26/04/2023

Le Monde – Après la réforme des retraites : un long chemin de reconquête pour Emmanuel Macron face au « ressentiment social »

Emmanuel Macron va devoir jongler une nouvelle fois avec les horloges. D’abord, pour mesurer les heures qui vont s’égrener jusqu’au 14 juillet. A cette date, le président de la République a promis de faire un bilan sur sa capacité à relancer les chantiers prioritaires. En déclenchant ce compte à rebours de « cent jours », une durée symbolique en politique, il a surtout paré à l’urgence, mettant ainsi en scène sa volonté de bouger pour s’extirper des sables mouvants qui menaçaient son quinquennat. Une première bataille qui en cache une autre, beaucoup plus longue, car le chef de l’Etat est bien conscient que la reconquête de l’opinion ne se fera pas en trois mois. « Moi, j’ai un CDD, mais j’ai un CDD jusqu’en 2027 », a-t-il glissé à Sélestat (Bas-Rhin), alors que les huées se faisaient entendre sous les fenêtres de l’hôtel de ville.


Depuis que M. Macron s’est replongé dans le chaudron social français, ses proches soulignent que la bataille contre le « ressentiment social » créé par la réforme des retraites durera des mois, sinon des années. Pour aller au bout de ce chemin, l’Elysée affiche une stratégie à la fois simple et très complexe : s’occuper un peu plus de la vie quotidienne des Français et améliorer la qualité des services publics.

Une volonté qui transparaît dans les premiers déplacements de M. Macron. La semaine dernière, il avait tenté de parler du travail dans le Bas-Rhin puis d’éducation dans l’Hérault. Mardi 25 avril, le chef de l’Etat devait se rendre à Vendôme (Loir-et-Cher) pour visiter une maison de santé. Mercredi 26 avril, il accueillera la conférence nationale du handicap à l’Elysée. « Nous devons continuer à être offensifs pour montrer aux Français que nous nous occupons de leur quotidien, le travail, la santé, l’éducation, tout en projetant le pays dans l’avenir, analyse Aurore Bergé, présidente du groupe Renaissance à l’Assemblée nationale. Notre mission, dans les quatre ans à venir, est de lutter contre le sentiment de déclassement individuel et collectif qui existe. »

Entravé par sa majorité relative

Après le conflit social, Emmanuel Macron veut maintenant passer à un second temps de son quinquennat, en se concentrant sur « les grands projets du pays, les grands chantiers », selon les termes qu’il a employés, lundi 24 avril, au sommet des pays de la mer du Nord à Ostende, en Belgique. Comme si la réforme des retraites avait été un préalable.

« La question que je me suis posée, c’est : vaut-il mieux attendre, ou vaut-il mieux la faire maintenant ? Et j’ai décidé de la porter maintenant, a expliqué le chef de l’Etat dans son entretien au Parisien, lundi. Pour lancer ces grands chantiers, il faut d’abord faire la réforme des retraites, qui nous redonne du muscle parce qu’elle réduit le déficit des retraites, que l’on comble, sinon, avec de l’argent public. Ce sont des vases communicants. » Avec cette analyse, Emmanuel Macron reprend l’argumentaire qu’il avait utilisé lors de la campagne présidentielle de 2022, peu à peu noyé par les explications tortueuses de ses ministres sur les « progrès sociaux » de cette réforme.

Et, sur toutes les thématiques que le chef de l’Etat agite depuis une semaine – travail, santé, éducation, immigration, transition écologique –, l’Elysée veut des résultats visibles, si possible à moyen terme. Une façon de répondre aux angoisses. Car, depuis plusieurs semaines, Emmanuel Macron et ses troupes arguent que la contestation contre la réforme des retraites a cristallisé une colère bien plus large qu’une opposition frontale au report de l’âge de départ de 62 ans à 64 ans. Aux yeux de plusieurs ministres, les services publics sont un reflet essentiel de l’action du gouvernement. D’où les objectifs très précis affichés par le président : désengorger les urgences dans les hôpitaux avant la fin de 2024, rénover les écoles « qui sont des passoires thermiques »


Des objectifs qui peuvent, parfois, se passer de projets de loi. Une donnée non négligeable pour un chef de l’Etat entravé par sa majorité relative à l’Assemblée nationale. « On fait des lois qui elles-mêmes recréent des rigidités, non ?, s’est-il interrogé en marge de son déplacement dans l’Hérault, le 20 avril. Les gens veulent des solutions plus rapides. Ils veulent voir que les choses bougent. Il faut travailler encore davantage avec les élus de terrain pour donner plus de moyens et de capacité à notre administration sur le territoire. »

Au pied d’une montagne de défiance

Le but de cette stratégie, pensée pour être à la fois au plus proche des préoccupations et la plus rapide possible, est d’arriver à recréer un espoir pour le camp présidentiel avant 2027. Et, surtout, d’engager sur le terrain une lutte contre le Rassemblement national (RN), qui se nourrit, d’après les macronistes, du sentiment de déclassement et de colère contre « l’inefficacité de l’Etat », selon le mot d’un ministre.

« Marine Le Pen arrivera [au pouvoir] si on ne sait pas répondre aux défis du pays et si on installe une habitude du mensonge ou de déni du réel, a théorisé M. Macron dans son entretien au Parisien, après avoir souligné qu’il avait battu deux fois la candidate d’extrême droite à l’élection présidentielle. Si on arrive à gagner le chantier de la réindustrialisation, on sortira des gens du désespoir, de la misère et de la colère. Si on arrive à gagner le chantier de l’écologie, de l’ordre, du combat pour nos services publics, on aura des gens qui reviendront dans le champ républicain. »


Au pied de cette montagne de défiance, M. Macron s’est compliqué la tâche avec la réforme des retraites. Car ce texte a touché une partie de l’électorat déjà conquis ou tenté par le RN. « L’âge de départ qui recule à 64 ans inquiète les salariés qui exercent des métiers pénibles ou qui ont commencé à travailler tôt, résume Jérôme Fourquet, directeur du département opinion à l’IFOP. La France qui s’est mobilisée, c’est celle qui travaille dur, celle qui se sent concernée par la question de la pénibilité, celle qui est restée “au pays”, celle du bac, des BTS, des IUT, celle des romans de Nicolas Mathieu. »

Le risque d’un renforcement du RN

Une situation qu’avaient parfaitement anticipée les élus du parti d’extrême droite au moment de la réforme des retraites. « Les gens souffrent, il y a une vraie détestation du président de la République. S’il avait une bonne image, empathique et rassembleuse, on pourrait se dire que ce n’était pas idiot de la faire tout de suite. Mais, là, ça arrive au pire moment pour eux », se réjouissait Thomas Ménagé, député (RN) du Loiret. Comme s’il se frottait les mains en misant sur un effritement du barrage républicain.

Les propos de M. Macron dans Le Parisien « Il semble dire que Marine Le Pen va arriver au pouvoir, et c’est vrai, parce qu’il ne traite pas les problèmes réels du pays », a estimé le député (RN) de la Somme Jean-Philippe Tanguy, lundi, sur RMC.



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