Impossible de les voir depuis la rue du Beau-Marais. Ils sont pourtant plusieurs dizaines d’hommes, souvent très jeunes, à avoir construit leur vie derrière ces talus aux herbes sauvages séchées de la périphérie de Calais.

Le périphérique est à quelques dizaines de mètres. Le port, un peu plus loin. L’Angleterre, si proche… Et si lointaine. Chaque jour ou presque, ils tentent de l’atteindre. En vain, jusqu’à présent. Mais ce rêve pour lequel ils ont quitté leur Soudan natal, ils refusent de l’abandonner. Presque à n’importe quel prix. Certains sont même prêts à mettre leur vie dans la balance, comme ces 27 personnes décédées mercredi en tentant la traversée à bord d’un bateau de fortune. Ils étaient majoritairement kurdes irakiens, iraniens et afghans. Une cérémonie d’hommage leur était rendue ce jeudi soir par des associations au parc Richelieu, à Calais.

Ce jeudi midi, dans le camp du Beau-Marais, la principale préoccupation est de bien faire prendre le feu. Il fait 8 ºC à peine mais un vent piquant donne une impression de gel. On ne se formalise pas, et tout ce qui brûle vole dans les flammes qui commencent à prendre de l’ampleur et à dégager de la chaleur. Des tentes multicolores et des toiles bleues transformées en abris sortent des têtes plus ou moins bien réveillées, mais immédiatement souriantes pour le visiteur.

Âgé de 22 ans, Buhama est dans le camp depuis trois mois. “Au Soudan, je travaillais dans la location de voitures”, dit-il. “Le pays n’était vraiment plus sûr politiquement. Il fallait que je parte. Surtout si je voulais devenir joueur de foot professionnel.” Après deux ans de galère, il a abouti à Calais.

Il ne me reste plus qu’à traverser pour réaliser mon rêve. J’ai déjà essayé plusieurs fois en montant à bord de voitures, mais à chaque fois, la police m’a débusqué. Peut-être qu’un jour, j’aurai de la chance. Maintenant, le froid arrive. La vie va encore devenir plus difficile. Si ça ne marche pas, je viendrai peut-être en Belgique. L’accueil est meilleur qu’en France.