Salaires, impôts, retraite, transition énergétique… Chaque proposition devrait être accompagnée d’une analyse de ses effets macroéconomiques.
La campagne pour l'élection présidentielle en France en 2022 a fait apparaître un grand nombre de propositions de politique économique (qui concernent les salaires, la fiscalité, les dépenses publiques, les retraites, les inégalités, la transition énergétique…). Mais ces propositions sont le plus souvent analysées de manière isolée sans tenir compte de leurs effets sur l'équilibre économique, c'est-à-dire sur le bouclage macroéconomique, à court terme et à long terme.
Sans vouloir être exhaustifs, nous allons donner quelques exemples de cette insuffisance de l'analyse du bouclage macroéconomie, associée à quelques propositions souvent entendues.
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D'abord, tous les candidats voulaient augmenter les bas salaires, pour certains par la hausse de ces salaires, pour d'autres par la hausse du salaire minimum. Mais avant de se lancer dans la hausse des bas salaires, il faut réfléchir à l'ensemble des conséquences possibles. Si les entreprises qui doivent augmenter les bas salaires ne peuvent pas augmenter leurs prix de vente, le coût réel du travail va s'accroître en leur sein, et, chez elles, l'emploi peu qualifié va reculer, ce qui est l'analyse la plus souvent faite.
Mais si ces entreprises peuvent augmenter leurs prix, parce qu'elles sont dans des secteurs où la concurrence est faible, alors il faut accepter que ces hausses de prix, si elles évitent les pertes d'emplois, soient une taxation des acheteurs des biens et services, qui va réduire leur pouvoir d'achat.
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Baisser les impôts, pour quoi faire ?
Ensuite, certaines propositions consistent à baisser des impôts : cotisations sociales des entreprises, impôts de production, cotisations sociales des salariés. L'objectif peut être de soutenir l'emploi (cotisations des entreprises, impôts de productivité) ou le pouvoir d'achat (cotisations des salariés). Mais plusieurs questions se posent alors. Quelle est l'efficacité de ces baisses d'impôts ? Par exemple, la baisse des cotisations sociales des employeurs sur les salaires des emplois qualifiés n'a pas d'effet sur l'emploi car elle conduit à la hausse des salaires.
Comment sont-elles financées ? Par le déficit public ? Est-ce possible, et avec quel effet sur les taux d'intérêt ? Par des baisses de dépenses publiques, et lesquelles ? N'y a-t-il pas neutralité fiscale à long terme ? Par exemple, si les cotisations sociales des salariés sont remplacées par les cotisations sociales des employeurs, à l'équilibre de long terme les salaires sont plus bas et le pouvoir d'achat des salariés n'est pas accru.
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Il est fréquent aussi que soient proposées des hausses d'impôts (sur le capital, sur le revenu du capital, sur les héritages en particulier). Mais dispose-t-on d'études précises pour savoir ce que sont les distorsions créées : pertes d'emplois ou d'investissements, délocalisations par exemple ?Peut-on multiplier le nombre d'entreprises intermédiaires (ETI) familiales si le patrimoine professionnel est fortement taxé au moment des successions ? Sait-on exactement ce que produirait une différence durable entre la taxation du capital et le rendement du capital entre la France et les autres pays européens ? Les sorties de capitaux et d'investissement seraient-elles insuffisantes ou au contraire importantes ?
Si des politiques redistributives encore plus importantes sont financées par l'impôt, et s'il s'agit d'impôts qui ont un effet négatif significatif sur l'emploi (cotisations sociales des entreprises, par exemple), alors l'objectif de réduction des inégalités ne sera pas atteint.
Beaucoup de propositions, dans un sens ou dans l'autre concernent l'âge de la retraite. Mais elles ne peuvent pas être étudiées indépendamment de leurs effets sur les finances publiques, des conséquences d'un écart important entre la France et les autres pays européens concernant le poids des dépenses publiques de retraite, de leurs effets sur l'épargne (une dégradation anticipée de l'équilibre des systèmes de retraite peut pousser à l'épargne de précaution).
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Le coût de l'écologie
Enfin, tout le monde veut accélérer la transition énergétique. Mais il faut alors expliquer comment on finance les massifs investissements supplémentaires nécessaires. S'ils sont réalisés par le secteur privé, à partir de quels profits ou de quels financements, s'ils sont réalisés par l'État, à partir de quels impôts ? Il faut aussi expliquer comment sera évité que la forte hausse des prix de l'énergie, avec le passage aux énergies renouvelables, des prix des voitures, avec le passage à la voiture électrique, conduise à une forte hausse des inégalités de revenus. Quels mécanismes correcteurs seront mis en œuvre ?
Au total, il ne faut pas accepter qu'une mesure de politique économique soit proposée sans que soit évalué son effet sur l'équilibre macroéconomique : finances publiques, investissements, emploi, prix, compétitivité, solidité des entreprises… Il faut aussi que ces effets soient évalués sérieusement, à partir des travaux de recherche existants, et de la manière la plus objective possible. Il reste bien sûr que les travaux de recherche sont parfois contradictoires, ne vont pas tous dans la même direction : il faut alors être clair sur le choix qui a été fait parmi les travaux disponibles.
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