d’électricité garantira en 2022 cette protection, pour un coût total pouvant aller jusqu’à 8 milliards d’euros. Mais elle ne sera probablement pas suffisante pour absorber les 35 à 40 % de hausse des factures que nous anticipons. Nous travaillons donc avec EDF à une solution complémentaire. Nous présenterons cette solution dans les prochains jours. La promesse du premier ministre de plafonner la hausse des tarifs de l’électricité des particuliers à 4 % en 2022 sera tenue.
Au-delà de ces questions de plafonnement, envisagez-vous d’autres mesures pour le pouvoir d’achat?
Le gouvernement a déjà beaucoup fait! L’indemnité inflation, le chèque énergie, le gel des tarifs du gaz et le bouclier tarifaire sur l’électricité sont des réponses fortes et immédiates. Sans parler de notre ligne de force: le travail et la valorisation du travail. Cent euros de plus pour la prime d’activité, une baisse de 5 milliards des premières tranches de l’impôt sur le revenu, la suppression de la taxe d’habitation, la suppression des charges sur les heures supplémentaires, le développement de l’intéressement et de la participation, autant de mesures efficaces pour doper le pouvoir d’achat des Français.
Certains candidats à la présidentielle ont la mémoire courte sur leur propre bilan, je le tiens à leur disposition
Bruno Le Maire
Valérie Pécresse comme Édouard Philippe jugent qu’il y a urgence à remettre de «l’ordre dans les comptes et dans la rue». Ce constat partagé à droite ne témoigne-t-il pas des limites du bilan du président?
Certainement pas! Qui a remis de l’ordre dans les comptes publics et sorti la France de la procédure pour déficits publics excessifs en 2018? Notre majorité, que dirigeait Édouard Philippe à l’époque. Qui a refusé la solution de facilité de la hausse des impôts et baissé au contraire la pression fiscale de 50 milliards d’euros en cinq ans? Notre majorité. Qui a évité un tsunami de faillites et une explosion du chômage pendant la crise, qui auraient entraîné un naufrage de nos finances publiques? Notre majorité encore. Certains candidats à la présidentielle ont la mémoire courte sur leur propre bilan, je le tiens à leur disposition.
Un électeur qui voudrait voter pour un candidat ferme sur l’immigration, la défense de la laïcité et la sécurité ne devrait-il pas douter du «en même temps» du président et des pudeurs de ses proches?
Derrière les mots, cet électeur devrait regarder nos décisions. Sur tous les sujets régaliens, nous avons fait preuve de fermeté. Contrairement aux majorités précédentes par exemple, qui avaient supprimé la double peine pour les étrangers en situation irrégulière, le président de la République et Gérald Darmanin ont prévu qu’un étranger condamné pour certains délits exécuterait sa peine en France puis serait expulsé. Nous avons doublé le nombre de policiers aux frontières, augmenté de 1,7 milliard par an le budget des armées, accéléré la procédure de traitement des demandes d’asile, refusé les visas au Maroc, à la Tunisie et à l’Algérie quand ils ne délivrent pas les laissez-passer consulaires nécessaires au retour de leurs ressortissants. Le régalien est un point fort du bilan du président de la République.
L’unité retrouvée de LR vous oblige-t-elle à redonner des gages à vos électeurs de droite?
Nous proposons un projet d’intérêt général, nous ne donnons pas de gages à des électorats. La logique de dépassement doit prévaloir sur la logique des clans. Tout simplement parce que le dépassement est une méthode qui évite la polarisation excessive de la société et qui donne des résultats. Regardez ce que nous avons réussi à faire en matière fiscale par exemple, avec la suppression de l’ISF, la baisse des impôts de production ou la taxation des géants du numérique. Certains en ont rêvé, nous l’avons fait.
Le macronisme doit-il faire sa mue pour perdurer?
Tout politique doit muer pour perdurer.
Les critiques de la majorité contre les suppressions de fonctionnaires proposées par Valérie Pécresse ne cachent-elles pas votre propre échec à respecter l’engagement de 2017 à en supprimer 120.000?
Diminuer le nombre de fonctionnaires ne fait pas un projet en soi. Sous mon autorité, le ministère des Finances a réduit de 11.000 le nombre de ses agents, parce que cela pouvait se faire tout en améliorant la qualité de service avec la numérisation des outils. Valérie Pécresse refuse de dire où et comment elle supprimerait des fonctionnaires. Dans la police? La gendarmerie? Les tribunaux? Les hôpitaux?
L’absence du drapeau français sous l’Arc de triomphe ? Triste polémique, petite polémique portée par des responsables politiques qui rétrécissent la France
Bruno Le Maire
Vous dites que l’Éducation doit devenir une grande cause nationale. Quels chantiers, que Jean-Michel Blanquer n’aurait pas eu le temps d’initier, convient-il de mener?
L’éducation et la culture sont les sujets centraux des dix prochaines années. Pourquoi? Parce que l’éducation et la culture sont les conditions de l’unité de la nation. C’est le moyen le plus efficace et le plus juste pour lutter contre les inégalités sociales à la racine. Jean-Michel Blanquer a apporté des réponses fortes à ce défi en restaurant l’apprentissage des savoirs fondamentaux et en dédoublant les classes de primaire dans les quartiers prioritaires. Nous devons poursuivre l’effort au collège, à l’université et tout au long de la vie avec la formation continue. La revalorisation de la formation et de la carrière des enseignants qui est engagée est aussi une priorité. Enfin, le président de la République a eu raison de soulever à Marseille la question de l’autonomie des établissements scolaires et des expérimentations locales.
Vous tancez dans votre livre les fonctionnaires européens qui veulent se débarrasser des nations. En ce sens, l’absence du drapeau français sous l’Arc de triomphe n’était-il pas une erreur?
Triste polémique, petite polémique portée par des responsables politiques qui rétrécissent la France. La nation française n’est-elle pas suffisamment puissante, sûre de sa culture, consciente de son génie national pour accepter de pavoiser son Arc de triomphe pendant deux jours avec le drapeau européen sans que cela ne suscite ni peur, ni inquiétude?
Le président a-t-il un «problème avec l’histoire de France», comme l’affirme Valérie Pécresse?
Il faut être bien pauvre en idées pour en venir à cette critique. Non seulement Emmanuel Macron aime l’histoire de France, mais surtout il la fait.
Le choix de cette présidentielle, c’est agir ou subir
Bruno Le Maire
Comment souhaitez-vous l’accompagner, dans une éventuelle prochaine majorité? Via un nouveau parti, comme il en fleurit tant en macronie?
Non. Je ne suis pas un homme de parti. Ma responsabilité première est d’obtenir des bons résultats sur le front de la croissance et de l’emploi, tout en préparant la France aux grands défis économiques à venir. La tâche est d’autant plus exigeante que nous faisons face à des bouleversements majeurs: les tensions géopolitiques grandissent entre la Chine et les États-Unis, les chaînes de valeur se réorganisent, la course aux technologies de pointe est engagée, le réchauffement climatique reste une réalité à combattre. La campagne présidentielle en France ne doit pas escamoter ces questions, qui inquiètent nos compatriotes. Le choix de cette présidentielle, c’est agir ou subir. Tous ceux qui ressassent le refrain du déclin matin, midi et soir en sont les premiers promoteurs. Avec le président, nous préférons agir. Nous refusons de subir notre destin, nous voulons le construire, pour affirmer la place de la France au XXIe siècle.
Dans votre livre vous avez formulé des propositions pour mettre fin à la «monarchie technocratique». Ambitionnez-vous de tenir le stylo pour rédiger le prochain programme présidentiel?
Je ne tiens que mon propre stylo! Je le fais avec mes convictions. Le moment venu, si Emmanuel Macron décide d’être candidat, il fixera librement le cap pour la France.
Cette volonté à faire des propositions sur d’autres thématiques que l’économie, signifie-t-elle que le vaste ministère que vous occupez est trop étroit pour vos idées?
C’est le plus beau des ministères. Mais c’est le monde qui est vaste. Plus que la politique.
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