30/06/2020

Anniversaire. Indépendance du Congo : 60 ans après, la Belgique face à son passé colonial

Ce 30 juin, la République démocratique du Congo fête les 60 ans de son indépendance. Pour la Belgique, ancienne puissance coloniale, cette histoire, faite de grandes souffrances pour le peuple congolais, est méconnue et polémique. Elle est pourtant indissociable de ce qu’est le pays aujourd’hui, comme le relate la presse belge.
Soixante ans après l’indépendance du Congo – qui fut Congo belge, puis Zaïre et enfin République démocratique du Congo –, c’est peu dire que les Belges connaissent mal cette part déterminante de leur histoire qu’a été la colonisation.

Et pourtant, comme l’a constaté le quotidien Le Soir, il n’y a qu’à arpenter Bruxelles pour constater l’omniprésence de ce passé. Les “grands hommes” de l’aventure coloniale sont partout, des noms de rues ou de places jusqu’aux statues du désormais très polémique roi Léopold II, ou de sanguinaires lieutenants et hommes d’affaires.
Et puis il y a les monuments – les imposantes arcades du Cinquantenaire, les somptueuses serres du palais de Laeken, sans oublier “le ‘palais des Colonies’, devenu le musée royal de l’Afrique centrale” –, qui “témoignent d’une richesse dont nous avons oublié l’origine, comme ces vieilles maisons de famille mille fois rénovées par les générations qui s’y sont succédé en oubliant l’ancêtre fondateur”, écrit Colette Braeckman, la spécialiste Afrique du quotidien, dans un long dossier qu’elle consacre à “cette histoire douloureuse”, sous la forme d’une promenade dans la capitale belge. Une histoire qui a contribué à la richesse du pays, mais aussi à celles de nombreuses familles, raconte la journaliste :
Les traces de l’argent qui coulait naguère du Congo comme d’une veine ouverte, nous en avons soudain découvert partout, dans la capitale et dans le pays.”

Un bilan impossible à établir

C’est seul, en son nom propre, que le roi Léopold II s’est lancé dans l’aventure coloniale, rappelle Le Soir. Pour son profit personnel, mais surtout avec “le rêve fou” d’“embellir la Belgique et d’abord Bruxelles, permettre à cette ville marchande moquée par Baudelaire de rivaliser avec les grandes capitales européennes”.
Le roi obtient la souveraineté sur le Congo en 1885 auprès de la Conférence de Berlin, en se fondant sur les arguments de lutte contre l’esclavage et de liberté du commerce – deux engagements qui “ne seront jamais tenus”. Il instaure l’État indépendant du Congo dont il organise l’exploitation des matières premières : ivoire, caoutchouc, minerais et, par la suite, des produits agricoles.
L’invention du pneu, notamment, fait exploser la demande de caoutchouc, une ressource naturelle du Congo. Et pour l’obtenir, tous les moyens sont bons, d’autant qu’“à des années-lumière de Bruxelles et de Londres, loin des regards et des contrôles, […] les agents de l’État indépendant du Congo évoluent dans une impunité presque totale”. La main-d’œuvre est forcée à travailler, peu payée et souvent en nature, et les exactions sont monnaie courante.
À Bruxelles, relate Le Soir, on trouve aujourd’hui la rue Camille Coquilhat, officier et vice-gouverneur au Congo, “qui accepta de goûter à la chair humaine ainsi qu’il le raconte dans ses mémoires”, ou encore la statue du lieutenant général Storms qui “entre en conflit avec [un] sultan local et, pour décourager toute révolte, fait trancher les têtes des vaincus et les pose sur une palissade”. L’une d’entre elle se trouve toujours au musée d’histoire naturelle de Bruxelles.
En 1908, peu avant sa mort, Léopold II a cédé sa colonie – où, dit-on, il n’a jamais mis les pieds – à l’État belge, qui maintiendra un système fondé sur l’inégalité raciale et l’exploitation par des entreprises privées. S’il est impossible d’établir un bilan de cette période, faute de recensement, on estime qu’entre 1880 et 1920, la population a chuté, perdant entre 5 et 10 millions d’individus, voire plus, à cause de l’exploitation, des exactions, mais aussi des maladies et de la baisse de la natalité. Le “Congo belge” parviendra à l’indépendance en 1960.

Un héritage toujours visible, à Bruxelles comme à Kinshasa

Ces dernières semaines en Belgique, explique De Standaard, “le mouvement Black Lives Matter s’est traduit par un combat contre le racisme structurel et le ‘blanchissement’ du passé colonial.”
Après la mort de George Floyd aux États-Unis, un jeune Belgo-Congolais de 14 ans a lancé une pétition pour que soient retirées les statues de Léopold II de Bruxelles – elle atteint aujourd’hui les 80 000 signatures. Plus de 10 000 personnes se sont réunies le 7 juin sous la bannière du mouvement Black Lives Matter, et de nombreuses statues de Léopold II ont été vandalisées. Des voix se lèvent pour demander que la Belgique présente ses excuses officielles, et une commission doit être instituée à la Chambre pour examiner cette époque.
À l’approche du soixantième anniversaire de l’indépendance congolaise, la presse a adopté une focale large. Elle a brossé des retours nuancés sur l’histoire qui lie les deux pays, a recueilli les témoignages de la jeune génération de Belgo-Congolais mais aussi d’anciens colons. Les journaux abordent également le contexte peu reluisant de l’accession du Congo à l’indépendance, et l’implication de Bruxelles dans la mort de Patrice Lumumba, premier Premier ministre congolais, comme dans l’(éphémère) sécession de la riche région minière du Katanga.
Car, ainsi que le rappelle De Tijd, “l’indépendance du Congo a été préparée à Bruxelles, en fonction des intérêts économiques”. De son côté, “la Belgique n’a pas pâti économiquement de la perte du Congo, car le développement, au même moment, du marché commun européen a compensé”, explique encore le journal financier flamand.
C’est pourquoi l’opinion publique ne s’est pas, ou peu, rendue compte du chaos que la Belgique laissait derrière elle au Congo, et qui a laissé libre cours à des kleptocrates tels que Mobutu, Kabila et leurs successeurs, qui risquent bien de rafler la mise, si la Belgique devait payer des réparations.”


Source Courrier International 

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