08/03/2022

Les chiens couchés de Poutine, par Franz-Olivier Giesbert

journal.lepoint.fr Par Franz-Olivier Giesbert
 
Les « collabos » sont de retour, preuve du délitement de notre vieux monde : à les en croire, la guerre en Ukraine serait de notre faute, comme le dit une petite musique qui n’est pas sans rappeler celle de 1940, quand des « bons » Français trouvaient des excuses à l’agression nazie.

Les pétainistes étaient obnubilés par le bolchevisme soviétique, leur ennemi principal, de la même manière que les franco-poutinistes sont aujourd’hui obsédés par leurs deux bêtes noires, les États-Unis et l’Otan d’où viendrait tout le mal et qui, dans le passé, ont certes commis des erreurs. Poutine se sentait encerclé par ses ennemis. Comme Hitler, il aurait donc été condamné à attaquer… l’Ukraine.

Nous l’aurions cherché, figurez-vous : à l’ère de la repentance, voilà encore une raison, pour l’Occident, de faire son mea culpa. S’il lui fallait se livrer à son autocritique pour sa faiblesse et sa lâcheté dans l’affaire ukrainienne, malgré les efforts méritoires d’Emmanuel Macron, on comprendrait. Mais non, c’est son « bellicisme » qui, paraît-il, serait la cause de la tragédie ukrainienne. 

Le bellicisme ne serait pas du tout le fait de ce Poutine hystéro-botoxé qui brandit la menace nucléaire. Ce serait d’abord celui des États-Unis qui avaient pourtant déclaré d’entrée de jeu, par la voix de Joe Biden – erreur tactique monstrueuse –, qu’en aucun cas des soldats américains ne mourraient pour Kiev. Ensuite, le bellicisme de l’Europe, ce ventre mou, qui a tenté de négocier jusqu’à la limite du raisonnable. Le bellicisme des Ukrainiens, enfin, qui auraient commis le crime absolu en prenant leur destin en main.

Le lobby poutinien connaît les coupables : ce sont les victimes. Des pseudo-experts nous expliquent dans des bouffées délirantes, au mépris de l’Histoire, que l’Ukraine n’existerait que depuis 1991. Qu’ils relisent Hélène Carrère d’Encausse qui, elle, sait nous faire aimer la Russie, son âme, sa culture, mais sans jamais nous raconter de fadaises ! Des « spécialistes » pontifiants reprennent sans honte le discours poutinien : le responsable de tout serait… Volodymyr Zelensky, l’ex-humoriste, alors qu’il a imposé, depuis le début du conflit, un courage, une grandeur, une sagesse quasi christiques. Pourquoi tant de complaisance envers Poutine ?

Sur notre continent, Poutine incarne l’Ordre et la Force, comme Hitler en 1940.D’où la fascination enfantine qu’il exerce, à la manière du Führer naguère, sur les esprits faibles, pseudo-virils, homophobes, enfants perdus de la décadence, nostalgiques de la férule communiste, fanatiques du souverainisme et des valeurs traditionnelles, au comble de la jouissance quand ils voient le pied de Goliath écraser les petits, etc. Qu’ils soient d’extrême gauche ou d’extrême droite, le tsar russe, l’hubris en étendard, les rassure et ils sont à sa botte. 

Comme Hitler estimait qu’il fallait un « espace vital » pour l’Allemagne aux dépens de la Russie – il l’a écrit dans Mein Kampf –, Poutine entend, même si comparaison n’est pas raison, reconstituer l’Empire soviétique quoi qu’il en coûte. Sans doute considère-t-il que cette fuite en avant lui permettra de se maintenir au pouvoir, alors que son pays, douzième puissance économique mondiale (derrière l’Italie et la Corée du Sud !) est économiquement au trente-sixième dessous : dans le classement du PIB par habitant(1), il figure à la… soixante-cinquième place.  

Comment la Russie a-t-elle pu rester enclouée dans une extrême pauvreté, alors qu’elle est le pays le plus vaste de la planète et regorge d’énormes gisements pétroliers ou gaziers qui génèrent d’abondantes rentrées de devises ? Parce que, sous le règne de Poutine, prédateur professionnel, considéré comme l’un des hommes les plus riches du monde, les richesses ont été confisquées par lui-même ou ses compères mafieux, quand elles n’étaient pas détournées vers le complexe militaro-industriel.

« Écraser l’infâme », écrivait souvent Voltaire dans sa correspondance à propos du fanatisme. Force est de constater que, pour l’heure, c’est l’infâme qui écrase les Ukrainiens et, par empathie, nous autres Occidentaux. Que les chiens couchés de Poutine se le tiennent pour dit : notre devoir d’humains est d’être toujours du côté des victimes, mortes ou vives, sans oublier de nous réarmer moralement et de préparer l’avenir. Avec un criminel de guerre comme Poutine à ses portes, l’avenir sera apocalyptique si l’Europe, au lieu de compter sur l’Otan, ne se dote pas rapidement d’une défense autonome§

(1) Données du Fonds monétaire international pour 2021.

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