11/09/2019

La France a les finances publiques les plus mal tenues de toute la zone euro

Déficit, dépense, impôt, pourquoi nous décrochons partout le pompon.
Quand je me regarde je me désole, quand je me compare je me console. Longtemps les Français s’en sont remis à ce viatique pour surmonter leur pessimisme congénital. Il n’est hélas plus valide. Pour s’en tenir aux finances publiques, tellement vitales dans notre pays qui attend tout de l’État, la comparaison est devenue désespérante.

Le Fonds monétaire international (FMI) a récemment publié une série de tableaux d’une grande clarté. Ils permettent de recadrer utilement les débats, alors qu’on s’apprête à présenter le 25 septembre le projet de loi de finances 2020. Car cet exercice rituel est toujours pénible pour l’esprit tant les gouvernements cherchent alors à dorer la pilule encore plus que de coutume. Pour la troisième année consécutive du quinquennat Macron, Bercy va donc nous présenter «un budget pour le pouvoir d’achat»
Cette ritournelle est un leurre de gros calibre. Que ce soit le déficit, le niveau des impôts ou celui des dépenses publiques, la France affiche en 2019 les chiffres les plus élevés au sein des dix-neuf pays de la zone euros, nous dit le FMI. Avec un déficit prévu de 3,2 %, en pourcentage de son PIB, le déséquilibre français est le plus profond, devant l’Italie (2,7 %), qui vient en second, et très au-dessus de la moyenne de la zone euro (1 % du PIB).
L’Hexagone est le champion de la dépense publique qui accapare 55,6 % du PIB, devant la Finlande (52,1 %), et une moyenne zone euro de 46,9 %. Troisième volet du triptyque, les recettes publiques (État, comptes sociaux et collectivités locales) représentent 52,4 % du PIB chez nous, contre 51,8 % en Finlande, et une moyenne européenne de 45,9 %. On notera que le FMI prend en compte l’ensemble des recettes et pas seulement les prélèvements obligatoires (impôts et cotisations) qui en constituent les quatre cinquièmes.
C’est parce que la France a des dépenses élevées qu’il lui faut lever des recettes fiscales massives, et comme la population rechigne, il est difficile de colmater les brèches.
Cette esquisse rapide est cohérente: c’est parce que la France a des dépenses élevées qu’il lui faut lever des recettes fiscales massives, et comme la population rechigne, il est difficile de colmater les brèches. Or la situation est en réalité bien plus dégradée encore comparée à nos voisins si l’on considère «l’équilibre primaire des comptes». Ce concept en apparence abscons est très simple: il consiste à faire abstraction de la charge annuelle de la dette publique. La France enregistre ainsi un «déficit primaire» de 1,7 % de son PIB et elle est le seul État dans ce cas avec la Finlande (- 0,3 %). Tous les autres, y compris la Grèce et l’Italie, affichent des excédents primaires!
Le solde primaire des finances publiques est à vrai dire l’indicateur le plus pertinent pour juger de l’état actuel des comptes, car précisément il n’est pas «pollué» par la charge de la dette qui en tant que telle reflète le passé. «L’Histoire est un cauchemar dont j’essaie de m’éveiller» selon la formule célèbre qui vaut pour l’Italie et la Grèce durablement handicapées par leurs déséquilibres des décennies antérieures. Si l’on s’en tient au présent, les finances italiennes et grecques sont en revanche infiniment mieux contrôlées que les françaises.
La douce France jouit en outre d’un traitement de faveur exorbitant de la part de ses créanciers. Alors qu’elle a les finances les plus dégradées des pays du Sud, elle est rangée avec les pays du Nord qui bénéficient depuis quelques semaines de taux d’intérêt négatifs sur les obligations d’État à 10 ans. Pourquoi cette discordance?
Il faut reconnaître que les Français sont des malins. Et cela depuis le baptême de Clovis (au Ve siècle), premier roi «barbare» à s’être fait baptiser, ce qui lui valut le titre de «de fils aîné de l’Église». Ses successeurs de la royauté s’en sont ensuite prévalus et l’expression a muté en «France, fille aînée de l’Église» au XIXe siècle. De même, la France est considérée aujourd’hui comme «la fille aînée de la zone euro», le pays le plus important à s’être rallié à l’Allemagne et au deutsche mark, le seul État qui entraînerait la disparition de l’euro s’il devait faire sécession.
On pardonne tout à l’enfant prodigue français qui parvient même à se faire passer pour « homme fort de l’Europe » dans ses moments de fulgurance
Nous tirons des dividendes extraordinaires de cette configuration géopolitique au sein de l’Europe. Alors que la France a été soumise constamment, entre 2009 et 2018, à la «procédure de déficit excessif», comme on dit dans le jargon bruxellois, elle s’en est toujours sortie sans encombres, contrairement à l’Italie, au Portugal et la Grèce. «Parce que c’est la France», a l’habitude de répondre avec un haussement des épaules ironique Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne, quand on l’interroge sur le sujet.
Notre endettement public (99,2 % du PIB) est équidistant de la dette italienne (133,4 %) et de celle de l’Allemagne (56,9 %) selon le FMI. Or le Trésor français peut emprunter à des taux voisins de son homologue allemand. S’il lui fallait s’endetter aux conditions de l’Italie, la charge de la dette serait non pas de l’ordre de 40 milliards d’euros en 2019, mais plus du double. Grâce à quoi Emmanuel Macron a pu ouvrir en grand les vannes dans la panique qui a suivi les «gilets jaunes» (11 milliards d’euros en décembre) et après le grand débat (5 milliards en avril). Les marchés financiers ont fermé les yeux. On pardonne tout à l’enfant prodigue français qui parvient même à se faire passer pour «homme fort de l’Europe» dans ses moments de fulgurance.
Les seuls qui pourraient la trouver saumâtre sont les épargnants français soumis au pain sec des taux d’intérêt négatifs. Ils constituent la clé de voûte de cet édifice surréaliste digne de Salvador Dali. «Il faut comprendre qu’il s’agit d’un vrai impôt qui est levé sur les épargnants en titres du secteur public», analyse Patrick Artus, le chef économiste de Natixis. «Pourvu que ça dure», comme disait Letizia Bonaparte, dont le fils vécut plusieurs années au Palais de l’Élysée.

Source: Figaro 9/9/2019

Plus: Tout sur la loi de finances 2020 

1 commentaire:

  1. on oublie toujours de regarder l'autre coté du décors, l'épargne de nos concitoyens, bien que de plus en plus mal rémunérée, est toujours largement supérieure au déficit de l'état.
    cela veut dire que notre état pêche d'un coté par excédent de dépense (sociale pour la part qui s'écarte le plus de la moyenne européenne), de l'autre par faiblesse dans la perception de l'impôt qui devrait couvrir cette dépense au fil de l'eau.
    cela dure depuis 40 ans et le dernier avatar du procédé a été la suppression de l'isf ...votée en même temps de fait que la désignation de notre président.
    en conclusion nos créanciers (nous mêmes pour l'essentiel) ne s'inquiètent pas trop, ils ont besoin d'actifs sûrs et ceux ci ne courent pas les rues en ces temps troublés.

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