Le Produit Intérieur brut (PIB)
Ce qui intéresse les habitants d'une communauté, d'un pays, c'est le "bien être et la qualité de vie". Comment apprécier le "bien être et la qualité de vie" d'une nation, c'est à dire sa richesse?. L'indicateur actuel adopté par tous les pays est le Produit Intérieur Brut (PIB).La comptabilité nationale d’un pays fournit une représentation synthétique et standardisée de l'activité économique du pays. Depuis la mise en application en 1995 du système européen des comptes SEC95, les agents économiques recensés dans les comptes nationaux sont:
- les ménages,
- les sociétés non financières,
- les sociétés financières,
- les administrations publiques,
- les institutions sans but lucratif,
- et le reste du monde.
- Les ménages
Ils perçoivent des salaires, pensions et traitements de la part des institutions (entreprises, sociétés et administrations) dans lesquelles ils travaillent. Ces ressources sont complétées par les prestations sociales reçues des administrations publiques ou encore par des crédits ou autres. Ces ressources leur permettent ensuite de consommer ce qui a été produit par les entreprises non financières, d’épargner auprès des sociétés financières et de payer des impôts aux administrations publiques en contrepartie des services publiques et des prestations sociales versées. - les sociétés non financières,
Les sociétés non financières perçoivent leurs ressources de leur production ou des subventions versées par les administrations publiques et les crédits accordés par les sociétés financières. Ces ressources leur permettent de payer les salaires aux ménages, les impôts et cotisations sociales aux administrations publiques, d’épargner auprès des sociétés financières et de réaliser des dépenses d’investissement. - les sociétés financières,
leurs ressources sont constituées de l’épargne et des dépôts des ménages, des administrations publiques et des sociétés non financières, ressources qu’elles emploient au paiement des salaires de leur personnel et pour l’octroi de crédits aux agents économiques. - les institutions sans but lucratif,
Les institutions sans but lucratif trouvent leurs ressources dans les contributions volontaires et les utilisent à la production de services non marchands pour les ménages. - les administrations publiques,
elles puisent leurs ressources dans les impôts et cotisations payés par les ménages et les institutions non financières et dans les crédits contractés auprès des institutions financières. Ces ressources leur permettent de payer les salaires de leur personnel, de verser les prestations sociales aux ménages, d’octroyer des subventions aux sociétés, d’épargner, de réaliser des dépenses de consommation intermédiaire et des investissements; le produit final de l'activité des administrations publiques est constitué de produits et des service non marchands, c'est à dire non payés par les autres agents économiques. - Le reste du monde,
il perçoit ses ressources dans les importations que nous payons et les emploie pour acheter nos exportations. La siuation vis à vis du reste du monde est mesurée par les "exportations nettes", solde exportations moins importations, qui peut être positif ou négatif. Négatif en France, positif en Allemagne par exemple.
- la production de biens et services par les agents économiques
- la répartition de cette production entre les agents économiques sous la forme de revenus
- la consommation de ces revenus par les agents économiques
L'optique production
- L’optique «production» présente le PIB par produits c'est à dire ce qui a été produit en valeur monétaire par les divers agents économiques. Elle est obtenue en sommant les valeurs ajoutées créées. Pour le secteur marchand, ce calcul est aisé dans la mesure où les entreprises tiennent une comptabilité normalisée et la rendent publique. Il suffit donc de soustraire à leur chiffre d’affaires ce qu’elles ont consommé comme produits finals d’autres entreprises pour réaliser leur production.
- En revanche, pour le secteur non marchand (administrations publiques ou institutions sans but lucratif), le calcul est plus difficile puisque ces secteurs ne vendent pas leur production; il n'y a donc pas de valeur monétaire mesurée. La méthode consiste alors à leur affecter une valeur ajoutée: pour cela, on prend leur coût de production moins leurs consommations intermédiaires c'est à dire ce qu’elles ont consommé auprès d’autres entreprises (exemple électricité). Cette valeur ajoutée correspond pour l'essentiel aux salaires et charges versés au personnels.
- Cette optique présente donc le PIB selon l’origine de la production des biens et services, c'est à dire la contribution de chacun des agents économiques tels que définis plus haut.
- Il faut aussi définir la signification des deux autres termes: "brute" et "intérieure" de "production intérieure brute",
- "brute" c'est sans déduction de la dépréciation - usure, obsolescence... des équipements, bâtiments infrastructures - utilisés pour la production. En effet, en plus de la déduction des produits intermédiaires, il faudrait déduire l'usure des moyens de production; on aurait alors une production intérieure "nette". Mais les méthodes de prise en compte de la dépréciation ne sont pas unanimes; on s'en tient donc à "brute".
- "intérieure" se réfère à tous les agents économiques - nationaux ou étrangers - exerçant des activités sur le sol national. Les entreprises nationales qui exercent des activités dans un autre pays sont donc exclues. Si l'on ne prend en compte que la production des entreprises nationales, y compris celles qui exercent dans des pays étrangers, on a alors une production nationale brute ou PNB. La différence entre PIB et PNB peut être significative quand beaucoup d'entreprises nationales exercent à l'étranger - cas de la Suisse où le PNB est supérieur au PIB; ou quand un grand nombre d'entreprises étrangères exercent sur le sol national - cas du Canada où le PNB est inférieur au PIB.
- L’optique «revenus» présente le PIB selon les rémunérations versées aux acteurs économiques pour leur participation dans le processus de production, à savoir les rémunérations du capital et du travail, de même que les revenus découlant des différents prélèvements fiscaux. Cette présentation rend compte de la manière dont sont répartis les revenus primaires entre les différentes unités qui composent le pays.
- L’optique «dépenses» présente le PIB selon ce qui a été consommé par les agents économiques, c'est-à-dire les ménages (consommation privée), les administrations publiques (dépenses publiques), les entreprises (investissements) et le reste du monde (exportations moins importations). L’optique «dépenses» permet de rendre compte de l’affectation du produit national, c'est à dire la manière dont il est utilisé.
L’optique Revenus
L’optique Dépenses
L’activité économique est mesurée par la comptabilité nationale en valeur monétaire.
L’activité économique productrice de biens et services s'exerce en premier lieu dans la sphère marchande; elle est donc évaluée au prix du marché en valeur monétaire. Autrefois on ne mesurait que la production marchande. Cela avait l'inconvénient de ne pas tenir compte de l'activité des administrations publiques. C'est pour cela que l'on a défini le PIB en ajoutant la valeur ajoutée des administrations publiques, sensiblement égale aux salaires versés aux personnels.Le PIB mesure donc la valeur monétaire de l’ensemble des biens et services produits par la nation au cours d’une année et c’est par comparaison de sa valeur d'une année à l'autre et sur longue période que l’on apprécie l’augmentation, la stagnation ou la diminution de la richesse d’une société. La représentation de la richesse et de son évolution est alors principalement monétaire et correspond à des quantités matérielles exprimées en valeur monétaire.
On caractérise le PIB en valeur monétaire et en valeur par habitant, en valeur de monnaie constante par rapport à une année donnée, par l'évolution de ces indicateurs dans le temps et par comparaison avec les mêmes indicateurs établis dans d'autres pays.
L'établissement de ces indicateurs et leurs comparaisons entre pays nécessite de prendre en compte les variations de valeur de la monnaie nationale (€ pour nous) par l'inflation du niveau des prix, et d'établir une correspondance entre les monnaies pour les comparaisons. On utilise pour cela le concept de "parité de pouvoir d'achat" en estimant les taux de change réels entre monnaies; ces parités de pouvoir d'achat sont établis en calculant la valeur d'un panier de biens et de services achetés dans un pays en monnaie de ce pays, et la valeur du même panier de biens et de services achetés dans l'autre pays en monnaie de ce pays. Le rapport entre les deux valeurs donne ce qu'on appel le taux de change à parité de pouvoir d'achat, ce qui permet de corriger les taux de change officiels (*). Par exemple en 2004, pour un taux de change officiel $/€ de 1.3, le taux de change à parité de pouvoir d'achat était calculé de 1.15$/€.
(*) lesquels peuvent reflèter la politique monétaire du pays pour équilibrer ses comptes extérieurs, donc ses exportations nettes.
Cette méthode de comparaison corrigée des parités de pouvoir d'achat PPA reflète mieux les différences réelles entre les économies. En divisant le PIB/habitant en France par 1.15 au lieu de 1.30$/€ on obtient une valeur en $/habitant 13% plus élevée qu'en utilisant le taux de change officiel qui reflète la politique monétaire des Etats Unis et les stratégies de changes vis à vis des monnaies étrangères.
On voit que la production totale de la planète en 2015 est estimée de 73434 milliards de dollars. Et que 69.4% de ce total sont produits par l'UE (28 pays y comprise Royaume-Uni 21.7%), les Etats-Unis (25.3%), la Chine (15.7%) et le Japon (6.7%). Les autres pays comptent le reste soit 29.7%, mais parmi ceux-là 10 pays en représentent 58%; dans l'ordre: L'Inde, le Brésil, le Canada, la Corée du Sud, la Russie, l'Australie, le Mexique, l'Indonésie, la Turquie, l'Arabie Saoudite. Les 155 pays restants sur 192 contribuent pour seulement 12.9% au PIB mondial; ceratins^pour seulement quelques millièmes.
Tous ces chiffres sont résumés ici.
Sources:
On y voit que la France y figure en 20ème position sur 225 en 2013 avec un PIB/habitant de 44099$/habitant. Le Luxembourg est premier avec 112473$/habitant et les Etats Unis 9ème avec 53001$/habitant. En PPA la France passe à la 25è position avec 39813$/habitant. Mais il faut noter une part subjective de l'établissement de ces classements, car les listes établies par le FMI, la Banque Mondiale ou le CIA sont différentes.
Critique du PIB comme conception et mesure de la richesse.
Au cours de l'histoire, la conception de la richesse, largement influencée par le contexte socio-économique ambiant, a toujours été matérielle et liée à la valeur monétaire des produits et services échangés. A l’époque féodale la richesse s’appuyait sur la production agricole; avec la découverte du nouveau monde et de ses métaux précieux, la richesse s’exprimait en stocks de métaux précieux. Avec la révolution industrielle la richesse était à la fois liée à la production agricole et à la production industrielle permise par l'accumulation de capital et de l'emploi de main d'oeuvre. Il s'agissait de produire le maximum de biens et de services pour sortir l'humanité de la pénurie, de la pauvreté, de la mauvaise santé.Notre représentation comptable de la richesse ne peut être dissociée de l’évolution de la société et de la théorie économique qui s'y est développée sous la forme d'un paradigme. Or, le paradigme qui était en vigueur en matière d'économie lors de la mise en place du système comptable, ne prend pas en compte des éléments immatériels ou ne donnant pas lieu à des transactions monétaires. Au demeurant, cela serait beaucoup plus difficile car cela impliquerait des choix selon des critères moins objectifs. Cela n'empêche pas cependant d'y réfléchir. De plus l'économie néoclassique ne prend pas en compte l'intérêt collectif ni l'écologie comme alors que cette dernière est un des facteurs clés pour l'économie. C'est que l’individu, l'homo economicus, constitue la base théorique de tous choix économiques et, de la réalisation de ses intérêts individuels, il est supposé que le bien collectif résultera. De plus, cette conception ne tient aucun compte de ce qui doit ou ne doit pas être inclus comme contribuant positivement au PIB ou négativement. La production et la consommation sont comptabilisées dès lors qu'elles donnent lieu à une transaction monétaire, quelles soient positives ou négatives, et ce au bénéfice seulement de l’individu homo economicus.
Exemple, si la pêche en mer ou sur les océans est excessive et qu'elle épuise les ressources en poissons, l'activité de pêcherie est positive pour le PIB alors qu'elle est négative pour la collectivité. En savoir plus sur ce point.
La dynamique permettant à la production de s’accroître semblait être à l’époque l’intérêt majeur des comptables nationaux et non son contenu. Le système de comptabilité international a été mis en place durant l’accélération de l’industrialisation en Europe occidentale et aux Etats-Unis après la deuxième guerre mondiale avec les grandes institutions internationales comme la banque mondiale (BM), le fonds monétaire international (FMI) et l'organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE). Il permet des comparaisons utiles entre pays pour harmoniser leurs processus de développement.
Croissance du PIB ne rime pas toujours avec développement. La croissance ne peut pas être infinie car la terre est un système fermé à somme nulle. Si un aspect gagne, c'est au détriment d'un autre aspect. On ne devrait donc pas parler de croissance mais de développement et l'économie devrait tendre vers la durabilité d'un tel développement.
Le développement durable concerne l’accroissement du bien-être des générations présentes et futures (solidarité intergénérationnelle), en protégeant les stocks de capital physique, financier, naturel, humain et social de tous les individus (dimension de solidarité entre riches et pauvres au sein des pays développés et de solidarité entre les pays du Nord et les pays du Sud) pour qu'ils soient durables.
Le bien-être des individus et des collectivités dépend d’un ensemble d’aspects non transactionnels certes beaucoup plus difficiles à mesurer, et aussi du caractère négatif de certains contenus du PIB.
Aspects non transactionnels
Le travail à domicile, la garde et l'éducation des enfants, les soins aux personnes âgées et handicapées, le travail bénévole dans les associations ne sont pas comptabilisés dans le PIB ce qui concourt à en sous estimer la valeur. Par ailleurs, comme la contribution des services publiques est comptée en termes de coûts des salaires versés, et non en termes de valeur des produits et services rendus à la collectivité car ils ne sont pas évalués, il en résulte que les services publics sont suspectés en permanence d'être des parasites, consommant une part trop importante du produit marchand. Ces activités ne sont pas prises en compte dans notre système comptable puisqu’elles ne donnent lieu à aucune transaction marchande. Or ces éléments sont créateurs de richesse et devraient majorer le PIB. Notons par ailleurs que les activités bénévoles peuvent découler de catastrophes écologiques, humaines et sociales qui engendrent des augmentations de richesse dans nos comptes nationaux. Pensons par exemple aux bénévoles qui ont ramassé le pétrole sur les plages ou encore ceux distribuant de la soupe aux sans-abris.Caractère négatif de certains contenus du PIB
De la vache folle à l’Erika, de la tempête de décembre 1999 aux accidents de la route ou à l’explosion de l’usine AZF à Toulouse, toutes les catastrophes contribuent positivement au PIB! Les centaines de milliards de francs qu’elles coûtent à la collectivité ne sont pas comptabilisées comme des destructions, mais comme des créations de richesse. Dès lors qu’il faut des assureurs pour payer les dommages dûs aux catastrphes naturelles, des garagistes pour réparer les voitures endommagées, des cimentiers pour brûler les farines animales de la vache folle, ou des médecins pour soigner les victimes de la pollution, les valeurs ajoutées correspondantes contribuent à la formation du PIB.Ces "créations de richesses" devraient plutôt être comptabilisées en négatif dans le PIB car il s'agit de destructions conséquences de catastrophes écologiques, humaines ou sociales. Il devrait en être de même pour l’épuisement des ressources naturelles comme la déforestation, la disparition des ressources halieutiques, la dégradation des sols, de la qualité de l'air, l'augmentation de la teneur en CO2 et de la température avec effet sur le climat de la planète.
Les Sommets Internationaux de Rio en 1994 puis de Johanesbourg en 2004 sur le "développement durable" démontrent bien cette divergence entre croissance du PIB et développement du bien-être; ils sont aussi l'indice d'un changement de paradigme qui s'amorce. En savoir plus sur ce point.
Conclusion
Le PIB ne prend en compte ni l’utilité réelle, ni les conditions dans lesquelles sont produites les richesses, ni la "qualité" de ces richesses. Ainsi, il ne donne aucune place : aux enjeux écologiques de la croissance ; aux services sociaux tels que la santé, l’éducation, la culture, les loisirs, les activités associatives; à la multiplicité des services de plus en plus durs à comptabiliser car mieux définis par leur qualité que par leur quantité ; à un ensemble d’éléments essentiels au bonheur individuel et social ; à l’évolution des stocks de capital source de bonheur et de bien-être, et autres que les stocks de capital productif. Tous ces éléments sont des constituants du tissus social d'une société.Le PIB est largement utilisé afin de rendre compte de l’état d’une société. Or, la comptabilité nationale actuelle ne permet pas de rendre parfaitement compte de cet état des choses puisque l’optique revenus ne tient pas compte des activités dites non monétaires comme le travail domestique ou le bénévolat, bien que ces activités sont créatrices de richesses sociales. Au contraire, elles seront considérées dans la comptabilité nationale comme «ponctionneuses de ressources économiques» du fait des impôts prélevés ou des subsides qu’on leur accorde; et elles font diminuer le PIB dans la mesure où elles prennent la place d'activités monétisées.
L’optique dépenses ne comptabilise pas les activités destructrices de richesses dont les coûts ne sont pas directement monétisés, tels les dégâts causés à l’environnement ou à l’homme. Par contre, si ces dégâts entraînent des dépenses, avec contrepartie monétaire du fait de l’activité réparatrice qu’ils engendrent, ces dernières sont considérées comme un facteur de croissance et ainsi comptabilisées dans la production.
Plus globalement, ce système ne donne aucune place à la prise en compte de la nature des richesses produites ou détruites (physiques, humaines, naturelles ou sociales), aucune place aux activités non génératrices de flux monétaires, aucune place à la distribution des richesses produites entre les individus ni entre les communautés, et aucune place au facteur d'échelle que constitue le produit consommation/capita par la population.
Ainsi que l’on prenne la position de modifier la composition du PIB ou celle de développer des indicateurs alternatifs, la question à se poser est celle de l’objectif de l'activité économique. Walras avait déjà évoqué ce problème de la conception néoclassique, vouloir faire de l’économie une science indépendante de tout jugement quant à la fin à laquelle on la destinait. L'économie doit être considérée comme un sous ensemble de la terre c'est à dire de l'écologie et non l'inverse comme jusqu'à présent. C'est un véritable changement de paradigme qui s'impose.
Un autre indicateur que le PIB a été mis au point par le site "redefining progress". Il s'agit du Genuine Progress Indicator ou GPI. Ce site suggère que pour les Etats-Unis, si la croissance de 1950 à 2000 a multiplié le PIB (GDP) par environ 7, la croissance réelle en termes de bien-être (GPI) n'a été multipliée que par 1.68. Voir explications.
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