Il fallait une certaine audace pour demander, le jour même de l’annonce du plan Eau du gouvernement, le maintien d’un pesticide responsable d’une vaste contamination des nappes phréatiques : Marc Fesneau l’a eue. S’exprimant au congrès annuel de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), qui s’est tenu du 28 au 30 mars à Angers (Maine-et-Loire), le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire a annoncé avoir demandé à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) de réévaluer sa décision sur
le S-métolachlor. L’agence avait annoncé, le 15 février, sa décision de suspendre les principaux usages de cet herbicide. La raison de cette interdiction est simple. Elle tient à l’application de la réglementation européenne: les produits de dégradation de cette substance - cancérogène suspectée – sont retrouvés à des taux non réglementaires dans les eaux souterraines et polluent l’eau distribuée à plusieurs millions de Français. Après avoir tenté, sans succès, de réduire ces taux de contamination en diminuant les doses autorisées, l’Anses n’a eu d’autre choix que d’annoncer qu’elle suspendait les usages majeurs de ce produit ;les prérogatives d’autorisation et de retrait des pesticides, des médicaments vétérinaires et des biocides appartiennent en effet à l’agence depuis la loi de 2014 sur l’agriculture et l’alimentation.
Pression inédite
M. Fesneau a justifié sa sortie en arguant que cette décision « n’est pas alignée sur le calendrier européen », induisant une distorsion de concurrence. Le ministre et ses services ne peuvent pourtant ignorer que les conclusions de l’Anses ont été confirmées par les agences européennes et que les jours du S-métolachlore sont – sauf entorse au droit de l’Union – désormais comptés sur l’ensemble du continent. L’agence française aura fait simplement preuve de célérité pour préserver la santé et l’environnement, ne devançant, selon toute vraisemblance, le calendrier européen que de quelques semaines.
A l’Anses, les propos du ministre ont été reçus, avec sidération, comme une grave ingérence du pouvoir politique sur l’expertise. Le ministre ne peut ignorer que la stricte application du droit ne permet pas au directeur général de l’Anses de surseoir à une décision de gestion de risques sanitaires ou environnementaux pour des raisons industrielles. Au reste, la Cour de justice de l’Union européenne l’a rappelé dans un arrêt du 19 janvier : en matière de pesticides, les impératifs de santé et de respect de l’environnement priment, au moins en théorie, sur les impératifs de production.
Source Le Monde
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