26/02/2022

Comment enrayer le lobbying d’anciens dirigeants occidentaux au profit de dictatures

Source Courrier International
Après leur mandat, certains élus et chefs d’État occidentaux entament une reconversion inattendue dans le secteur privé, parfois au profit de régimes autoritaires. La revue américaine Foreign Policy décrit un facteur de perte de confiance dans la démocratie et explore les pistes pour y mettre fin.

Au début du mois de février, alors que la tension à la frontière ukrainienne était déjà à son comble, la nouvelle de la nomination de l’ex-chancelier allemand Gerhard Schröder à un poste de direction du groupe énergétique russe Gazprom n’est pas passée inaperçue.

Cette entrée au service d’une firme placée sous le contrôle étroit du Kremlin est “emblématique de la stratégie menée par Moscou pour fragiliser l’unité transatlantique”, note Foreign Policy, dans un article paru quelques jours avant l’offensive russe en Ukraine. Affolée par les choix de carrière de certains anciens chefs d’État, la revue américaine explore les pistes pour contrôler ce mercato recasant les forces vives des démocraties dans le giron des régimes autoritaires.

“Toute espérance que l’éthique ou la honte pourraient à elles seules dissuader les responsables politiques occidentaux de signer des contrats avec des entreprises autoritaires, ainsi que vient de le faire Gerhard Schröder, est morte et enterrée”, pose le titre, s’attardant sur le parcours du sociodémocrate. Depuis plusieurs années, Gerhard Schröder était considéré comme le lobbyiste de l’énergie russe en Allemagne – défendant la construction des gazoducs Nord Stream 1 et 2. Déjà président du conseil d’administration de Rosneft, le premier groupe pétrolier russe, on ne sait pas où s’arrêtera son ascension au sein de Gazprom. Ce qui est sûr, c’est que ses positions pro-Poutine en matière de géopolitique accentuent le malaise de Berlin.

Dans la foulée de l’offensive russe, Gerhard Schröder a critiqué à-demi mot  l’action de Vladimir Poutine tout en demandant aux Européens de ne pas imposer de trop lourdes sanctions à la Russie et en insistant sur les erreurs commises “des deux côtés” dans ce conflit, rapportait le journal allemand Der Spiegel.

“Schröderisation”

Foreign Policy estime que Gerhard Schröder est l’incarnation du détournement d’un dirigeant occidental par un régime autoritaire – forgeant le terme de “schröderisation” –, mais le journal ne peut que constater cette fuite des talents, dans le sillage du leader allemand. L’ancien premier ministre britannique Tony Blair est devenu l’un des principaux conseillers du dictateur kazakh Noursoultan Nazarbaïev. Premier ministre sous le mandat de Nicolas Sarkozy et ancien candidat à l’Élysée, François Fillon est, de son côté, devenu membre du conseil d’administration d’un groupe pétrolier détenu par l’État russe ainsi que d’un géant de la pétrochimie.

La revue américaine s’inquiète aussi de l’ampleur que prend le phénomène aux États-Unis, où d’anciens élus américains en viennent à participer à des entreprises de lobbying pour des firmes de télécommunications chinoises, ou encore pour des oligarques russes faisant l’objet de sanctions internationales. “Autrefois isolés, ces cas sont devenus monnaie courante”, affirme la revue, qui ajoute :

Il est temps que les gouvernements démocratiques du monde entier s’unissent pour empêcher – formellement et légalement – que d’anciens dirigeants ne suivent l’exemple de Schröder et ne deviennent des sbires au service de dictatures et autres cleptocraties.”

Prendre position et légiférer

Le but est donc de mettre en place des barrières légales à ce mouvement, tant il participe à la perte de confiance des populations dans les institutions démocratiques et à leur capacité à faire face aux régimes autoritaires.

Selon le titre, la première étape pour les pays occidentaux consiste à produire une déclaration d’intention” pour adopter des normes en la matière de façon concertée. “Il peut s’agir d’une simple déclaration réclamant que les anciens responsables officiels cessent de se mettre au service de régimes autoritaires et corrompus ou de leurs intermédiaires.”

Le processus législatif pourrait ensuite être lancé. À moyen-long terme, il impliquerait de définir et classifier les régimes autoritaires et leurs “entités liées” – “une tâche délicate”, précise Foreign Policy. Des précédents existent : par exemple, aux États-Unis, le régime de sanctions appliquées aux gouvernements étrangers est régi par une classification élaborée par le Congrès. Surtout, la revue américaine évoque le Foreign Agent Registration Act (Fara) de 1938, qui exigeait que les personnes travaillant en collaboration avec un gouvernement étranger soient recensées par le ministère de la Justice.

Le titre évoque également la possibilité de supprimer les pensions acquises au titre d’ancien élu en cas de collusion avec des intérêts étrangers.

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