En revanche, la proposition de la Commission européenne de réduire fortement l'usage des pesticides, fertilisants et antibiotiques et de développer le bio, si elle est acceptée, marquera selon lui un virage très important : « En protégeant mieux la santé et l'environnement, cette nouvelle PAC diminuerait la production et augmenterait les coûts des produits agricoles, sachant que l'agriculture biologique produit en gros un tiers de moins à surface identique et requiert plus de main-d'oeuvre. » Reste que, comme cela a déjà été dénoncé par de nombreux observateurs et acteurs du marché, sans barrière aux frontières européennes, les importations à bas prix ne respectant pas les normes risquent alors de déferler. D'où l'importance, selon le président du bureau de conseil Champs d'Avenir, de « traduire ces objectifs dans des règlements européens et non nationaux pour éviter des distorsions internes à l'Europe et les faire reconnaître dans les traités commerciaux (type Mercosur, Ceta) comme on l'a fait pour l'interdiction des hormones de croissance en élevage. Vu l'augmentation prévisible des prix, s'imposera également une politique sociale de soutien alimentaire aux plus démunis en Europe. Enfin, cette orientation sera exigeante en recherche, formation et accompagnement des agriculteurs dans l'évolution de leurs méthodes de production ».
Le rôle déterminant des grandes fermes
Cela dit, Jean-Marc Séronie juge globalement ces orientations européennes « très favorables, car notre politique nationale les encourage déjà ». Il poursuit : « Nous avions perdu de la compétitivité en Europe en nous fixant des contraintes plus fortes. La Commission propose de les étendre à toute l'Union, ce qui va réduire ces distorsions. Le plus gros changement va concerner les grandes plaines céréalières, qui subiront une hausse de leurs coûts de production et donc des difficultés à l'exportation. »
Pour l'expert, les agriculteurs auront deux réponses possibles : « Soit ils opteront pour un changement de système qu'il faudra fortement soutenir en allant vers le bio ou l'agroécologie. Soit, alternativement ou parallèlement au reste, ils devront s'agrandir pour compenser le surcoût découlant du durcissement des normes environnementales. Il faudra leur faciliter la tâche, car les grandes structures en élevage comme en culture ne sont pas forcément plus néfastes pour l'environnement que les petites. D'abord, elles ont les moyens d'investir dans l'agriculture de précision : la technologie génère des surcoûts mais permet de s'orienter vers des produits sans résidus et à faible impact environnemental. Elles peuvent aussi mobiliser plus de moyens financiers pour traiter ces nuisances et on peut plus facilement les contrôler. »
Souvent critiquées, les grosses superficies peuvent en effet, pour Jean-Marc Séronie, avoir un rôle positif déterminant : faciliter la diversification des productions. « Des cultures différentes peuvent alors être réparties sur des parcelles adjacentes pour se prémunir contre les ravageurs, précise-t-il. Ces grandes fermes agricoles produisent du bio de qualité, n'en déplaise aux militants historiques qui considèrent que ce label ne vaut que pour l'agriculture paysanne. » Et d'affirmer : « Restons dans la science et non dans l'idéologie. On peut être contre les grosses exploitations pour des raisons sociétales, mais pas écologiques ou qualitatives. »
Au-delà, la voie à suivre est claire pour l'agroéconomiste : « L'avenir réside dans une agriculture plus naturelle, avec un horizon technique non chimique. Cette agriculture pilotera des écosystèmes gérés au niveau de l'exploitation mais aussi d'un territoire pour développer l'agriculture raisonnée en jouant de complémentarités pour lutter contre les parasites et encourager les synergies entre éleveurs et cultivateurs. Ce ne sera pas forcément du bio, le recours à la chimie restant possible en situation extrême. Ce ne sera pas non plus l'agriculture de nos grands-parents, les nouvelles technologies apportant un appui précieux. Ce sera finalement une agriculture beaucoup moins consommatrice d'intrants et beaucoup plus intensive en connaissances. »
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