«Nous allons devoir rétablir nos finances publiques», affirmait Bruno Le Maire en février 2022. L’inflation, la guerre en Ukraine et les tensions politiques compliquent le reflux de l’endettement à partir de 2026. La dette publique française reprend sa folle croissance. À fin mars, elle atteignait 2 902 milliards d’euros, un montant en hausse de près de 90 milliards par rapport au trimestre précédent, selon les dernières données de l’Insee. La dette représente ainsi 114,5 % du PIB, versus 112,5 % fin 2021 et un pic à 117,4 % il y a tout juste un an. Cette forte hausse provient essentiellement de l’augmentation de la dette de l’État (+ 64,8 milliards d’euros), quand celle des administrations de Sécurité sociale progressait plus timidement (+ 25,6 milliards d’euros).Avant la crise sanitaire fin 2019, la dette publique française s’élevait à 97,6 % du PIB. Entre les mesures d’urgence instaurées au cœur des restrictions pour soutenir l’économie, aider les particuliers à traverser le choc et financer le plan de relance visant à préparer le rebond des entreprises, près de 200 milliards d’euros ont été injectés ces deux dernières années. Depuis l’automne dernier, un nouveau train de dispositifs de près de 30 milliards d’euros contre l’inflation a encore été adopté, avant d’être complété par le futur paquet «pouvoir d’achat», qui doit être présenté le 6 juillet dans le cadre du budget 2022 rectificatif.
112 % du PIB 2901.8G€
Bref, l’époque n’est pas aux économies. D’autant que les hausses de prix s’annoncent durables - selon l’Insee, l’inflation devrait approcher la barre des 7 % en septembre (voir ci-dessous) - et que la nouvelle donne parlementaire augure de probables surenchères dans la dépense. Dans ce contexte, la dette française semble condamnée à osciller durablement autour de son nouvel étiage entre 110 % et 115 % du PIB. La Banque de France table ainsi sur une dette à 112 % du PIB en fin d’année, en très léger repli sur un an.
La hausse du premier semestre n’est en effet pas un bon indicateur de la tendance de l’année car les services du Trésor concentrent toujours, par prudence, les levées de dette au premier semestre. «Cette dette supplémentaire a été utilisée pour 52 milliards d’euros par les administrations publiques pour augmenter leur trésorerie, sans doute par anticipation de la hausse des taux», indique par ailleurs François Ecalle, le fondateur du site dédié aux finances publiques Fipeco.
Dans ces dernières projections macroéconomiques, la Banque de France avance que «le ratio de dette publique diminuerait progressivement en 2022 et en 2023, aidé en cela par le tirage des 75 milliards d’euros de trésorerie publique accumulés en 2020 et non encore résorbés en 2021. La dette publique se stabiliserait un peu au-dessous de 110 % du PIB en 2023-2024, sur la base des mesures que nous pouvons quantifier à ce stade.»
La légère inflexion constatée s’explique ainsi par la trésorerie accumulée en 2020 mais aussi l’inflation qui vient rogner mécaniquement le coût de la dette. Une inflation de 5 % appliquée à une dette de 115 % du PIB ampute en effet le coût réel de la dette de 5,75 % du PIB. Et tant que les taux d’intérêt remonteront moins vite que l’inflation, la charge de la dette restera soutenable.
Une réforme des retraites sujette à caution
En revanche, la donne deviendra explosive pour Emmanuel Macron (ou son successeur dans cinq ans) si, dans un contexte de croissance atone, les taux demeurent élevés quand l’inflation commencera à se résorber. D’autant que la marge de manœuvre politique de l’exécutif en matière d’économies paraît ténue. Durant la campagne, Emmanuel Macron s’est modestement contenté de reprendre la trajectoire tracée à l’automne dans la dernière loi de programmation pluriannuelle des finances publiques, avec un retour sous un déficit de 3 % en 2027 et un reflux de la dette à partir de 2026, obtenus essentiellement grâce à la croissance et à une réforme des retraites qui semble de plus en plus sujette à caution.
Le pire n’est bien sûr jamais certain. Mais si les faucons de la Banque centrale européenne (BCE) obtiennent une accélération du rythme de remontée des taux, l’équation française pourrait rapidement se compliquer. En prévision d’un tel choc, Bercy a peu à peu augmenté ces dernières années la part des détenteurs nationaux de titres de dette souveraine. Les non-résidents ne détiennent ainsi plus que 48 % de la dette française, aujourd’hui contre 58 % fin 2016. Malgré cette minorité, le gouvernement devra présenter, en cas d’envolée de la dette, un programme d’économies potentiellement drastiques.
La France paierait ainsi le poids de trente ans d’incurie. Depuis 1990, la dette publique n’a cessé de progresser, le mouvement s’accélérant par brusques à-coups, au fil des crises. En 2008, avant la crise financière, elle tournait ainsi autour de 70 % du PIB. Et contrairement aux autres États européens, qui parviennent à réduire leur endettement en période de prospérité, Paris se contente au mieux d’en stabiliser la croissance. Ainsi entre 2018 et 2019, période de progression solide du PIB, la dette publique française est restée stable à 98,1 %, alors qu’elle baissait de 1,4 point de PIB en moyenne dans la zone euro, pour atteindre 84,1 % du PIB fin 2019. Et que la dette allemande repassait sous le seuil symbolique des 60 %, comme le veulent les traités européens.
Source: Insee.
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