L’Insee semble au mieux se tromper, au pire mentir ! Faites l’expérience vous-même : interrogez votre voisin sur l’évolution de son pouvoir d’achat. La réponse sera quasiment systématiquement la même : il baisse ! Affirmer le contraire vous fait immédiatement passer pour un hérétique. Et pourtant, il monte ! Depuis fin 2019, la progression cumulée du pouvoir d’achat a été de 5,7%. Même en intégrant dans le calcul l’évolution du nombre de ménages et de leur composition, on parle alors du pouvoir d’achat par unité de consommation, l’augmentation est toujours là : +3,1%. Il faut revenir sur la formation du pouvoir d’achat pour comprendre où sont les hiatus et où va se situer le défi du prochain gouvernement. Le pouvoir d’achat n’est rien d’autre que le résultat de la confrontation entre le revenu disponible brut des ménages et l’inflation.
L'inflation et la perception du déclin
Principalement concentrée depuis fin 2019 sur les produits alimentaires et énergétiques, la nature même de la hausse des prix a renforcé le sentiment de déclin du niveau de vie, en touchant d’abord les achats effectués au quotidien dont, pour certains, les prix s’affichent bien en vue sur les panneaux aux bords des routes. Il s’agit en outre le plus souvent de dépenses contraintes qui se combinent de plus en plus avec de nouvelles dépenses perçues comme essentielles, telles que le smartphone, l’ordinateur ou l’abonnement à des services numériques. Ces dépenses non vitales sont devenues quasi-inévitables, créant un sentiment de déclassement pour ceux qui en sont privés. La confusion entre pouvoir d’achat et conditions de vie est aussi assez courante ; or, cette dernière renvoie à des enjeux non-monétaires comme l’accès à la propriété ou l’éloignement des centres-villes. Tous ces facteurs, qui échappent aux mesures classiques, pèsent lourdement sur le ressenti des ménages.
La progression des revenus : une réalité mal perçue
Mais tout n'est pas qu’illusion. Inflation d’un côté, revenus des ménages de l’autre. La progression de ces derniers est aussi le fruit d’une confrontation entre, d’un côté, les ressources financières quelles qu’elles soient, c’est la colonne des « plus », et de l’autre, l’ensemble des impôts directs et cotisations sociales, c’est la colonne des « moins ». Côté fiscalité, plusieurs mesures sont venues alléger la barque des ménages : réaménagement du barème de l’IR, suppression de la taxe d’habitation, etc. L’impact a été indéniable mais mal apprécié par les Français qui ne le perçoivent pas (ou à sa juste valeur) comme un gain financier. Côté ressources, une seule ligne pose réellement problème : non pas celle des prestations sociales, dont la grande majorité est indexée sur l’inflation, mais bien celle de la masse salariale versée par les entreprises non-financières.
La baisse des salaires réels, une réalité pour les classes moyennes
Un peu de statistiques : compte tenu de la hausse des prix, la masse des salaires bruts réels versés à l’ensemble des salariés a progressé de 2,6% depuis fin 2019. En face, le nombre de salariés a progressé de près de 7%. Une conclusion s’impose : le salaire réel par tête a diminué de 4%. Ce n’est pas une illusion mais une réalité, notamment pour les classes moyennes. Trop éloignées du Smic, elles ont peu profité de ses différentes revalorisations automatiques. Le problème de pouvoir d’achat d’une partie des salariés du privé est donc lié aux trop faibles revalorisations de leur rémunération, ce qui ne renvoie pas au partage capital/travail mais bien plus au manque de productivité à laquelle la hausse des salaires par tête est étroitement liée. Il ne s’agit pas d’un problème de redistribution générale, mais de productivité, terrain sur lequel la France a perdu énormément de terrain ces dernières années.
Une partie de la population pense avoir perdu, mais elle se trompe. Le recul prévu de l’inflation devrait toutefois calmer les esprits. Mais pour une autre, c’est une réalité, et il ne faudra pas oublier que c’est l’activité et la hausse de la productivité qui font les gains de pouvoir d’achat, pas la redistribution générale des revenus ou l’endettement public. Bref, il ne faudra pas que le futur gouvernement se trompe de combat.
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