Moins d'un mois après la précédente vague de chaleur, le mercure est bien remonté depuis le début de la semaine à des niveaux exceptionnellement élevés dans le sud de la France et en Espagne. Cette chaleur devrait se propager sur une grande partie du territoire dans les jours à venir. La multiplication de ces phénomènes est une conséquence directe du réchauffement climatique, expliquent les scientifiques, les émissions de gaz à effet de serre augmentant à la fois leur intensité, leur durée et leur fréquence. Dans ce contexte d'urgence climatique, le conseil d'analyse économique (CAE), organisme rattaché à Matignon, a dévoilé ce mardi 12 juillet sa liste de recommandations dans une nouvelle note pour rendre les politiques climatiques plus acceptables par les Français.
La crise des « gilets jaunes » en novembre 2018 a frappé les esprits. La soudaine hausse de la taxe carbone sur le litre de carburant avait mis le feu aux poudres sur un grand nombre de ronds-points. En quelques jours, ce soulèvement avait provoqué une vive stupeur dans le gouvernement d'Edouard Philippe. Pour tenter de déminer le terrain, Emmanuel Macron avait dû annoncer un arsenal d'aides de plusieurs milliards d'euros.
Afin d'éviter un nouvel épisode de grogne sociale, les économistes du Conseil d'Analyse économique ont participé à une vaste enquête menée dans 20 pays développés. En France, plus de 2.000 personnes ont été interrogées sur les perceptions et le soutien aux politiques publiques. « Depuis la crise des gilets jaunes, la perception des politiques climatiques est cruciale », a déclaré l'économiste et président du CAE, Philippe Martin, lors d'un point presse. Alors que le gouvernement issu du dernier remaniement a pris ses fonctions, il y a près d'une semaine, le nouveau ministre de la Transition écologique et de la cohésion des territoires, Christophe Bechu, sera particulièrement attendu pour mener à bien cette transition dans les mois à venir.
Des enquêtes et de l'information aux citoyens
Parmi les grandes préconisations soulignées par le conseil d'analyse économique, la première concerne la réalisation d'enquêtes régulières menées auprès de la population. « Il s'agit de mieux comprendre les perceptions et les contraintes légitimes en menant régulièrement des enquêtes en amont de la mise en oeuvre des politiques publiques. L'enquête annuelle de l'Ademe est une excellente initiative qu'il faut renforcer », a déclaré l'économiste et professeure d'économie politique à Harvard, Stéphanie Stancheva, membre du CAE. Ce travail permettrait notamment de mieux comprendre les contraintes qui pèsent sur certains types de ménages situés dans le bas de la distribution par exemple.
La seconde recommandation concerne l'information des citoyens. Les résultats de la note du CAE montrent que si les Français sont bien conscients des conséquences dramatiques du réchauffement climatique, le soutien aux politiques climatiques sera bien plus fort si les citoyens sont bien informés des effets de toutes ces mesures. Cette information doit concerner « trois aspects clé des politiques climatiques : efficacité à réduire les émissions, équité et intérêt personnel », soulignent les auteurs de l'étude. Cette mission pourrait être confiée au Haut conseil pour le climat avec des moyens budgétaires accrus suggère l'organisme compte tenu de la défiance à l'égard du gouvernement. Cette sensibilisation pourrait également passer par les programmes scolaires.
Parmi les autres recommandations importantes, figure le développement des alternatives aux énergies fossiles. Un point sensible, car l'utilisation de la voiture reste indispensable dans de nombreux territoires pour se rendre sur son lieu de travail. « Offrir des alternatives à la voiture thermique est, par exemple, un enjeu essentiel, car elles sont pour l'instant limitées voire inexistantes pour une grande partie des déplacements », rappellent les experts.
Dans l'ordre des priorités, « la première solution est de proposer des alternatives et ensuite penser aux taxes », explique Stephanie Stancheva. « Il faut absolument offrir des alternatives décarbonnées dans les modes de vie. Avec la hausse des prix de l'énergie, une tarification carbone ne peut pas être envisagée actuellement. Il faut aider les ménages et notamment les plus modestes à s'équiper », ajoute l'enseignante. Sur les alternatives aux énergies fossiles, le gouvernement à un grand retard à combler en matière de mobilités, de transports, ou encore bâtiment et de rénovation énergétique.
Le conseil d'analyse économique critique la remise sur le carburant et certaines niches fiscales
Face à l'explosion des prix des carburants, le gouvernement avait privilégié la mise en place d'une remise de 18 centimes d'euros sur le litre de carburant dans le plan de résilience présenté au printemps. Cette mesure destinée à amortir le coût de l'énergie sur le porte-monnaie des Français est particulièrement critiquée par les économistes. Interrogé par La Tribune sur ce dispositif, le président du conseil d'analyse économique Philippe Martin estime que « cette mesure non ciblée envoie un mauvais signal. Les ménages les plus riches profitent davantage de cette remise contrairement aux classes moyennes et aux plus modestes ».
De son côté ,Stéphanie Stancheva affirme « qu'il faut absolument aider les ménages mais la remise de 18 centimes est très régressive ». Depuis, le gouvernement a indiqué qu'il allait progressivement éteindre cette mesure pour laisser la place à un dispositif carburant ciblé sur les travailleurs. Cette indemnité carburant sera comprise entre 100 et 300 euros, en fonction du niveau de revenu et de la distance parcourue. Ce dispositif est intégré au paquet pouvoir d'achat actuellement en débat au Parlement.
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