Or, la
question n'est pas seulement technique, elle est aussi politique.
Plusieurs syndicats ont très vite demandé par exemple le retour de
l'ISF, l'impôt de solidarité sur la fortune (son nom exact à sa création
en 1988), alors que l'une des premières décisions d'Emmanuel Macron
avait été de le remplacer, dès l'automne 2017, par l'IFI (impôt sur la
fortune immobilière).
VÉRIFIONS.
Croix de bois, croix de fer, si je mens je vais en enfer. Tour à tour
les ministres interrogés sur les plateaux de télévision se montrent
formels : «ce n'est pas une bonne idée de vouloir relancer la machine économique en augmentant les impôts»,
a expliqué sur France 2 Bruno Le Maire. Le ministre de l'Économie et
des Finances considère que le gouvernement n'entend pas dévier «des politiques fiscales définies depuis le début du quinquennat» et qu'elles seront «maintenues».
Pas
question donc de revenir à l'ISF. Il a même précisé que la suppression
de la taxe d'habitation deviendrait totale à l'automne 2020 pour 80% de
la population, et que l'engagement qui a été pris de la supprimer par
étapes d'ici à 2023 pour les 20% de contribuables restants, les plus
aisés de la population, serait respecté. Le premier ministre Edouard
Philippe a été amené à plusieurs reprises au gré de ses déclarations
publiques à camper sur la même position : pas d'impôts supplémentaires.
Quatre solutions face à une dette insupportable
Techniquement
un gouvernement a quatre possibilités pour faire face à une dette
publique devenue insupportable – elle atteindra 110% du PIB dès cette
année en France – comme l'a rappelé récemment Jean Tirole, le prix Nobel
d'Économie, dans une tribune aux Échos.
La
première option est de répudier ses dettes, ce qui n'est jamais arrivé
en France depuis 1792. Le risque majeur serait de ne plus pouvoir
ensuite faire appel à de nouveaux créanciers privés, au moins pendant un
certain nombre d'années, comme ce fut le cas pour la Grèce durant la
décennie 2010 .
La deuxième solution est «la planche à billets».
La Banque centrale européenne la fait tourner avec frénésie, ce qui lui
permet d'acheter sur le marché financier secondaire les titres de
dettes d'État détenus par les investisseurs privés pour les 19 États de
la zone euro. Théoriquement le mécanisme est illimité, mais à deux
réserves près. D'une part les créanciers finissent par perdre confiance
sur les titres qu'ils achètent à l'émission : c'est dès à présent un
problème pour l'Italie très endettée dont les taux des emprunts tendent à
grimper sur les marchés financiers. D'autre part la BCE est une banque
centrale fédérale et sa politique est définie par 19 pays indépendants ;
or certains, et pas le moindre, l'Allemagne, s'inquiètent des
conséquences inflationnistes à terme de «la planche à billets».
La troisième possibilité serait d'émettre des emprunts mutualisés entre États européens , les désormais fameux «coronabonds».
Mais pour le moment cela rencontre l'opposition des États les moins
endettés : l'Allemagne et les Pays-Bas ont peur de devoir in fine payer les dettes des autres.
La
quatrième solution pour financer des déficits et des dettes excessives
est de lever des impôts , ce qui peut prendre deux formes. Soit un
alourdissement stricto sensu de la fiscalité des contribuables,
soit de façon plus insidieuse un appauvrissement des épargnants par
l'inflation. Mais là aussi il y a une limite du fait que la BCE a pour
mandat de circonscrire l'inflation à 2% l'an.
La
France pourrait-elle se passer de cette quatrième possibilité pour
renflouer ses finances publiques ? Cette voie fiscale ne l'a-t-elle pas
très souvent empruntée au cours de son histoire, avec constance et même
gourmandise si on en juge par le montant de ses dépenses publiques,
aujourd'hui les plus importantes au monde (en pourcentage de sa richesse
nationale, son PIB)?
Trois raisons de craindre une hausse des impôts
Les
Français ont en réalité trois raisons de redouter un nouveau coup de
trique fiscal. Certes pas maintenant, car on ne frappe pas une économie à
terre, mais il pourrait en aller autrement dans quelques trimestres
quand on sera vraiment sorti de la pandémie.
La
première crainte est technique : notre pays est entré dans la crise
avec les déficits publics les plus profonds de tous les États de la zone
euro, comme le souligne à nouveau le Fonds monétaire international dans
son rapport semestriel sur les comptes publics. Or, la France est
également le pays qui dépense actuellement le plus pour panser ses
plaies comme semble en témoigner par exemple le dispositif
d'indemnisation du chômage partiel, «le système le plus généreux d'Europe», ne cessent de se rengorger Edouard Philippe et Muriel Pénicaud, la ministre du Travail.
La
deuxième raison est historique : l'impôt est un tropisme très développé
dans l'Hexagone. Pour colmater les brèches issues de la crise de
2008-2009, les gouvernements ont eu recours à la fiscalité :
Fillon-Sarkozy en 2011, à hauteur de 18 milliards d'euros, et
Ayrault-Hollande en 2012 et 2013, pour 52 milliards. Les ménages
français ont ainsi subi une ponction de 3,5 points de PIB au total.
Rappelons le cocktail concocté sous le quinquennat Hollande, avec
notamment une contribution exceptionnelle de l'ISF, une refiscalisation
des heures supplémentaires… Emmanuel Macron, alors secrétaire adjoint de
l'Élysée spécialiste de l'économie, en avait eu la haute main.
La
troisième justification est politique et idéologique. Laurent Berger,
le secrétaire général de la CFDT, pour ne nommer que lui car la liste
serait trop longue, a été le premier à monter au créneau en appelant au
rétablissement de l'ISF. Trois économistes français (Landais, Saez et
Zucman) qui font une brillante carrière dans les universités américaines
tout en faisant partie des équipes de recherche de Thomas Piketty,
viennent de sortir un projet d'«ISF européen» pratiquement clés
en main dont ils attendent un rendement équivalent à 1,05 % du PIB
européen pendant dix ans. Le taux en serait de 1% pour les fortunes
supérieures à 2 millions d'euros, de 2% au-dessus de 8 millions, et de
3% pour les 330 milliardaires que compte l'Europe.
Et un «grand emprunt national» ?
S'il
est à ce jour prématuré de dresser un bilan économique de la crise
sanitaire du Covid-19, il y a au moins une certitude : les débats
fiscaux qui sont une passion française vont refleurir de plus belle. La
campagne présidentielle de 2022 risque d'en être saturée, avec son lot
de surenchères et de démagogie. Si tant est qu'il souhaite se
représenter, Emmanuel Macron devra prendre position d'une manière ou
d'une autre, lui qui avait soldé la «crise des 'gilets jaunes'» par un jeu d'accordéon fiscal de 17 milliards d'euros sous forme d’allègements pour les uns et de primes diverses.
En
codicille, on ajoutera une cinquième option que, curieusement, ne
mentionne pas Jean Tirole, notre prix Nobel, sans doute car elle peut
paraître ringarde à l'heure des marchés financiers mondialisés : c'est
la solution du «grand emprunt national», pratiqué au lendemain
de toutes les guerres. On fait alors appel à l'épargne du pays. Il est
curieux que le président de la République n'y pense pas alors qu'il ne
cesse de mettre en avant «les coronabonds», la solidarité européenne. Et on se plaint journellement de «l'ingratitude» des Allemands, comme si on voulait rejouer le funeste «l'Allemagne paiera» de 1919. Pourquoi ne pas compter sur ses propres forces ?
Having read this I thought it was really informative. I appreciate you
RépondreSupprimertaking the time and effort to put this informative article together.
I once again find myself personally spending a lot of time both reading and posting comments.
But so what, it was still worth it!