01/01/2023

Regardez "CRISE CLIMATIQUE ET ÉNERGÉTIQUE : REGARDER LA VÉRITÉ EN FACE - Jean-Baptiste Fressoz" sur YouTube

 Jean-Baptiste FRESSOZ est historien des sciences, des techniques et de l'environnement, ainsi que chercheur au CNRS. Il s'intéresse particulièrement à la question de la transition énergétique, qui selon lui est largement mystifiée, et empêche de comprendre le bourbier dans lequel nous sommes plongés avec la crise environnementale. En juin 2022, la France souffrait d'une canicule hors du commun, et très précoce. Dans le même temps, le dernier rapport du GIEC nous alertait sérieusement sur la catastrophe à venir. Plus que jamais nous ressentons la menace d'un effondrement imminent de ce système fondé sur la croissance et l’abondance. Peut-on encore s'en sortir? C'est ce que l'on va voir, dans cet entretien par Olivier Berruyer pour Élucid.
 
Retrouver les graphiques de l'entretien.
 
et cet Article de Jean-Baptiste Fressoz sur le Monde
 
"La complexité des chaînes de valeur de la production d’énergie – y compris nucléaire – rend inopérante l’idée d’une « indépendance » énergétique, observe l’historien Jean-Baptiste Fressoz dans sa chronique. Le 14 décembre 2022.

« Commission d’enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France » : tel est l’intitulé de l’enquête parlementaire menée par le député du parti Les Républicains Raphaël Schellenberger. Les délestages éventuels n’ont pas encore eu lieu que l’on sent déjà la volonté de trouver des responsables, et même, chez certains, la volonté d’en découdre. C’est très net dans l’audition d’Yves Bréchet, ancien haut-commissaire à l’énergie atomique. Pour lui, la crise que traverse le système électrique ne serait pas, contrairement au diagnostic des experts, une simple affaire de corrosion sous contrainte difficile à anticiper, mais le signe d’un mal infiniment plus profond : la nullité scientifique de nos politiques.

La crise actuelle fournit l’occasion idéale de raviver la nostalgie des années 1970 et de l’atome triomphant, le plan Messmer et l’époque bénie où l’on construisait un réacteur en cinq ans et 58 réacteurs en vingt-cinq ans… L’occasion aussi de dénoncer la pusillanimité des politiques après Tchernobyl et Fukushima, voire leur « trahison » avec l’abandon de Superphénix et d’Astrid ! Car faute de réacteur à neutron rapide, explique M. Bréchet, « le nucléaire est condamné à mourir étouffé sous ses déchets ». Ce qui interroge en effet sur la viabilité de la filière…

Mais plus que ces diatribes atomiques, un des intérêts des auditions est que beaucoup d’experts ont répondu posément à la question pour le moins étrange des parlementaires sur une supposée « perte de souveraineté énergétique de la France ». Patrick Pouyanné, PDG de Total, a rappelé que 63 % de l’énergie consommée en France provient du gaz et du pétrole. Le cofondateur de Carbone 4, Jean-Marc Jancovici, fit remarquer que la France avait perdu son indépendance énergétique… à l’époque de Germinal : la France importait en effet environ un tiers de son charbon d'Angleterre j'en sais quelque chose ndlr. L’économiste Jacques Percebois nota « qu’on peut être dépendant sans être vulnérable, et indépendant tout en l’étant ». Les systèmes énergétiques reposent sur une telle diversité de matières et de technologies que garantir une forme de souveraineté implique beaucoup de dépendances et une présence industrielle dispersée dans d’immenses chaînes de valeur.

Le nucléaire avec l’aide américaine

Concernant le nucléaire, si volontiers associé à l’indépendance nationale, l’historien Yves Bouvier a rappelé que le parc avait été construit sous licence de l’américain Westinghouse : en échange de royalties, les ingénieurs français partaient se former aux Etats-Unis et les progrès industriels étaient étroitement surveillés par les Américains. L’ancien PDG d’EDF, Pierre Gadonneix, a insisté sur le rôle de l’imitation, et non de l’innovation, pour expliquer le succès du programme électronucléaire français. La clé : reprendre à l’identique, « boulon pour boulon », a-t-il dit, le modèle éprouvé de Westinghouse.

Dans son témoignage, Bernard Fontana a rappelé que le nom de l’entreprise qu’il dirige, Framatome, venait de ce mariage à trois entre la France, l’Amérique et l’atome. Son explication du déclin du parc nucléaire français était claire : faute de nouveaux réacteurs à construire (il y a vingt ans, le problème était la surproduction électrique), on a réduit les capacités industrielles, d’où une pyramide des âges déséquilibrée dans l’entreprise et une perte de compétences. Et cela au moment même où les exigences de sûreté se renforçaient et que le progrès des instruments de contrôle permettait de détecter des défauts dans les soudures ou dans les tubes, qui étaient indécelables auparavant !

Pour les experts de l’énergie, la souveraineté n’est que partielle, elle repose sur l’imitation, la coopération internationale et un travail de longue haleine d’investissements, de recrutements, de ressources humaines, bref sur ce qui permet de construire une base industrielle solide. On est très loin des discours enflammés sur l’innovation, l’atome et l’indépendance énergétique de la France, des propos de café du commerce – ou de buvette de l’Assemblée.

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