Il dessine deux « priorités absolues » : la reconquête industrielle et le redressement des finances publiques. « Toute la difficulté ou le charme de l’exercice va être de faire les deux en même temps », a-t-il expliqué vendredi 7 janvier, en présentant ses vœux aux journalistes économiques qui le suivent. Car, pour reconquérir l’industrie et « faire jeu égal avec la Chine et les États-Unis », il va falloir que la France et l’Europe « investissent massivement ». C’est notamment le cas pour parvenir à localiser de nouvelles usines de production de semi-conducteurs, devenus indispensables dans bon nombre d’appareils du quotidien (téléphones, voitures, etc.), sur le Vieux Continent, et dans l’Hexagone en particulier. Cela suppose de renégocier les règles budgétaires européennes pour autoriser de tels investissements publics.
C’est donc sur la dépense sociale qu’il faudra agir pour redresser les comptes. Et pas uniquement sur les retraites, le chantier que Bruno Le Maire cite constamment. « Je n’ai jamais prétendu que la réforme des retraites était l’alpha et l’oméga de la réduction de la dépense publique en France », a-t-il lâché en plaidant pour s’attaquer aux postes de dépenses supérieures à la moyenne européenne.
Comme depuis quelques mois, le ministre, qui fait par ailleurs du redressement de l’école l’enjeu essentiel de la prochaine décennie, veut désormais se focaliser sur le redressement de la balance commerciale « parce que la faiblesse de notre extérieur reflète la faiblesse de notre économie intérieure ».
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Des capitaines d’industrie ont estimé qu’il fallait naviguer en dehors des eaux territoriales. plutôt que dans les eaux territoriales.Bruno Le Maire
Concrètement, Bruno Le Maire veut continuer à améliorer la compétitivité sur les coûts des entreprises, tout en finançant des investissements publics. Cela passe, selon lui, par une nouvelle baisse des cotisations sociales, mais cette fois pour les salaires plus élevés, supérieurs à 2,5 smic, seuil d’extinction du CICE de François Hollande. Il veut aussi continuer à diminuer les impôts de production, qu’il a déjà allégés de 10 milliards d’euros par an depuis l’année dernière. Le ministre vise tout particulièrement la C3S, une taxe assise sur le chiffre d’affaires. Cette contribution pèse sur les grandes entreprises, qui la paient encore même lorsqu’elles ne dégagent pas de profit.
Il plaide pour définir une trajectoire de diminution de ces prélèvements sur plusieurs années, sans toutefois citer de chiffre global. « Tous les instruments doivent être mis sur la table sans exception », a-t-il insisté, à contre-courant de ceux qui estiment – et ils sont nombreux – que le rattrapage sur la compétitivité-coût a déjà été opéré ces dix dernières années. « On ne peut pas en même temps dire qu’on veut une industrie avec plus de technologie et plus de qualifications et en même temps des allègements de charges qui s’arrêtent à 2,5 smic », argumente-t-il.
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Au passage, l’ancien candidat à la primaire de la droite de 2016 s’en est pris vertement aux grandes entreprises françaises « parties produire à l’étranger pour réduire leur coût d’un centime d’euro par pièce ». Depuis trente ans, « des capitaines d’industrie ont estimé qu’il fallait naviguer en dehors des eaux territoriales plutôt que dans les eaux territoriales ». « C’est de la désertion », « un modèle indéfendable ». Il faisait référence, notamment, à Serge Tchuruk, le patron d’Alcatel, qui rêvait, en 2001, de faire de son groupe une entreprise « sans usines ». « Une foutaise » qui a coûté cher à la France, pays qui a le plus délocalisé, selon lui.
Nous sommes compétitifs pour les emplois ouvriers, mais moins pour les emplois ingénieurs.Bercy
Sa baisse des charges sociales patronales pour les salaires supérieurs à 2,5 smic est une proposition controversée. Car, pour beaucoup d’économistes, elle ne fera que se traduire par une augmentation des salaires nets, les emplois visés étant pratiquement au plein-emploi. Bruno Le Maire, lui, n’en démord pas. « Nous allons avoir besoin d’emplois très qualifiés, d’ingénieurs, de codeurs, de techniciens de maintenance pour les robots. La robotisation, qui s’accélère en France, va demander de plus en plus d’emplois qualifiés de ce type-là. » « Quand nous discutons avec le patron de Siemens ou de TSMC, ils nous disent que nous sommes compétitifs pour les emplois ouvriers, mais moins pour les emplois ingénieurs », décrypte-t-on à Bercy. « Notre responsabilité, c’est de créer un environnement qui fait que lorsqu’une grande entreprise industrielle étrangère ou française prend une décision d’investissement, elle se dise “la France est dans la course” », insiste le ministre.
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Ces baisses de charges et d’impôts seraient en partie financées par la diminution des aides aux entreprises, plus élevées qu’ailleurs en Europe. Il ne souhaite toutefois pas toucher au crédit d’impôt recherche, qui prive pourtant les comptes publics de 7 milliards d’euros par an pour une efficacité contestée.
Un vieux discours qu’on entend depuis que je suis responsable syndical.Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT
« C’est un vieux discours qu’on entend depuis que je suis responsable syndical, réplique Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT. Quand on fait le point sur tout ce qui a été fait depuis 2008 en matière de droit du travail et de baisse d’impôt et de charges pour les entreprises, on voit bien que le sujet de la compétitivité, c’est bien autre chose qu’une question de coût. C’est aussi de l’innovation, de la qualité… » Mais, pour Bruno Le Maire, la question du coût et celle de la qualité vont de pair.
Reste à savoir si Emmanuel Macron assumera de continuer à baisser les impôts pour les entreprises alors que la dette est déjà très élevée après le « quoi qu’il en coûte ». Valérie Pécresse et la droite ne sont-elles pas plus allantes sur le sujet ? Poser cette question, c’est s’exposer à un coup de sang du ministre. « Qui a massivement augmenté les impôts en France en 2012 ? Valérie Pécresse, ministre du Budget. Qui a supprimé l’ISF ? Emmanuel Macron. Qui a mis en place le prélèvement forfaitaire unique à 30 % que réclamait à cor et à cri la droite depuis des années ? Emmanuel Macron. Qui a baissé le taux d’impôt sur les sociétés de 33,3 à 25 % ? Emmanuel Macron. Qui a engagé les impôts de production contre tous les présidents de région de droite ? Emmanuel Macron. Ce n’est pas pour ensuite recevoir de ces présidents de région devenus candidats à la présidentielle des leçons sur les baisses d’impôts », nous réplique-t-il sèchement. Le match pour l’électorat de droite est lancé.
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