15/05/2023

Pénurie de matériaux critiques : la transition énergétique en danger

Hausse des prix, production insuffisante, freins à l'export : le marché des matières premières critiques à la transition énergétique est en pleine ébullition. Dans un nouveau rapport, l'OCDE alerte sur le risque que la situation fait peser sur la transition énergétique.

Le Chili a interdit l'ouverture d'une nouvelle mine de cuivre, dont le pays est l'un des principaux fournisseurs, un minerai essentiel à la transition énergétique. @CC0

La transition énergétique est en danger. C’est l’alerte que lance l’OCDE dans un nouveau rapport intitulé "Raw materials critical for the green transition", publié le 11 avril 2023. Elle pointe plusieurs facteurs qui mettent en péril la transition bas-carbone, parmi lesquels le prix record de nombreuses matières premières, la production insuffisante des matières premières les plus essentielles pour répondre à la demande, et l’explosion des restrictions à l’export sur un marché de plus en plus concurrentiel. 

"La production et les échanges internationaux des matériaux critiques, qui ont pourtant progressé rapidement au cours de la dernière décennie, n’arrivent plus à suivre les prévisions de demande pour transformer l’économie mondiale et passer d’un monde où les combustibles fossiles dominent à une ère axée sur les technologies d’exploitation des énergies renouvelables", note l’OCDE. "Nous devons veiller à ce qu’aucune pénurie de matières ne nous empêche de tenir nos engagements climatiques", prévient Mathias Cormann, le Secrétaire général de l’OCDE, dans un communiqué.

La demande va être multipliée par 4 ou 6

L’aluminium et le cuivre, qui sont les matériaux les plus utilisés pour réaliser notre transition verte – ils sont utilisés aussi bien dans les batteries lithium-ion, que dans les éoliennes, les panneaux solaires et les moteurs de voitures électriques – ont vu leur prix exploser sous l’effet des répercussions de la pandémie de Covid-19, des tensions commerciales et des conséquences persistantes de l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

Autre sujet d’inquiétude, les fortes hausses de production de lithium, terres rares, chrome, arsenic, cobalt, titane, sélénium et magnésium au cours des dix dernières années – de 33 % pour le magnésium à 208 % pour le lithium – qui ne sont malgré tout pas suffisantes au regard des augmentations prévues dans le cadre de la transition énergétique, qui varient d’un facteur quatre à six. Parallèlement, la production mondiale de certaines matières premières critiques, comme le plomb, le graphite naturel, le zinc, les minerais et concentrés de métaux précieux et l’étain, a baissé au cours de la même période.

L’OCDE pointe aussi du doigt la trop forte concentration de la production de matières premières critiques dans quelques pays, à l’instar de la Chine, la Russie, l’Australie, l’Afrique du Sud et le Zimbabwe.

Matieres premieres critiques transition verte @OCDE

"Course mondiale pour le 'nouveau pétrole'"

Les restrictions à l’exportation de matières premières critiques ont également été multipliées par cinq depuis 2009, dans un contexte de plus en plus concurrentiel et de repli sur soi. La Chine est ainsi l’un des pays qui a pris le plus de mesures de restriction sur cette période. L’Inde, l’Argentine, la Russie, le Vietnam et le Kazakhstan sont également concernés. Au total, 10 % des exportations mondiales de matières premières critiques font désormais face à au moins une mesure de restriction à l’exportation, avec des effets potentiellement importants sur la disponibilité et sur les prix de ces matières.

"La demande de ces ressources précieuses et rares augmente fortement, ce qui conduit à une course mondiale pour le 'nouveau pétrole' au cœur de notre économie", pointe Thierry Breton, le commissaire européen au marché intérieur. Dans ce contexte, la Commission européenne a présenté mi-mars son règlement sur les matières premières critiques (Critical Raw Materials Act, CRMA) qui vise à réduire sa dépendance aux importations de pays tiers. Il fixe plusieurs objectifs tels que l’extraction d’au moins 10% de sa consommation annuelle sur le sol européen (contre 3% aujourd’hui), la transformation dans l’UE d’au moins 40 % de sa consommation annuelle et le recyclage d’au moins 15% de sa consommation annuelle au sein de l’UE.

En outre, aucune matière première stratégique ne devra provenir à plus de 65% d'un seul pays tiers. L’Union européenne prévoit donc de diversifier ses approvisionnements en nouant des partenariats avec des pays producteurs à l’instar de l’accord de libre-échange entre l’UE et le Chili, qui se concentre sur la production de lithium. Des négociations sont également en cours avec les États-Unis, l’Australie ou l’Indonésie. "Nous créerons un club mondial des matières premières critiques avec des partenaires fiables désireux de développer leurs propres industries des matières premières critiques", annonce Valdis Dombrovskis, vice-président exécutif chargé du commerce.

Au total, Bruxelles considère comme "critiques" 34 matériaux, contre seulement 14 en 2011. Un élargissement "louable" pour l’Iris, l'Institut des relations internationales et stratégiques, qui interroge dans une note sur le nouveau règlement européen : "Pour l’instant, la préservation de notre mode de vie semble justifier l’avènement d’un monde qui devient plus conflictuel. Mais jusqu’où sommes-nous prêts à aller dans ce processus ?"

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