20/11/2022

Giuliano da Empoli et Jean-François Colosimo: «Jusqu’où ira Vladimir Poutine?»

lefigaro.fr par Alexandre Devecchio et Raphaël Pinault
 
GRAND ENTRETIEN - Mardi 8 novembre, le politologue et écrivain, auteur du Mage du Kremlin, grand prix du roman de l’Académie française, et l’historien et théologien, auteur de La Crucifixion de l’Ukraine, ont débattu longuement devant les lecteurs du Figaro de la personnalité du président russe, essayant de comprendre les mécanismes du poutinisme sans pour autant justifier sa politique de terreur.

LE FIGARO.- «Les Russes avaient grandi dans une patrie et se retrouvaient soudain dans un supermarché.», écrivez-vous dans le Mage du Kremlin. Pour comprendre la guerre en Ukraine, il faut se souvenir du marasme économique et politique russe après la chute du mur de Berlin?

Giuliano DA EMPOLI.- D’une certaine façon je pense que oui, nous avons en tant que vainqueurs manqué de curiosité à l’égard du perdant, et nous nous sommes aveuglés sur ce qui se passait. Il y a eu au cours des années 90 en Russie une sorte de cataclysme politique, culturel et économique. Pendant cette période, toutes les valeurs qui prévalaient, même s’il s’agissait de valeurs hypocrites, se sont effondrées. Ces valeurs étaient liées au système soviétique et correspondaient à une sorte de «rêve soviétique» qui s’est lui-même effondré. Ce rêve nous ne l’avons pas vu car il était modeste, par rapport au «rêve américain»: il s’agissait par exemple d’accéder à une petite carrière d’employé d’État, ce qui impliquait un certain train de vie, lequel supposait l’achat d’une voiture, ou quelques semaines de vacances au bord de la mer Noire. Tout ce système s’est écroulé d’un jour à l’autre et a laissé la place au cours des années 90 à une sorte de Disneyland pour hommes munis de Kalachnikovs. Il s’agissait en quelque sorte d’un régime d’expérimentation démocratique radicale, régime qui reposait en même temps sur un capitalisme sauvage. Cela s’est terminé à la fin des années 90 avec la faillite de l’État russe, qui était incapable de payer les retraites et les salaires, avec l’effondrement du rouble et de la Bourse de Moscou et, par la même occasion, du rayonnement international de ce régime. L’Union Soviétique était tout de même quelque chose au nom duquel on avait pu justifier, au cours des années précédentes, de grands sacrifices. Les Russes et les citoyens soviétiques en général entendaient qu’en effet leur vie était difficile, mais que celle-ci trouvait une justification. Ils entendaient qu’ils bâtissaient quelque chose, et qu’ils inspiraient le respect dans le monde, mais cela s’est terminé à la fin des années 90.

Outre les aspects politiques et économiques, sans doute y a-t-il une fierté qui a disparu à ce moment-là?

GDE.- Nous ne pouvons dire que cette fierté a disparu, mais elle a certainement été mise à rude épreuve pendant les années 90. À ce titre, il y a une scène parmi d’autres dans mon livre, une scène de mon point de vue effarante qui touche à ce sujet. En l’occurrence, il y a cette conférence de presse qui se déroule à New York, avec une réponse un peu malencontreuse d’Eltsine en face de Clinton. À la suite de cette réponse malheureuse du Président russe, son homologue américain Bill Clinton éclate de rire, et peine à s’arrêter. Il s’agissait d’une rencontre aux sommets, qui réunissait en principe les chefs des deux superpuissances militaires de la planète. Or l’un de ces deux chefs d’État ne parvenait à contenir son hilarité en présence de l’autre, et je rapporte cette anecdote dans mon livre. J’ai cherché à raconter cela du point de vue de ceux qui ont fait l’expérience de cette époque, de même que celle des années qui ont suivi. Mais porter un regard ou raconter cette époque ne suppose en rien une justification, car il ne s’agit en rien de justifier ce qui se passe à l’heure actuelle en Ukraine. Cela explique malgré tout selon moi, dès la fin des années 90, le surgissement d’un personnage qui se détache des normes du jeu démocratique, dont le pouvoir assume dès le début un caractère mythique bien plus que démocratique. Ce personnage s’appelle Vladimir Poutine. Permettez-moi un détour pour évoquer une série russe des années 70, série commanditée par Andropov pour redorer le blason du KGB. Cette série appelée Dix-Sept Moments de printemps mettait en scène un espion nommé Stierlitz, le héros, qui rappelait James Bond. Il se trouve qu’en 1999, en vue des élections présidentielles russes, le principal hebdomadaire du pays fait une couverture avec ce Stierlitz, intitulée «Président 2000», sur la base d’un sondage qui faisait de lui le candidat idéal pour accéder à la fonction présidentielle. Déçus par le jeu démocratique, les Russes étaient prêts à plébisciter une figure d’autorité, un espion sorti tout droit de l’imagination des propagandistes du KGB. De façon étrange, cet espion ressemble, même physiquement, à Vladimir Poutine, que les Russes ne connaissaient pas encore, mais qu’ils allaient élire à la présidence quelques mois plus tard. Et celui-ci va dès le départ incarner la figure du chef d’État à même de restaurer la puissance russe, et la puissance soviétique.

La Russie éprouve la crainte perpétuelle de l’agonie car elle a failli se faire balayer à sa naissance par les grandes puissances de l’époque

Jean-François Colosimo

Jean-François COLOSIMO.- Le roman de Giuliano Da Empoli est extraordinaire de véracité et, d’une certaine façon, c’est un roman russe au sens où il rappelle l’aventure des Démons. Pour illustrer la dérive de son temps, Dostoïevski imagine comment les membres d’une secte nihiliste en viennent à commettre un meurtre afin que le sang versé gratuitement cimente leur fraternité criminelle. Une fois le livre achevé, il découvre dans la presse que l’histoire qu’il a inventée s’est en fait réalisée. Giuliano Da Empoli montre à son tour que la vérité romanesque l’emporte sur la vraisemblance journalistique, qu’elle dit ce que la relation brute des faits ne peut exprimer, qu’elle précède les événements et les éclaire.

Qu’est-il arrivé à la Russie? Il faut d’abord noter que le cœur de l’Empire tsariste a vécu de 1917 à 1991 ce qu’aucun pays satellite de l’Est n’a connu de 1945 à 1989. C’est-à-dire un cratère abyssal qui, engloutissant trois générations, a provoqué une rupture mémorielle. Au point qu’en 1991, personne à Moscou ne pouvait se souvenir du monde d’avant. Si ce n’est que, depuis ses débuts, la Russie souffre de ce même trauma existentiel que l’expérience soviétique a démultiplié. Elle éprouve la crainte perpétuelle de l’agonie car elle a failli se faire balayer à sa naissance par les grandes puissances de l’époque. Ce syndrome se manifeste entre autres dans l’idée qu’elle se tient seule aux confins de l’univers et que son vaste espace, si difficile à protéger, l’expose à l’encerclement. D’où l’émergence parallèle de la conviction qu’elle est sans cesse menacée par une sorte d’apocalypse. Ces trois sentiments originels de menace permanente vont concourir à approfondir le trou noir de la mémoire qu’a creusé le communisme. Et que Poutine va délibérément entretenir en s’employant à promouvoir l’amnésie, en rejetant dans l’oubli les crimes du Goulag, en procédant à une lobotomie collective.

Un épisode illustre l’échec de la conscientisation qu’avait néanmoins engagée, après la chute de l’URSS, une part significative des Russes. Lors de l’anniversaire annuel de la «Grande Guerre patriotique», ils s’étaient mis à défiler en arborant les photographies de leurs aïeux morts à Leningrad ou à Stalingrad. Cette manifestation spontanée exigeait que l’on en finisse avec la fausse gloriole d’une victoire acquise sur le sacrifice de vies innombrables. Poutine s’est emparé de cette protestation muette. Il a fini par prendre la tête de la parade, une photo de son père dans les mains, et l’a remilitarisée. Il a ainsi revivifié le mythe d’une Russie assaillie de toutes parts parce qu’elle porterait en elle un projet messianique. Un projet nécessaire au salut du monde mais qu’entraveraient les forces du mal qui lui sont sataniquement opposées. Les Russes doivent par conséquent former une armée des immortels et le sang d’aujourd’hui est le prix à payer pour celui d’hier.

Là est le ressort de l’amnésie. Si les morts du Goulag excèdent en nombre les morts de Stalingrad, il faut toutefois complètement oublier les uns et se souvenir uniquement des autres. Peu de temps avant d’envahir l’Ukraine, Poutine ferme Mémorial, l’association des droits de l’homme qui continue de lutter en Russie pour collecter et établir les archives de la persécution totalitaire: il lui faut effacer les crimes du passé pour pouvoir commettre les crimes du présent.

Si Giuliano da Empoli retrace 30 ans d’histoire russe, Jean-François Colosimo, vous revenez sur 1000 ans de guerres de religion pour remonter à l’origine du conflit en Ukraine…

JFC.- La source, c’est en effet la dislocation du monde romain sous les invasions barbares et à sa division, à partir du VIIIe siècle, entre les Carolingiens et les Byzantins. Jumeaux par filiation, les deux empires sont devenus étrangers l’un à l’autre. Divergeant sur le plan des principes politiques, des mœurs populaires et des usages religieux, ils vont se disputer l’évangélisation des Slaves. En découle une ligne de fracture qui court de la Baltique à la Méditerranée. À l’Ouest vont dominer les catholiques et leur alphabet latin. À l’Est les orthodoxes et leur alphabet cyrillique. D’où le face-à-face des Polonais et des Biélorusses, mais aussi des Croates et des Serbes. La Réforme viendra s’ajouter, de même que le judaïsme et l’islam, sans modifier cette ligne. Elle servira de lieu de confrontation à tous les empires ultérieurs. Autour d’elle, les Tchèques et les Slovaques ne cesseront ainsi de se marier et de divorcer. Elle sera le motif de la Guerre de Crimée en 1853. Elle réapparaîtra dans les Balkans dès 1989. Elle explique le mur invisible mais constant entre les deux Europe.

Cette fracture politico-religieuse traverse l’Ukraine en son mitan, délimite son Ouest catholique et son Est orthodoxe. Mais le territoire historique de Kiev récapitule aussi en totalité le drame européen. Il va également accueillir une notable présence protestante avec les Anabaptistes, musulmane avec les Tatars, juive avec les Hassidims. La magnifique ville d’Odessa symbolise le sort tragique de ce dernier apport. Car l’Ukraine va être aussi le lieu de convergence des deux totalitarismes, rouge et brun.

D’un côté, l’Holodomor, la famine décrétée par Staline. De l’autre, la Shoah par balles réalisant le diktat de Hitler. Une extermination subie et une extermination agie. D’où l’enseignement que la victime du soir peut se changer en bourreau au matin. C’est pourquoi être européen c’est savoir poser un regard critique sur son passé, prendre conscience de sa potentielle inhumanité, demander pardon pour ses méfaits. Ce que précisément Vladimir Poutine s’efforce d’empêcher en voulant réarmer toutes ces mémoires blessées.

Je pense que Vladimir Poutine est un homme de pouvoir qui utilise les idées pour arriver à ses fins

Giuliano da Empoli

Giuliano da Empoli, votre roman peut se lire comme une réflexion sur le pouvoir et les hommes de pouvoir. Que se passe-t-il dans la tête de Vladimir Poutine? Est-il fou?

GDE.- Dans mon roman, il y a un moment où je fais raconter à Poutine un souvenir d’enfance. Ce souvenir ne saurait le définir de façon exacte, mais il revient sur cette enfance difficile où il jouait dans les rues. Il se trouve qu’à l’époque de Leningrad, il y avait ce que nous appelons des sans domicile fixe, lesquels vivaient dans son propre quartier. Ces sans domicile fixe, les jeunes les malmenaient, d’après le souvenir de Poutine que je relate dans le livre. Un seul sans domicile fixe échappait à cette violence, parce qu’il était totalement imprévisible, il pouvait casser une bouteille de vodka sur la tête d’un type qui lui donnait le bonjour, et tout le monde en avait peur. Se montrer dénué de raison en position de faiblesse peut permettre d’obtenir le respect, et je pense que c’est une règle universelle. Cela vaut en tout lieu et en tout temps, à l’image de la Russie en position de faiblesse par rapport aux États-Unis, ou à l’Occident. Donner l’impression d’être fou, de pouvoir agir de façon imprévisible, voilà un des éléments sur lesquels se base aujourd’hui la stratégie de Poutine, y compris en matière de chantage nucléaire. C’est la meilleure stratégie pour gagner le respect et cela pose pour nous un problème, à savoir que nous ignorons ce qui se passe véritablement dans sa tête. À titre personnel, mon opinion est que Vladimir Poutine est un homme de pouvoir dénué de scrupules. Et en tant qu’homme de pouvoir, il joue par conséquent sur l’idéologie, sur l’histoire de son propre pays, et sur tout ce dont vient de parler Jean-François Colosimo. Vladimir Poutine joue par la même occasion sur la psychologie des Russes, et cela de façon cynique, voilà ma propre opinion. Je pense que Vladimir Poutine est un homme de pouvoir qui utilise les idées pour arriver à ses fins.

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Vous avez été conseiller de Matteo Renzi, ce dernier aurait-il pu, lui aussi, devenir un dictateur?

GDE.- Certainement pas dans l’Italie d’aujourd’hui. Cela dit, les animaux politiques se ressemblent tous: comme le dit Elias Canetti, le vrai homme de pouvoir aspire à accroître ce pouvoir, et à survivre, y compris à tout le monde, même s’il faut pour cela tuer. Cela se manifestera en règle générale de façon symbolique en Europe, et de façon physique dans d’autres pays, parce que si les pulsions des hommes de pouvoir sont les mêmes dans chaque régime, ce qui fait la différence, ce sont les limites que l’on met à ces instincts, par les institutions et les circonstances. Il existe peu de limites en Russie pour faire face aux pulsions inhérentes au pouvoir. D’où l’interrogation suivante qu’il convient à chacun de se poser, que se passe-t-il lorsque vous accumulez le pouvoir de façon excessive? Chateaubriand disait qu’autour des princes se forme un nuage qui les aveugle, et il se trouve que les neuroscientifiques actuels le confirment. Cela vaut à l’évidence pour les hommes de pouvoir dans le champ politique, de même que dans le domaine des journaux et des médias, à titre d’exemples. Quelque chose de particulier se produit au niveau de certaines zones du cerveau, d’après les scientifiques. Cela affecte la compréhension des autres et l’empathie, car ces mêmes zones s’obscurcissent et semblent se désactiver. C’est le grand paradoxe du pouvoir, et cela vaut tant pour les sociétés démocratiques que pour les sociétés qui s’écartent de ce modèle. Vous devriez être capable de comprendre la personne qui est en face de vous, de comprendre ce qu’elle veut et ce qu’elle attend de vous. Mais au moment où vous occupez une position de pouvoir, cette faculté diminue, parce que vous avez devant vous des gens qui vous renvoient votre propre image.

Certaines personnes vont vouloir obtenir quelque chose de vous, quand d’autres personnes vont vous tendre votre propre miroir, celui que vous aimez. Ce qui va peu à peu vous dissuader de vous mettre à la recherche des intentions des autres et de comprendre ce que veulent les autres. C’est une raison qui explique pourquoi nous évitons en Europe et dans les régimes démocratiques de laisser une personne au pouvoir durant une longue période. Il y a d’autres raisons mais en voilà une, et Poutine a derrière lui 22 ans de règne qui tendent vers le pouvoir absolu. Si nous ne pouvons tout à fait qualifier son pouvoir d’absolu, parce qu’il doit composer avec toute une série de choses qui lui résistent, des questions subsistent. En l’espèce, celle de la densité du nuage dont parlait Chateaubriand et qui se trouve autour de la tête de Poutine.

Jean-François Colosimo, vous avez souvent souligné à quel point Poutine a été des années durant un formidable joueur d’échecs sur le plan géopolitique face à l’Occident. Le joueur d’échecs a renversé la table, sans doute à ses dépens. Comment l’expliquez-vous?

J-FC.- Poutine a en effet renversé l’échiquier planétaire en agressant l’Ukraine. Un échiquier sur lequel il a longtemps joué gros et gagnant avec des atouts mineurs. Il avait certes hérité de l’URSS son arsenal nucléaire et son siège au Conseil de sécurité de l’ONU. Mais, pour le reste, le PIB de la Russie équivalait celui de l’Espagne. Il faut donc admettre qu’il a marqué des points étonnants. En Transnistrie d’abord, en Géorgie et en Crimée ensuite, en Syrie enfin. Avant de bousculer la France en Afrique de l’Ouest, au Mali et au Burkina Faso. Il a été fort de nos faiblesses. Je doute cependant, pour ma part, qu’il soit fou. Ou alors, pour reprendre le mot de Chesterton, au sens où le fou est celui qui a tout perdu sauf la raison.

Poutine a perdu pied avec le réel parce qu’il butte sur une réalité qui lui résiste

Jean-François Colosimo

Poutine reste rationnel, mais il est entré dans un processus de déréalisation, conformément au nuage neuropsychique que décrit Chateaubriand. Il a perdu pied avec le réel parce qu’il butte sur une réalité qui lui résiste. Il a nié l’existence de l’Ukraine mais cette chimère supposée se bat, le combat et est en train de lui infliger une défaite. C’est ce processus de déréalisation qui me semble dangereux. Et ce, en dépit du système de pouvoir qui l’entoure et dont il n’est jamais que l’incarnation suprême. Certains observateurs le prétendent malade et le voient promis à disparaître, lui qui est en place depuis 22 ans. Mais rien n’assure que son successeur ne serait pas pire. Si Poutine est capable de guerres atroces comme celle qu’il mène en Ukraine, gardons-nous de lui préférer Prigogine ou Kadyrov.

Poutine est pour moi un nihiliste mais aussi un manichéen, en référence à cette forme religieuse antique, mais persistante dans l’histoire, où seuls existent à égalité le bien et le mal sans aucune zone intermédiaire. Dans une telle représentation, l’autre est forcément le mal et il faut que je l’élimine, que je le détruise au terme d’une lutte finale de type apocalyptique.

Cette mentalité manichéenne imprègne le marxisme dans lequel Poutine a grandi. Elle détermine de façon fondamentale le tchékiste qu’il est au fond. La Tchéka, la première police politique bolchevik, a reposé sur l’alliance d’idéologues terroristes et de criminels de droit commun. Son fondateur, Félix Dzerjinski, grand recruteur d’assassins dans les prisons tsaristes, aimait déclarer qu’il lui aurait fallu des saints pour mener à bien la révolution mais il n’avait à son service que des salauds, lesquels cependant savaient exécuter les plus basses besognes. Je pense que tel est le cerveau reptilien qui commande Poutine.

Dans le roman de Giuliano Da Empoli, le conseiller présidentiel est rompu aux techniques de la communication politique moderne, ce qui est pertinent. Mais il y a aussi au Kremlin tous ces scribes douteux qui fournissent un attirail d’autorités tiré de ce que le patrimoine philosophique russe compte de penseurs réactionnaires, qu’ils aient été slavophiles ou eurasiens. Ils sont souvent bien plus intéressants à lire que Douguine, un histrion qui n’a guère eu d’influence sur Poutine, mais qui a su diffuser cette idée auprès des journalistes occidentaux. Poutine enchaîne ainsi de manière absurde les références qu’il ne maîtrise pas. À l’occasion de l’annexion des quatre républiques ukrainiennes de l’Est, il cite Ivan Iline, l’un de ces intellectuels des années 1920 qui, par haine du communisme, finirent par rallier le nazisme. Tel est le pathétique niveau culturel de ces scribes et de Poutine qui voient dans les Ukrainiens des nazis et s’appuient sur le nazifiant Iline pour les dénoncer! À la fin, ne reste de cet attirail que l’éloge de la force et de la cruauté. Autrement dit, la véritable idéologie de Poutine est absolument primitive.

Certains observateurs affirment que les Russes sont derrière Poutine…

J-FC.- Les Russes qui attestent du génie russe, les écrivains, les artistes, les activistes, sont aujourd’hui en prison ou en exil. Quant aux jeunes éduqués, souvent patriotes, Poutine aura inventé à leur intention la mobilisation qui fait se ruer non pas dans les casernes mais aux frontières. La vérité est que sans doute, à l’heure actuelle, l’immigration russe excède celle de 1917. Elle la surpasse tant en qualité qu’en quantité, car il faut d’ores et déjà la chiffrer en millions.

Malgré le caractère plus que discutable des élections, ne bénéficie-t-il pas d’une certaine popularité en Russie ce qui explique sa longévité au pouvoir…

J-FC.- Quand les opposants politiques finissent au bagne et les personnalités culturelles dissidentes sont réduites au silence, il convient de douter de la popularité de Vladimir Poutine. Avec de telles méthodes, n’importe quel tyran peut se maintenir pendant deux décennies au pouvoir et durer au-delà sans trop de difficultés. Il s’avère que l’autocratie poutinienne a empêché la formation d’une classe moyenne, celle qui réclame habituellement l’avancée des libertés et des droits. Sauf à Moscou et à Saint-Pétersbourg, le peuple est tenu dans l’ignorance et dans la pauvreté en dépit d’une extraordinaire richesse potentielle. Mais elle est captée par une oligarchie kleptomane. Un des crimes de Poutine est qu’il a interdit à la Russie son rétablissement économique. Parce que, je le répète, il est le rejeton de ces nihilistes du XIXe siècle qui pratiquaient la terreur au quotidien.

Poutine est le fondateur d’un type de régime inconnu jusqu’à présent, à savoir l’espiacratie, les pleins pouvoirs remis aux mains des services secrets. Il y avait en URSS le Politburo pour contrebalancer le KGB et dominait la nomenklatura des nantis communistes. À présent, les espions détiennent toutes les manettes, étatiques, économiques, culturelles et même religieuses et règne l’agentura, mais les hommes des services sont désormais dépourvus du moindre idéal. Leur seul but est la survie. Et à tout prix si nécessaire. Là est le véritable danger et, dès lors, il faut se demander jusqu’où ira un tel système pour se défendre. Il peut aller à des extrémités, non de façon raisonnable à l’évidence, mais il le peut car il s’agira alors de sauver le régime et non pas la Russie, dont Poutine n’a cure.

Faisons à présent un détour et, rappelons, Giuliano da Empoli, que vous avez écrit un essai, avant votre dernier roman, sur ce que vous appeliez les architectes du chaos, c’est-à-dire les conseillers des populistes. Les régimes populistes en Europe occidentale sont-ils comparables à celui de Vladimir Poutine?

GDE.- Je pense que les mouvements nationaux-populistes apparaissent en Europe à cause de la déstructuration de notre régime politique. Le philosophe allemand Peter Sloterdijk affirme à cet égard que toutes les sociétés sans exception produisent de la colère. Les banques de la colère, telles qu’il les nomme, se sont chargées de la gestion de ce même sentiment depuis des siècles sur le continent européen. C’est-à-dire qu’il existe d’après lui des structures à grande échelle qui gèrent cette colère, de même que des partis qui assument cette fonction. Parmi elles figurent par exemple l’Église catholique et les partis de gauche au XXe siècle, et ces structures ont pris en charge la colère, en œuvrant non au déploiement de celle-ci, dans l’immédiat, mais en proposant de l’investir dans un projet plus large. Cela consistait soit en un projet métaphysique, soit en un projet mondain, c’est-à-dire un projet politique. Les partis qui avaient la capacité de gérer cette colère au XXe siècle l’ont perdue, c’est d’ailleurs le cas de la gauche quand elle s’est ralliée au système du marché. Le cas de Tony Blair et d’autres illustrent ce ralliement au marché, mais cela a débouché pour eux sur une perte, celle de pouvoir intercepter cette colère, une colère qui n’a eu d’autre choix que de se radicaliser. Et donc cette colère est restée en l’état, inchangée en quelque sorte, sans trouver personne pour l’intercepter.

Cela jusqu’à ce qu’il y ait à nouveau des formations pour intercepter cette colère, en même temps que se développait un autre phénomène. Cela reposait sur une technologie nouvelle, et cette technologie correspondait à Internet, ce qui m’a inspiré une formule de synthèse. Il s’agit de «La colère plus l’algorithme», formule qui désigne à mon sens ce qui se trouve à l’origine de ce national-populisme et de toute cette lame de fond. La technologie de l’algorithme permet en effet de puiser dans cette colère de la meilleure des façons. Elle puise dans cette colère de façon précise et ciblée, par exemple en recueillant toutes sortes de colères en les amplifiant et en les mettant au-devant de la scène. Cela peut consister en outre à faire toute une série d’opérations, sur lesquelles il serait long de revenir. En ce qui concerne votre question d’origine, cette même formule ne saurait à l’évidence s’appliquer mécaniquement au régime de Vladimir Poutine. Mais malgré tout, tout cela se ressemble, entre l’effondrement du système soviétique, avec ses certitudes, et l’émergence en Russie comme partout des nouvelles technologies de communication. D’ailleurs le conseiller du tsar de mon livre, nommé Vadim Baranov, est ce que d’aucuns appellent en Russie un technologue de la politique. Cela renvoie à un type de personnes qui, à partir d’un certain moment, ont eu la capacité à émerger dans un nouveau système de médias de marché. Ils pouvaient intercepter les colères, jouer avec elles et créer tout un théâtre, ou imposer des réalités parallèles. Mais cela revenait en l’occurrence à le faire de façon effrontée, et c’était en fait nouveau dans le cadre de la propagande russe.

Il nous arrive d’entendre que la propagande russe consiste à pousser ses alliés, ou à nous convaincre de choses contraires à la vérité, mais en fait elle repose sur une autre stratégie. Avec une multiplication des discours, il s’agit non de convaincre, mais de générer une forme de désaffection et d’apathie. En atteste l’épisode de l’avion malais abattu en 2014 au-dessus de l’Ukraine. Concernant cet avion pris pour cible par les séparatistes prorusses, des discours en ont attribué la chute à l’Ukraine, d’autres à la CIA. Certains auraient eu vent de la présence de Poutine, d’où le besoin d’abattre l’avion, et d’autres auraient bourré l’avion de cadavres avant de l’abattre pour faire retomber la faute sur les bons russes. Avec tant d’explications avancées, nombre de gens finissent par douter de l’existence des faits, ou pensent que rien ne pourra éclaircir le mystère. D’autres avancent que concernant la vérité, tout est relatif, ce qui pousse de façon éhontée la manipulation jusqu’au bout. Cela consiste à la pousser jusqu’à l’assumer et à la révéler, car la révélation de la manipulation fait partie de la manipulation elle-même. C’est quelque chose testé par les Russes depuis des années, et importé à un certain moment par la propagande national-populiste. Celle-ci s’est déplacée à d’autres endroits, je pense à Trump, à Bolsonaro ou à Salvini par exemple.

J-FC.- Il faut d’autre part noter que Vladimir Poutine est l’héritier d’un système fondé sur le mensonge permanent, celui du communisme. Il y a, à titre d’exemple, la longue imposture sur Katyn, lieu du massacre d’officiers polonais par milliers dont Moscou n’a cessé d’accuser les Nazis mais qui avait été commis par les Soviétiques. Pensons de même à ces photographies de Staline où ses camarades apparaissent ou disparaissent au gré des circonstances. Avant même l’émergence des fake news, il y a eu cette perpétuelle réécriture de l’histoire qui se poursuit aujourd’hui. Le mensonge est constitutif du régime poutinien. On ne gagne donc guère à le qualifier de populiste, notion complexe et élastique. Derrière tout autocrate, apprenti ou professionnel, manipulateur ou manipulé, il convient de se demander s’il existe, ou non, une demande de démocratie. Quand les gens réclament une prise en compte de leurs réalités et plus de proximité effective dans l’exercice du pouvoir, cela ne signifie pas nécessairement qu’ils aspirent au totalitarisme. Plus que les populismes, d’ores et déjà vacillants, le retour des empires me semble très préoccupant.

Le pouvoir de Vladimir Poutine, de façon croissante, perd en stabilité ce qu’il gagne en imprévisibilité

Giuliano da Empoli

Plus que des nationalistes Poutine, Xi ou Erdogan sont des impérialistes …

J-FC.- Oui, nous assistons au retour de constructions impériales qui prospèrent sur un fond identitaire et une dynamique survivaliste. Si ces néo-empires peinent à s’aimer entre eux, la haine commune qu’ils nous portent s’avère déterminante. Ils sont tous les héritiers d’un long développement violemment athée ou sécularisé qui a accompagné la modernité. Cette modification forcée a eu l’effet d’un rouleau compresseur et les régimes qui en sont issus semblent être arrivés au bout du rouleau. Il ne leur reste qu’à revenir aux sources. D’où le recours aux dépôts religieux ancestraux car la religion représente un facteur inégalé d’inclusion et d’exclusion, de maximalisation et de mobilisation. Ce qui nous ramène à Vladimir Poutine. Voilà pourquoi il s’est mis à restaurer les monastères que les bolcheviks dynamitaient. Ou qu’Erdogan restaure le culte musulman dans Sainte-Sophie transformée par Atatürk en musée. Ou Xi Jinping cite Confucius, dont les Gardes rouges brûlaient les écrits. De même que Modi s’affaire à «hindouiser» l’Inde, afin d’en rejeter toute présence allogène. Ces néo-empires sont prêts à se déchirer entre eux tout en se faisant la courte échelle ainsi qu’en témoigne l’entente actuelle de la Turquie et de la Chine autour de la Russie. Ankara et Pékin souhaitent que Moscou soit affaiblie mais avec modération afin qu’elle reste une menace pour l’Occident honni. Il nous faut certes admettre de notre côté que notre histoire comporte des zones d’ombre autant que de lumière comme lors de l’intervention injustifiée des États-Unis en Irak, laquelle nourrit le ressentiment de l’hémisphère sud. Pour autant, l’objet de la détestation de ces nouveaux empires réside dans notre proclamation de l’universalité du genre humain. Pour nous un Ukrainien vaut un Russe, qui vaut un Turc, qui vaut un Chinois alors que les néo-impériaux professent le culte de la force. Ils distribuent l’humanité entre une surhumanité, à savoir eux-mêmes, et une sous-humanité, composée des gens qu’ils entendent asservir et détruire. De ce point de vue, je pense qu’à l’heure actuelle s’impose un combat essentiel auquel nous oblige Poutine, celui du réveil non pas de la domination occidentale mais de l’esprit européen.

Jusqu’où Vladimir Poutine peut-il aller, et de quelle façon pouvons-nous arrêter celui-ci, à supposer que cela reste possible?

GDE.-Vladimir Poutine est dans sa propre logique, par conséquent il n’y a aucune raison pour qu’il s’arrête, en tout cas de sa propre initiative. Il a lui-même subverti l’accord qu’il avait contracté avec le peuple russe à la fin des années 90 et au début de son mandat de Président. Cet accord assurait de la prévisibilité de même que de la stabilité, ce qui signifiait qu’il demandait aux Russes de ne s’occuper de rien puisqu’il prenait en charge la politique. À cette époque, il démobilise les gens, avec sa promesse de stabilité, mais à présent il fait le contraire avec son peuple. Vladimir Poutine mobilise la population russe, et il a besoin en partie d’une mobilisation des employés, lesquels connaissent des conditions terribles. Et il ne garantit aucune stabilité, car son régime paraît imprévisible, et nous ignorons ce qui va se passer. Il est vrai qu’à l’évidence, il consolide son pouvoir, il crée de nouveaux organismes, il réinstaure la loi martiale. Mais nous nous rendons compte que le pouvoir de Vladimir Poutine, de façon croissante, perd en stabilité ce qu’il gagne en imprévisibilité. Il y a par conséquent, de mon point de vue, à moyen terme ou à long terme, un danger qui menace son propre pouvoir. Je pense en outre que Poutine ne croit que le langage de la force, donc il serait illusoire de vouloir avec lui un dialogue qui exclurait le rapport de force. Nous ne pouvons imaginer un dialogue autre que celui où il se retrouverait dans une position telle qu’il serait obligé d’accepter le dialogue. Tout autre scénario qui s’écarterait de celui-ci s’avère irréaliste, étant donné le rapport que Vladimir Poutine entretien avec la guerre. Ce rapport de force s’exprime avec ce qu’il appelle, d’après sa propre formule, «l’Occident collectif». Vladimir Poutine éprouve en effet la nécessité d’une confrontation, mais celle-ci ne peut à ses yeux se faire avec l’Ukraine, une entité qu’il considère méprisable, mais avec quelque chose de puissant, donc contre l’Occident collectif, les États-Unis, ou l’Otan. Parce que dans tout cet ensemble, les Russes voient une force supérieure à la force qu’ils détiennent. Pour cette raison, un tel rapport de force pourrait même à un moment permettre à Poutine de s’incliner, bien que pour l’heure cet aveu d’infériorité reste à venir. Vladimir Poutine joue sur les faiblesses de ses adversaires, et ceci dans la durée, parce qu’à la différence des Russes, nous disposons d’élections libres. Il y a eu par exemple des élections en Italie voilà un mois, de même que des élections aux États-Unis. Ces élections sont cruciales car elles pourraient changer la politique étrangère des pays de la coalition opposée à la Russie, donc l’issue reste incertaine.

J-FC.- L’issue en tant que telle est incertaine mais en attendant, d’un certain point de vue, Vladimir Poutine a perdu d’emblée sa guerre contre l’Ukraine. Avant l’offensive du Kremlin, il y allait d’un pays compliqué et composite qui, depuis, s’est révélé une nation unie, solidaire, en armes, farouchement indépendante. Volodymyr Zelensky, que Poutine méprisait, passait pour un acteur dont on ignorait par quels moyens au juste il était devenu Président et, à présent, il fait songer à Churchill. Poutine refusait la présence de l’Otan aux portes de la Russie, mais l’Otan enregistre désormais la candidature de la Finlande alors que nous parlions de finlandisation comme d’un synonyme de neutralité pendant la Guerre froide. Poutine a réussi à précipiter le retour des États-Unis en Europe et leur a procuré l’opportunité d’une sorte de nouveau plan Marshall alors que Washington c’était vers l’Asie et le Pacifique. De surcroît, dans ce cadre réitéré de dépendance économique, politique et militaire, l’Allemagne, affranchie de l’interdit de 1945, se réarme, nouvelle sidérante que nous pouvons apprécier de diverses façons. Vladimir Poutine a perdu tous ses objectifs et la supposée deuxième armée du monde est en pleine déroute. Il a tout perdu sauf l’illusion de son pouvoir. Ce qui nous place face à un problème moral, celui d’éviter de tordre le bras des Ukrainiens en vue d’une fausse paix en les obligeant à des concessions territoriales pour lesquelles ils auront payé le prix du sang. Ce à quoi la surpuissance des États-Unis pourrait les forcer.

Nous permettrions alors à Vladimir Poutine de survivre le temps qu’il lui reste à vivre, en dépit des annonces le disant malade d’un cancer du pancréas, de la prostate ou d’une Parkinson terminale. À moins que ces maux ne soient ceux de l’un ou l’autre des trois ou quatre sosies qu’on lui prête également. Ce ne sont des vues mythiques. Regardons plutôt à quel point le tyran est botoxé. Les hommes de pouvoir veulent se survivre à n’importe quel prix, mais sur le visage de Vladimir Poutine ne s’exprime que la caricature du désir d’immortalité. Là est le vrai péril.

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