Après 2020, placée sous le signe d’une pandémie et d’une récession historiques, 2021 fut marquée par un rattrapage et une forte reprise dans les pays bénéficiant de la vaccination et d’un soutien conséquent de l’activité des pouvoirs publics. Mais les espoirs d’une sortie de l’épidémie furent déçus. Dès lors, l’année 2022 concentrera tous les risques. Elle débute sous le signe d’une cinquième vague de Covid, tout en voyant apparaître les véritables coûts des interventions publiques et s’exacerber les tensions politiques et stratégiques.
L’épidémie de Covid a touché près de 290 millions de personnes et provoqué 5,5 millions de morts dans le monde officiellement, mais deux à trois fois plus selon l’OMS. Loin de s’éteindre, elle connaît un regain avec la déferlante du variant Omicron, dont la contagiosité se révèle redoutable. Il a imposé le retour aux restrictions sanitaires, au contrôle renforcé des frontières, à la fermeture partielle de certains secteurs d’activité, en passant par les confinements en Autriche ou aux Pays-Bas ou le couvre-feu en Irlande. Avec pour effet immédiat la réduction de la consommation – notamment dans le tourisme, la restauration, la culture et l’événementiel –, mais surtout la désorganisation du travail et des chaînes d’approvisionnement.
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Après la Chine et les États-Unis, l’Europe a retrouvé son niveau d’activité de fin 2019. Mais les pertes enregistrées sont colossales. Et la reprise freinera fortement en 2022, avec une croissance de l’ordre de 4,5 % dans le monde, 4,2 % dans la zone euro et 4 % en France. Le ralentissement sera particulièrement sensible en Chine, en raison du défaut du secteur immobilier, et dans les pays émergents où la vaccination demeure limitée. Simultanément, l’inflation accélérera en raison de l’amorçage de la spirale entre prix et salaires aux États-Unis et en Europe, des contraintes d’offre dans l’énergie, mais aussi des mesures sanitaires pour tenter d’endiguer le variant Omicron, de la fragmentation de la mondialisation, des conflits géopolitiques et des exigences de la lutte contre le changement climatique. D’où moins de croissance et plus d’inflation, donc un risque de stagflation.
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Gouvernements et banques centrales seront écartelés entre le soutien de l’économie face à Omicron et la lutte contre l’inflation, entre la gestion des incertitudes conjoncturelles et la réponse aux défis structurels du vieillissement démographique, de l’accroissement des inégalités, de l’innovation et de la transition écologique. Or nous ne sommes plus en 2020. Les aides massives aux revenus des ménages et au chiffre d’affaires des entreprises ne peuvent être prolongées indéfiniment. L’inflation menace la crédibilité des banques centrales et pénalise les plus pauvres. La réduction progressive des émissions de liquidités et la hausse des taux d’intérêt sont donc indispensables et seront plus rapides et fortes qu’attendu. Avec des effets déstabilisateurs pour les pays et les entreprises surendettés, a fortiori quand ils ne disposent pas de la maîtrise de leur monnaie, ce qui est le cas de certains pays émergents mais aussi des membres de la zone euro.
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La prise de conscience qu’une pandémie, à l’égal d’une grande guerre, s’inscrit dans un temps long a des effets politiques délétères, particulièrement dans les démocraties. La lassitude et l’exaspération de l’opinion se traduisent par une opposition croissante aux mesures sanitaires, sur fond de montée de l’irrationalité et de la violence. Simultanément, la défiance se généralise envers les institutions et les dirigeants. La crise de la démocratie américaine en est exemplaire, qui conjugue le blocage de la mécanique des contre-pouvoirs, la polarisation de la société, la critique radicale de la liberté au nom des passions identitaires, nationalistes ou racialistes, toutes évolutions qui réduisent l’administration Biden à l’impuissance.
Sur le plan international également, les tensions se renforceront en 2022 autour du contrôle des ressources rares mais aussi du choc des puissances. Le djihadisme poursuit sa progression du golfe de Guinée aux Philippines. Les guerres sans fin se multiplient, de l’Éthiopie au Myanmar en passant par la Syrie ou le Yémen. L’évolution la plus inquiétante concerne cependant le risque de conflits majeurs, sur fond de nouvelle guerre froide entre les États-Unis et la Chine. Et ce sur trois fronts : Taïwan, sur laquelle la Chine resserre sa pression militaire ; l’Ukraine, à la frontière orientale de laquelle restent massés quelque 100 000 soldats russes ; l’Iran, qui se trouve sur le point de franchir le seuil nucléaire. La dissuasion limite certes la possibilité d’affrontements armés directs entre les États-Unis, la Chine et la Russie. Mais la confrontation entre les empires qui se disputent le leadership au XXIe siècle s’amplifie et s’étend, créant la possibilité d’un dérapage fatal.
S’appuyer sur les enseignements du Covid
Face à ces dangers, il existe aussi des motifs d’espoir. La sortie de l’épidémie souligne la nécessité d’une relance de la coopération internationale, indispensable pour gérer les risques de l’histoire universelle. La réorganisation du travail et des entreprises ainsi que l’accélération de la révolution numérique ouvrent la voie à des gains de productivité. Les jalons d’un nouveau partenariat entre l’État, les entreprises et les marchés ont été posés, qui pourrait permettre de répondre aux défis d’une croissance plus inclusive, innovante et soutenable. Les valeurs collectives ont été réhabilitées comme l’importance de la liberté politique et de l’engagement des citoyens pour la défendre. Il est ainsi possible de s’appuyer sur les enseignements du Covid, qui a mis en évidence les leviers décisifs pour la reconstruction des démocraties : un État capable d’anticiper et de réagir vite ; la force de l’industrie et de la recherche ; l’investissement dans les nouvelles technologies et dans l’éducation de la population ; la cohésion sociale ; la capacité de leadership des dirigeants.
L’année 2022 sera aussi décisive pour la France, qui
se trouve à un tournant de son histoire, oscillant entre effondrement et
sursaut. L’élection présidentielle sera surplombée par la cinquième
vague de l’épidémie, qui pourrait amputer le débat, biaiser le résultat
et affaiblir la légitimité du prochain président. Or la hausse des
risques qui caractérise l’année 2022 est très représentative de la
dureté de l’environnement économique et stratégique qui dominera la
décennie. Notre pays sera ainsi exposé à une crise financière majeure au
cours du prochain quinquennat du fait de son surendettement public et
privé. L’heure est donc moins que jamais à cultiver le déni mais à
assumer le courage de la vérité. Elle n’est pas à l’autosatisfaction et
au statu quo mais à la mobilisation pour moderniser radicalement le
modèle français.
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