12/11/2023

Comment répondre aux attentes des actionnaires ?

Récem­ment inter­rogés par le départe­ment de con­seil en stratégie d’An­der­sen sur les attentes des marchés financiers, plus de la moitié des prési­dents d’en­tre­pris­es représen­ta­tives du SBF250 reconnaissent avoir fait évoluer leur stratégie à moyen terme et long terme pour mieux répon­dre aux attentes des investis­seurs et de leurs action­naires. Encore plus sig­ni­fi­catif : plus des deux tiers ont déclaré accroître sub­stantielle­ment leurs efforts de com­mu­ni­ca­tion financière.

Ain­si, l’en­jeu de la ges­tion par la créa­tion de valeur est de réc­on­cili­er con­duite interne des opéra­tions et sat­is­fac­tion des action­naires (matéri­al­isée in fine par les div­i­den­des reçus et la promesse de plus-values).

Pour s’en­gager face aux marchés financiers sur sa stratégie et sa per­for­mance à court, moyen et long terme, l’en­tre­prise doit donc s’ap­puy­er sur deux démarch­es étroite­ment liées :

  • la mise en place d’un sys­tème de pilotage par la valeur, décli­nant la stratégie en leviers d’ac­tions puis indi­ca­teurs clés de performance ;
  • la ges­tion active de la rela­tion avec les marchés financiers, qui ne peut plus aujour­d’hui se lim­iter à la com­mu­ni­ca­tion finan­cière traditionnelle.

Le pilotage des performances par la valeur

Le pilotage des per­for­mances par la valeur n’est pas un sim­ple out­il de mesure des résul­tats. Il s’ag­it d’un proces­sus majeur intégrant :

  • la déf­i­ni­tion et la com­mu­ni­ca­tion de la stratégie aux équipes ;
     
  • la for­mal­i­sa­tion d’une organ­i­sa­tion et d’un mod­èle de man­age­ment, per­me­t­tant de définir le découpage de l’en­tre­prise en unités de man­age­ment, les rôles et respon­s­abil­ités de cha­cun, les grands proces­sus de décision ;
     
  • la déf­i­ni­tion d’indi­ca­teurs clés de per­for­mance : il s’ag­it de déclin­er les objec­tifs stratégiques en leviers d’ac­tions, eux-mêmes asso­ciés à des indi­ca­teurs. Ceux-ci sont des mesures dites de résul­tats (“ ai-je atteint mon objec­tif ? ”), ou de moyens (“ com­ment vais-je attein­dre mon objec­tif ? ”). Une dérive des indi­ca­teurs de moyens per­met, en général, d’an­ticiper une dérive des indi­ca­teurs de résul­tats. Bien enten­du, un sys­tème d’indi­ca­teurs répon­dant aux exi­gences de créa­tion de valeur s’ar­tic­ule autour de plusieurs dimen­sions : l’axe financier mais égale­ment les axes ” Hommes et Tal­ents “, ” Proces­sus ” et ” Clients “. Les sys­tèmes de pilotage les plus sat­is­faisants sont ceux qui équili­brent, pour chaque unité de man­age­ment, ces dif­férentes dimen­sions en fonc­tion des mis­sions et respon­s­abil­ités du niveau considéré ;
     
  • la plan­i­fi­ca­tion et l’al­lo­ca­tion des ressources con­sis­tent à inté­gr­er les ini­tia­tives stratégiques, les plans financiers et les plans d’ac­tions opéra­tionnels, à fix­er les objec­tifs à moyen et à court terme et à allouer les ressources (finan­cières, humaines, con­nais­sance…) entre les dif­férentes unités man­agéri­ales, les pro­jets et ini­tia­tives. La déf­i­ni­tion et le suivi d’indi­ca­teurs clés de per­for­mance, en fonc­tion de la stratégie de l’en­tre­prise et de sa décli­nai­son en leviers de créa­tion de valeur, con­tribuent à sim­pli­fi­er la com­posante ” admin­is­tra­tive ” de ce proces­sus, en focal­isant les éner­gies sur ce qui importe réellement ;
     
  • l’é­val­u­a­tion et le con­trôle des per­for­mances, à l’aune des indi­ca­teurs défi­nis, per­me­t­tent le lance­ment anticipé d’ac­tions cor­rec­tri­ces, ou la remise en cause des direc­tions choisies avant même la dégra­da­tion des résul­tats financiers ;
     
  • la ges­tion des car­rières, des rémunéra­tions, le coach­ing des équipes doivent aus­si s’in­scrire dans cette logique : en la matière, les entre­pris­es les plus avancées ont mis en place un sys­tème de bonus pluri­an­nuels s’ap­puyant sur un indi­ca­teur de créa­tion de valeur, éventuelle­ment com­plété par un ou deux indi­ca­teurs clés de per­for­mance spé­ci­fiques à l’en­tité considérée.


L’en­jeu d’un sys­tème de pilotage par la valeur est de met­tre en cohérence ces dif­férentes activ­ités trop sou­vent dis­tinctes, voire antagonistes.

L’in­tro­duc­tion d’un indi­ca­teur syn­thé­tique de créa­tion de valeur, partagé par tous les niveaux de l’en­tre­prise, aide à cimenter le dis­posi­tif. Tous les indi­ca­teurs ” en vogue ” reposent sur le même fonde­ment : créer de la valeur, c’est pro­duire un résul­tat opéra­tionnel supérieur au coût du cap­i­tal employé pour génér­er ce résul­tat (c’est-à-dire l’ap­pareil pro­duc­tif mais aus­si les créances clients, les dettes four­nisseurs et les stocks). Un indi­ca­teur de ce type per­met d’in­té­gr­er dans une même logique des niveaux qui mesuraient aupar­a­vant leur per­for­mance à l’aune d’indi­ca­teurs hétérogènes.

Met­tre en place une telle démarche ne peut se faire sans l’im­pli­ca­tion de tous les niveaux de l’en­tre­prise. Oui, il s’ag­it de sat­is­faire les action­naires. Mais il s’ag­it aus­si d’aider les respon­s­ables opéra­tionnels à pilot­er leur entité. Ain­si, la direc­tion générale pour­ra-t-elle définir indi­ca­teurs financiers (logique action­nar­i­ale) et stratégiques (logique de grands pro­jets). Elle doit cepen­dant se garder de définir elle-même les indi­ca­teurs opéra­tionnels des unités, sauf à assumer un inter­ven­tion­nisme fort dans la con­duite des opérations.

Pilot­er les per­for­mances par la valeur con­tribue donc à tous les niveaux de l’entreprise :

  • à la mise en œuvre de la stratégie de façon cohérente par l’ensem­ble des équipes,
  • à l’amélio­ra­tion de la capac­ité d’an­tic­i­pa­tion et de prise de déci­sions stratégiques ou tactiques,
  • à la cohérence entre les objec­tifs fixés aux équipes par le man­age­ment, et ceux com­mu­niqués aux action­naires et aux marchés financiers.

Un nouvel art : la communication financière

En matière de com­mu­ni­ca­tion finan­cière, ” le vent vient de l’Ouest ” : la dic­tature du ” quar­ter­ly result ” à l’améri­caine s’est rapi­de­ment imposée. La per­for­mance réal­isée, fonde­ment de la dis­tri­b­u­tion des div­i­den­des, est aujour­d’hui dev­enue un pro­duit qu’un prési­dent livre à ses clients, les action­naires. Si la livrai­son n’est pas bonne, le client-action­naire mécon­tent s’en va, le cours baisse et le prési­dent change.

Délivr­er une infor­ma­tion chiffrée détail­lée sur la per­for­mance réal­isée est devenu une pra­tique courante. En la matière, la gour­man­dise des ana­lystes est sans lim­ite. Les entre­pris­es com­mu­niquent donc de façon tou­jours plus pré­cise et trans­par­ente sur leur per­for­mance. Général­i­sa­tion des indi­ca­teurs de créa­tion de valeur, seg­men­ta­tion de l’in­for­ma­tion par méti­er, pub­li­ca­tion d’indi­ca­teurs opéra­tionnels sont autant d’ex­em­ples. Mais atten­tion, la com­mu­ni­ca­tion finan­cière trimestrielle doit être maîtrisée si l’on veut éviter que son titre soit chahuté : les mod­èles des ana­lystes et des investis­seurs insti­tu­tion­nels con­sis­tant, peu ou prou, à cap­i­talis­er les résul­tats annon­cés, ampli­fient les vari­a­tions de per­for­mance d’un trimestre sur l’autre. La pub­li­ca­tion trimestrielle devient un art… pra­tiqué toute­fois sous le con­trôle des autorités de place et des auditeurs.

Au-delà de l’in­for­ma­tion chiffrée sur la per­for­mance réal­isée, la com­mu­ni­ca­tion finan­cière de cer­taines entre­pris­es ouvre aujour­d’hui des per­spec­tives sur le développe­ment et les per­for­mances à venir

.Il s’ag­it donc maintenant :

  • d’ex­pliciter la stratégie de l’en­tre­prise, son posi­tion­nement con­cur­ren­tiel et de marché au sein d’un secteur d’ap­par­te­nance. En effet, com­bi­en de prési­dents ont été mis à mal lorsqu’on leur demandait d’ex­pli­quer les métiers de leur groupe, de com­par­er leur per­for­mance à celles de ” purs ” con­cur­rents (la mul­ti­pli­ca­tion des fonds indi­ciels n’ayant fait que ren­forcer la pra­tique déjà courante du ” bench­mark ”), ou encore de pré­cis­er leur stratégie de crois­sance externe ?
     
  • en phase avec cette stratégie, de com­mu­ni­quer des engage­ments clairs, chiffrés et assor­tis d’une échéance tem­porelle, tout en restant pru­dent et flex­i­ble pour lim­iter la désor­mais sévère sanc­tion en cas de ” prof­it warn­ing “. Réal­isée par le départe­ment de con­seil en stratégie d’An­der­sen, une étude récente de la com­mu­ni­ca­tion finan­cière de quar­ante groupes européens mon­tre que plus des trois quarts s’en­ga­gent sur des objec­tifs à plus d’un an devant les marchés. Le nom­bre de ” cham­pi­ons de la créa­tion de valeur ” devenus ” dieux déchus en bourse ” (Cis­co, Daim­ler Chrysler, Lucent…) incite toute­fois à la mod­éra­tion. Dans les secteurs des télé­com­mu­ni­ca­tions et des nou­velles tech­nolo­gies, la crise des marchés bour­siers a provo­qué de nom­breuses réori­en­ta­tions de la com­mu­ni­ca­tion finan­cière des entre­pris­es : réor­gan­i­sa­tions et réduc­tions des coûts ont vite été décidées et communiquées.


En matière de com­mu­ni­ca­tion finan­cière, la leçon est donc claire : il s’ag­it d’être irréprochable, pré­cis et trans­par­ent sur ce que l’en­tre­prise a fait ; il faut être ambitieux sur ce qu’elle va faire, don­ner chair aux objec­tifs avec des chiffres, et être adroit pour con­serv­er sa marge de manœuvre.

Actionnaires et marchés financiers

Mais, au-delà d’une meilleure com­mu­ni­ca­tion et d’en­gage­ments plus mar­qués, c’est toute la rela­tion avec l’ac­tion­naire et les marchés financiers qu’il s’ag­it de repenser. Si l’en­tre­prise con­naît de mieux en mieux ses clients, elle ne peut pas en dire autant de ses action­naires. Au-delà de la sim­ple recon­nais­sance, por­teurs indi­vidu­els, investis­seurs insti­tu­tion­nels et ana­lystes financiers doivent être attirés par du con­tenu (mise à dis­po­si­tion rapi­de et fréquente d’une infor­ma­tion riche et trans­par­ente), puis inter­a­gir avec l’en­tre­prise et entre eux. L’en­jeu est de con­stru­ire une véri­ta­ble com­mu­nauté autour de l’en­tre­prise, lui per­me­t­tant de tou­jours mieux con­naître les acteurs des marchés financiers, de mieux répon­dre à leurs attentes, et de les fidéliser.

Action­naires, investis­seurs et ana­lystes con­stituent une nou­velle forme de clients. Pour les sat­is­faire, on peut s’ap­puy­er sur les tech­niques de ges­tion de la rela­tion client.

Déjà, cer­taines entre­pris­es indus­trielles ont mon­tré la voie en délivrant de l’in­for­ma­tion en quan­tité et qual­ité sur leur site Inter­net, en répon­dant aux ques­tions des action­naires et investis­seurs en temps réel, en créant un club action­naires, en organ­isant des vis­ites d’usines ou des séances de for­ma­tion à la Bourse… Le développe­ment des tech­nolo­gies de l’in­for­ma­tion et de la com­mu­ni­ca­tion autorise un nou­veau mode de ” rela­tion indi­vidu­elle de masse “.

Ces out­ils peu­vent soutenir une véri­ta­ble stratégie de com­mu­ni­ca­tion finan­cière et de rela­tion avec l’in­vestis­seur, instru­ment pré­cieux d’at­trac­tion, de con­nais­sance et de fidéli­sa­tion de l’ac­tion­naire. Et dans le paysage économique actuel et futur, c’est une source d’a­van­tage con­cur­ren­tiel certain.

Source: www.lajauneetlarouge.com en 2001

Mais résister aux actionnaires est aussi  un must.  Lire...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Ce blog est ouvert à la contradiction par la voie de commentaires. Je tiens ce blog depuis fin 2005; je n'ai aucune ambition ni politique ni de notoriété. C'est mon travail de retraité pour la collectivité. Tout lecteur peut commenter sous email google valide. Tout peut être écrit mais dans le respect de la liberté de penser de chacun et la courtoisie.
- Je modère tous les commentaires pour éviter le spam et d'autres entrées malheureuses possibles.
- Cela peut prendre un certain temps avant que votre commentaire n'apparaisse, surtout si je suis en déplacement.
- Je n'autorise pas les attaques personnelles. Je considère cependant que ces attaques sont différentes des attaques contre des idées soutenues par des personnes. Si vous souhaitez attaquer des idées, c'est bien, mais vous devez alors fournir des arguments et vous engager dans la discussion.
- Je n'autorise pas les commentaires susceptibles d'être diffamatoires (au mieux que je puisse juger car je ne suis pas juriste) ou qui utilisent un langage excessif qui n'est pas nécessaire pour l'argumentation présentée.
- Veuillez ne pas publier de liens vers des publicités - le commentaire sera simplement supprimé.
- Je suis pour la liberté d'expression, mais il faut être pertinent. La pertinence est mesurée par la façon dont le commentaire s'apparente au sujet du billet auquel le commentaire s'adresse. Si vous voulez juste parler de quelque chose, créez votre propre blog. Mais puisqu'il s'agit de mon blog, je vous invite à partager mon point de vue ou à rebondir sur les points de vue enregistrés par d'autres commentaires. Pour ou contre c'est bien.
- Je considère aussi que la liberté d'expression porte la responsabilité d'être le propriétaire de cette parole.

J'ai noté que ceux qui tombent dans les attaques personnelles (que je supprime) le font de manière anonyme... Ensuite, ils ont l'audace de suggérer que j'exerce la censure.