Source Alernatives économiques Nadine Levratto Economiste, directrice de recherche au CNRS
Diffusé le 18 novembre, le communiqué final de la COP 27, obtenu à l’arraché, a suscité beaucoup de déceptions. Comme l’a souligné en clôture de la conférence climatique Antonio Guterres, le secrétaire général de l’Organisation des Nations unies (ONU), « nous devons drastiquement réduire les émissions maintenant, et c’est une question à laquelle cette COP n’a pas répondu ». Et de préciser, en allant plus loin dans ce semi-constat d’échec : « Nous pensons qu’une action urgente supplémentaire est nécessaire pour assurer le respect des obligations des pays développés. »
Ces déclarations amères soulignent les difficultés que rencontrent les participants aux conférences internationales à engager les pays vers une trajectoire de réchauffement n’excédant pas 1,5 degré.
Les conférences internationales à l’image de la COP invitent cependant à réfléchir aux solutions pour se passer des principales sources d’émission de gaz à effet de serre (GES). Cela passe bien sûr par une action sur la réduction de l’usage des énergies fossiles, mais cette évidence est à peine mentionnée dans la plupart des textes sur le climat. Autre enjeu : faire en sorte que les plus grands pollueurs, à savoir les entreprises, soient davantage mis à contribution.
Les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), dont les Etats membres de l’Union européenne, ont un rôle essentiel à jouer dans ces domaines. Jusqu’ici, les responsables politiques n’ont pas suivi, sauf à considérer que le développement des énergies renouvelables à côté de celui des énergies à « basses émissions » – expression généralement appliquée au nucléaire – puisse servir de colonne vertébrale à la transition. Or, cela ne suffira pas. Réduire les émissions de GES et les consommations de matières premières et d’énergie passe par un effort majeur de transformation bien plus large. Le but est double : assurer la transition écologique de l’industrie tout en développant des industries de la transition écologique.
Un virage à peine entamé
Le virage est déjà entamé depuis plusieurs années puisqu’entre 1990 et 2019, l’ensemble des émissions de l’industrie manufacturière française a diminué de 20 %. Certes, le recul de l’activité industrielle explique une grande partie de cette évolution, mais elle est également due aux économies d’énergie et à une meilleure efficacité des chaudières industrielles. Ces progrès ne tombent pas du ciel : ils ont été imposés par des réglementations élaborées dès 1998.
Aujourd’hui, l’industrie manufacturière représente le quatrième secteur le plus émissif derrière celui des transports, le secteur résidentiel et l’agriculture, juste devant la production d’énergie. A voir la réaction des industriels face à la hausse du prix de l’énergie – entre baisses de production annoncées et tentation de délocaliser –, il apparaît que ces efforts, bien qu’importants, n’ont pas suffi à mettre les activités de fabrication à l’abri d’un choc tarifaire. A cela il y a plusieurs raisons.
Première raison : la structure du tissu économique. Les secteurs les plus sensibles, c’est-à-dire les plus énergivores (chimie, minéraux non métalliques, métallurgie, industries agroalimentaires), occupent en effet encore une place importante dans le tissu productif français.
La deuxième raison tient aux changements d’orientation de l’action publique. Les normes techniques d’émission en vogue jusque dans les années 1990 ont été remplacées par des engagements volontaires qui laissent aux entreprises le soin d’adapter leurs méthodes de production en fonction du signal-prix, notamment via le marché européen du carbone. Au total, les innovations incrémentales visant à améliorer l’efficacité énergétique et à réduire l’empreinte carbone ont tardé. Il en va de même pour le remplacement d’équipements fortement consommateurs par des modèles plus sobres.
Ce retard expose aujourd’hui l’industrie nationale à un choc. Les appareils électriques et électroniques ne sont toujours pas équipés de coupe-veille, les applications à l’utilité discutable dont sont dotés de nombreux appareils augmentent leur consommation d’énergie et il a fallu attendre septembre 2022 pour que le gouvernement lance un programme de « chasse au gaspillage énergétique » dans l’industrie.
Quelle industrie de la transition ?
On le voit, la transition écologique de l’industrie est trop lente. A cela s’ajoute un second problème : la création d’une industrie de la transition n’est pas plus rapide. Depuis de nombreuses années, le tournant écologique est présenté comme moteur en matière d’emploi et de création de nouvelles activités, mais les plans de développement de secteurs verts n’ont pas radicalement changé l’industrie. Energies renouvelables et véhicules électriques restent les marronniers de la transition écologique, complétés depuis peu par l’avion à hydrogène.
« Il n’y a pas de création massive de métiers "véritablement nouveaux" liés à la transition écologique », France Stratégie, Céreq et Ademe
Cibler prioritairement ces secteurs reste toutefois insuffisant pour impulser une véritable bifurcation de l’économie. Et les changements escomptés ne sont pas au rendez-vous. Selon un rapport de France Stratégie, du Céreq et de l’Ademe : « Il n’y a pas de création massive de métiers "véritablement nouveaux" liés à la transition écologique. » Les rares nouveaux métiers sont surtout concentrés dans des filières comme les énergies renouvelables qui, en se substituant aux énergies fossiles, assurent un certain niveau de décarbonation de l’économie mais ne remettent pas en cause le fonctionnement d’ensemble du système productif. Les secteurs et emplois verts risquent donc de rester encore longtemps à l’état de promesse.
Alors que la période de croissance et d’amélioration des résultats des entreprises pré et post-Covid-19 n’a pas permis de réaliser suffisamment d’investissements nécessaires à la transition de l’économie, se pourrait-il que la crise énergétique qui frappe aujourd’hui l’industrie la conduise à prendre résolument le virage de l’écologie ? La liste des actions jusque-là mises en avant par les entreprises concernées (baisse du chauffage, réduction de l’éclairage la nuit, achat de groupes électrogènes pour se prémunir des coupures d’électricité, etc.) n’invite guère à l’optimisme tant elles sont facilement réversibles.
Il est temps d’établir un programme concret et précis de transformation, en allant plus loin que les grands principes mentionnés dans la Stratégie nationale bas carbone (SNBC). Aller au-delà des incitations à innover et des recommandations vagues de meilleure intégration des enjeux de sobriété par les branches, les entreprises et les territoires permettra à l’industrie de se renouveler et, par là même, de se sauver.
Sur les sujets de société et de civilisation en France et dans le monde; et tout ce qui me passe dans la tête...
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