Grâce au plan Messmer, la France a pris dans les années 1970 le virage du nucléaire civil, ce qui a permis non seulement de disposer d’une électricité fiable et bon marché profitant à notre compétitivité industrielle, mais également d’assurer notre indépendance énergétique en diminuant nos besoins en pétrole du Moyen-Orient et en gaz russe. Avec le recul, cette orientation a permis des années après d’assurer à la France une avance incroyable dans la mesure où, avec son parc nucléaire et son hydroélectricité, qui représente plus de 80 % de son électricité, nous sommes dans le peloton de tête des pays les plus décarbonés au monde.
Nombreux sont ceux qui tirent la sonnette d’alarme, navrés de voir ce que nos élites ont fait du magnifique legs des débuts de la Ve République.
Mais, depuis vingt ans, la politique énergétique française fait malheureusement fausse route. Elle se fonde, en effet, principalement sur le déploiement très coûteux d’énergies renouvelables électriques (éolien et solaire) et par une défiance croissante à l’égard du nucléaire. Cette politique est désormais préparée par la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC), qui est rattachée au ministère de l’Écologie. Comme si l’énergie n’était plus une préoccupation économique et industrielle de toute première importance. Nombreux sont ceux qui tirent la sonnette d’alarme, navrés de voir ce que nos élites ont fait du magnifique legs des débuts de la Ve République.
En effet, de nombreuses études démontrent que les éoliennes ne répondent pas à l’objectif de baisse des émissions de gaz à effet de serre pour un pays comme le nôtre, dont le mix électrique est déjà décarboné à plus de 90 % ! Leur nature intermittente – elles produisent seulement 25 % de leur capacité maximale de production – suppose de faire fonctionner en complément des centrales pilotables au gaz ou au charbon, fortement émettrices de gaz à effet de serre.
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Pourquoi nous acharnons-nous à copier la politique énergétique de l’Allemagne
On en arrive à l’incroyable paradoxe que plus la France installe d’éoliennes et de fermes solaires au sol, plus elle risque de devenir dépendante des énergies fossiles et de ses voisins. Cette situation explique sans doute pourquoi les gaziers et les pétroliers soutiennent cette politique. Ils investissent massivement dans les énergies renouvelables intermittentes, tout en soutenant la construction du gazoduc Nord Stream 2, qui acheminera le gaz russe via l’Allemagne, laquelle en deviendra le pays distributeur en Europe.
Cette politique énergétique, en plus d’être inefficace, conduit à une dénaturation profonde de nos paysages avec la multiplication des implantations de champs éoliens, ce qui devrait alarmer toutes les personnes sincères attachées à l’environnement et au cadre de vie de nos concitoyens. Partout où elles sont installées, ces éoliennes suscitent l’incompréhension et la colère alors qu’elles ne servent pas la décarbonation de notre pays : un comble !
Pourquoi nous acharnons-nous à copier la politique énergétique de l’Allemagne alors que notre pays produit dix fois moins de gaz à effet de serre pour sa production d’électricité ? En 2021, la Cour des comptes fédérale allemande a dévoilé que cette politique, appelée Energiewende, était un échec cuisant. Après 500 milliards d’euros dépensés dans les énergies renouvelables, l’Allemagne n’a pas connu de baisse notable de ses émissions de gaz à effet de serre. L’éolien et le solaire se sont principalement substitués aux centrales nucléaires décarbonées.
En France, la fermeture de Fessenheim, qui avait encore une durée de vie d’au moins vingt ans et dont l’Autorité de sûreté nucléaire venait de souligner le parfait fonctionnement, a démontré l‘imposture de cette politique dont le seul objectif, pour François Hollande comme pour Emmanuel Macron, est de chercher des combinaisons politiciennes avec les Verts. Rendez-vous compte, l’État indemnise (avec l’argent des contribuables) EDF pour fermer une centrale rentable, créatrice de milliers d’emplois directs et indirects, contribuant positivement à notre balance commerciale ainsi qu’à notre sécurité d’approvisionnement électrique et n’émettant pas un gramme de CO2 !
400 000 emplois directs et indirects non délocalisables
À l’hiver 2020, pour la première fois depuis des décennies, ont été envisagées en France de possibles coupures d’électricité géantes en raison de marges insuffisantes pour le système électrique. Du reste, aux États-Unis, les États, comme la Californie ou le Texas, qui ont fortement investi dans les énergies renouvelables ont connu à l’été et à l’hiver 2020 d’importants épisodes de coupures privant entreprises et citoyens des moyens de se climatiser ou de se chauffer, en particulier au moment des vagues hivernales de froid au Texas.
Non ! Je ne souhaite pas que la France se transforme – comme certains écologistes en rêvent – en un pays du tiers-monde incapable d’assurer un approvisionnement électrique fiable et compétitif à ses concitoyens et à ses entreprises. Je ne veux pas que notre pays perde sa souveraineté énergétique, sous le prétexte d’une transition énergétique absurde copiée sur l’Allemagne, en se soumettant au diktat de l’industrie éolienne d’Europe du Nord, de l’industrie chinoise des panneaux photovoltaïques, tout cela associé à une dépendance accrue au gaz russe.
Cette politique fait courir un risque grave pour notre souveraineté énergétique et notre excellence climatique. Alors que notre production d’électricité couvre largement nos besoins et nous permet d’exporter nos surplus à nos voisins européens, la sortie du nucléaire, remplacé par les énergies renouvelables, nous contraindrait à importer de l’électricité tout en détruisant les 400 000 emplois directs et indirects non délocalisables dépendant de la filière nucléaire française (la 3e en France).
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Renouer avec une grande politique nucléaire
C'est d’autant plus grave que l’Agence internationale de l’énergie (AIE), le Giec, les gouvernements américain, chinois, russe, britannique et indien ou même des personnalités comme Bill Gates ou Elon Musk renouvellent leur intérêt pour l’énergie nucléaire, solution indispensable dans le cadre de la lutte contre le changement climatique. Alors que nous étions les champions du nucléaire, allons-nous nous laisser déclasser de la sorte ?
Notre pays a besoin de renouer avec une grande politique nucléaire, dont les grandes lignes sont simples : remise en cause des fermetures « politiques » de réacteurs existants et de l’objectif stupide de faire baisser la part du nucléaire dans notre mix électrique de 75 à 50 % en 2035 ; lancement d’un programme de 10 nouveaux réacteurs EPR2, intégrant le retour d’expérience des constructions des premiers EPR à Flamanville, en Finlande, en Chine et au Royaume-Uni ; relance du projet Astrid qui vise à progresser vers les réacteurs de 4e génération afin d’accroître notre indépendance énergétique et de brûler certains déchets nucléaires ; réalisation du centre de stockage géologique de Bure pour les déchets nucléaires, solution la plus sûre et la plus responsable ; investissement dans la fusion nucléaire, à travers le projet international Iter basé à Cadarache, dans les Bouches-du-Rhône, qui peut nous permettre dans les prochaines décennies de disposer d’une énergie quasi illimitée, sans émissions de CO2 et sans génération de déchets nucléaires de haute activité.
La France doit sortir de ce « en même temps » énergétique qui ne tranche sur rien et dit tout et son contraire. Il est urgent que notre pays écrive une nouvelle page de sa glorieuse histoire nucléaire, au service de notre souveraineté énergétique, de notre excellence climatique, du pouvoir d’achat des Français et de la compétitivité de notre industrie.
(*) Éric Zemmour est journaliste et essayiste, auteur de La France n’a pas dit son dernier mot (éditions Rubempré)
Consultez notre dossier : Éric Zemmour, candidat ?
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