Les femmes représentent la majeure partie des adultes touchés (504 millions, soit 57 %), mais c’est chez les hommes que la tendance a progressé le plus vite en trente ans : pour eux, la prévalence a quasiment triplé, tandis qu’elle a doublé chez les femmes. Chez les enfants, l’obésité touche surtout les garçons (94 millions, soit 59 %) et la hausse de la prévalence est comparable entre les sexes – facteur 4 pour les filles et 4,4 pour les garçons.
Les auteurs, issus du NCD Risk Factor Collaboration – un réseau international d’étude sur les maladies non transmissibles –, ont estimé l’évolution des tendances pour l’obésité et pour l’insuffisance pondérale en se fondant sur plus de 3 600 études couvrant 197 pays. En ligne avec l’Organisation mondiale de la santé (OMS), ils définissent l’obésité chez l’adulte par un indice de masse corporelle (IMC, soit le poids divisé par la taille au carré) supérieur à 30. Ils reconnaissent que l’IMC n’est pas un indicateur idéal, dans la mesure où il ne tient pas compte de la proportion et de la répartition des graisses dans le corps, mais soulignent qu’il est largement employé, ce qui permet des comparaisons entre pays.
L’insuffisance pondérale se caractérise, elle, par un IMC inférieur à 18,5. Si elle est une des manifestations de la sous-alimentation, ce n’est pas l’indicateur le plus utilisé pour mesurer l’insécurité alimentaire, mais il permet, à partir des mêmes bases de données, d’illustrer le double fardeau de la malnutrition.
« Un problème dans le monde entier »
« Nous nous attendions à atteindre le chiffre d’un milliard [de personnes obèses] en 2030, mais il est arrivé beaucoup plus vite », a déclaré Francesco Branca, le directeur du département de la nutrition et de la sécurité alimentaire de l’OMS, jeudi 29 février, lors d’une conférence de presse présentant ces données. « Différentes formes de malnutrition coexistent au sein des pays, des communautés ou des familles, et un enfant frappé d’abord par l’insuffisance pondérale peut être touché ensuite par l’obésité », a-t-il précisé, soulignant en général un « manque d’accès à des régimes alimentaires sains ».
Majid Ezzati, professeur de santé environnementale à l’Imperial College de Londres et auteur principal de l’étude, relève une « nouveauté », à savoir que l’obésité « atteint un plateau dans les pays les plus riches du monde industrialisé traditionnel » et augmente surtout dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. Aux yeux de M. Branca, cela peut s’expliquer par « la transformation rapide des systèmes alimentaires, et pas pour le meilleur » dans ces pays : « On a eu l’habitude de penser l’obésité comme un problème de pays riches, mais c’est un problème dans le monde entier y compris pour les pays pauvres. »
De fait, selon l’étude, les pays ayant subi la plus forte augmentation de l’obésité se trouvent surtout en Polynésie et en Micronésie – plus de 60 % de la population en souffre dans les îles Tonga, Samoa américaines et Nauru –, dans les Caraïbes, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, notamment l’Egypte. Sont aussi concernés, pour les hommes en tout cas, certains pays d’Europe centrale, en particulier la Roumanie.
Cela ne signifie pas que la situation ne s’est pas aggravée dans certains des pays les plus riches. Aux Etats-Unis, le taux d’obésité des femmes est passé de 21 % en 1990 à 44 % en 2022, et celui des hommes de 17 % à 42 %. Avec la Chine et l’Inde, ce pays fait partie du trio de nations comptant le plus grand nombre de personnes obèses en valeur absolue. Au Royaume-Uni, 28 % des femmes et 27 % des hommes étaient concernés en 2022, contre 14 % et 11 % respectivement en 1990.
Développement de la nourriture transformée
Parmi les causes pouvant expliquer les tendances observées, les auteurs citent en premier lieu l’évolution de l’alimentation, avec une « bascule depuis la nourriture de subsistance et locale vers des denrées commerciales transportées » conduisant à des apports caloriques supérieurs et une consommation plus importante de produits d’origine animale, de sucre et d’huiles dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. Ils évoquent aussi le développement de la nourriture transformée, au détriment de produits frais.
L’étude souligne aussi que la mécanisation du travail et des transports favorise la prise de poids. Concernant les enfants et les adolescents, « l’hypothèse a été émise que du temps de loisir occupé par des jeux et du sport ait été remplacé par des activités sédentaires, mais il existe peu de données sur ces tendances », estiment les chercheurs. Quant à l’effet de la pandémie de Covid-19 sur l’obésité, « les données disponibles, provenant surtout de pays riches, indiquent une petite hausse de prévalence », mais « que ces effets soient temporaires ou permanents n’est pas clair ».
« L’obésité est une maladie de l’occidentalisation des modes de vie », commente Olivier Ziegler, professeur au centre hospitalier régional universitaire de Nancy-Brabois (Meurthe-et-Moselle), qui n’a pas participé à cette étude, et juge ses résultats très importants. Cette pathologie « suit aussi une forte trajectoire sociale, qui n’est pas décrite dans cette étude, qui ne montre pas les inégalités au sein de chaque pays », poursuit le spécialiste de l’obésité, qui attend la publication des fiches détaillées par Etat.
A en croire The Lancet, l’Hexagone fait plutôt figure de bon élève : les auteurs évoquent une légère baisse de deux points de pourcentage pour l’obésité chez les Françaises – l’Espagne fait mieux, avec une baisse de 4,6 points –, et une stabilisation chez les hommes. « Sous réserve que ces résultats se confirment, c’est une bombe, estime M. Ziegler, et le signe que le programme nutritionnel français a des effets – alors que les projections internationales tablaient sur une hausse. » Pour M. Branca, l’étiquetage nutritionnel, le souci accordé à l’alimentation scolaire et la promotion de l’activité physique peuvent expliquer cette tendance dans l’Hexagone.
Réguler les publicités, taxer les produits
Mais des données manquent encore pour comprendre l’évolution en France. La dernière grande étude anthropométrique nationale publiée en 2016 – la cohorte Constances, sur plus de 50 000 participants, qui avait alors établi l’obésité à 15 % de la population adulte. Une autre enquête conduite par la Ligue contre l’obésité en 2021 avait conclu à une obésité affectant 17 % des adultes, mais celle-ci était uniquement déclarative. Pour Muriel Coupaye, ancienne présidente de l’Association française d’étude et de recherche sur l’obésité, « on a besoin d’améliorer les données françaises qui sont très parcellaires ».
En matière de lutte contre l’obésité, les pratiques du secteur privé sont un « point très important », selon Francesco Branca. Or, « les politiques publiques ne sont pas assez incisives et très peu de pays restreignent le marketing alimentaire dirigé vers les enfants ». Parmi les initiatives vertueuses, il cite plusieurs pays d’Amérique latine ayant agi pour réguler les publicités, taxer les produits les plus néfastes et afficher les données nutritionnelles sur les emballages, avec des effets visibles sur la consommation.
L’OMS insiste : l’obésité et l’insuffisance pondérale sont bien les deux visages d’un même fardeau, celui de la malnutrition, et des mesures comme la promotion de l’allaitement maternel chez les nourrissons, l’accès à des repas équilibrés par le biais de l’école et la régulation des environnements alimentaires participent à la lutte contre ces deux extrêmes.
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