Le contexte économique va engendrer une hausse durable de la dette publique, dont la soutenabilité passera forcément par diverses formes de fiscalité.
Après la crise du Covid, avec la guerre en Ukraine, avec la transition énergétique, les dépenses des pays de l'OCDE vont fortement et durablement s'accroître. Il s'agit de dépenses militaires, de dépenses de santé, de dépenses pour la transition énergétique, pour la réindustrialisation, l'éducation et la formation… Il faut donc s'attendre à des déficits publics beaucoup plus élevés que ce qui avait été auparavant anticipé. En 2022, le déficit public devrait rester voisin de 5 % du PIB aux États-Unis et de 5 % du PIB dans la zone euro (où on s'attendait à 3,8 % du PIB).
En France, on attendait un déficit public de 4,5 % du PIB ; il sera certainement supérieur à 6 %. Et, le besoin de dépenses publiques supplémentaires étant permanent, les déficits publics vont rester durablement élevés. Quand les dépenses publiques sont durablement élevées, il faut cependant que les États assurent la soutenabilité de leur dette publique pour éviter une crise de la dette.
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Cela peut d'abord se faire par une hausse des impôts, qui réduit le déficit public et finance les dépenses publiques supplémentaires. Elle est peu probable, parce que beaucoup de gouvernements se sont engagés à ne pas augmenter les impôts et parce qu'un des objectifs des dépenses publiques élevées est de soutenir le pouvoir d'achat des ménages qu'une hausse des impôts, au contraire, affaiblirait.
Les outils
La soutenabilité de la dette publique n'est pas alors assurée par des impôts explicites, traditionnels, mais par des « impôts cachés », et on les voit clairement apparaître aujourd'hui.
Le premier impôt caché est la taxation, par l'inflation, de la monnaie détenue par les agents économiques. La monnaie n'étant pas rémunérée, l'inflation réduit la valeur réelle des encaisses monétaires, ce qui appauvrit les détenteurs de monnaie (billets, dépôts…). La demande de monnaie en valeur augmente alors pour reconstituer la valeur réelle de la monnaie détenue qui a été érodée par l'inflation, ce qui permet à la Banque centrale d'accroître l'offre de monnaie – c'est-à-dire d'accroître le financement monétaire du déficit public –, donc de l'aider à émettre moins de dette pour financer ce déficit. Si l'inflation en 2022 en France est en moyenne de 4,5 % – ce qui est attendu aujourd'hui –, la taxe inflationniste représentera 5,2 % du PIB.
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Le second impôt caché est la taxation des détenteurs de dette publique, qui apparaît quand le taux d'intérêt à long terme est inférieur à la croissance de l'économie. Il s'agit bien d'un impôt puisqu'il y a réduction anormale des intérêts que l'État verse aux détenteurs de sa dette. Si, en 2022, le taux d'intérêt à 10 ans en France est de 2 % et la croissance en valeur de 6 % (2 % en volume, 4 % en prix de production), la taxation des porteurs de dette publique (avec une dette publique de 113 % du PIB) atteindra 4,5 % du PIB.
Il y aura donc au total en France un impôt caché de plus de 12 % du PIB, ce qui est considérable. Cela implique que, même si le déficit public primaire atteint 6 % du PIB en 2022, le taux d'endettement public va diminuer.
Lequel choisir ?
Il faut donc comprendre les deux messages. D'abord, s'il y a déficit public élevé, il y a nécessairement hausse des impôts pour maintenir la soutenabilité de la dette publique. S'il ne s'agit pas d'une hausse des vrais impôts (impôt sur le revenu, sur les profits, cotisations sociales, TVA), il s'agit d'une hausse des impôts cachés (taxe inflationniste, taxe des détenteurs d'obligations par les taux d'intérêt très bas). C'est cette hausse-là des impôts cachés qui est utilisée aujourd'hui.
Quelle hausse des impôts faut-il préférer ? Il faut regarder leurs effets redistributifs. La taxation « normale » touche plutôt les entreprises et les ménages aisés ; la taxation cachée touche plutôt les ménages modestes et la classe moyenne, qui ont leur épargne sous la forme de monnaie, d'obligations (assurance-vie en compte en euros, livret A…). Si l'objectif est de réduire les inégalités, il vaut donc mieux utiliser la taxation normale.
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