L'inflation de la zone euro dépassera très probablement 10 % au début de 2023, avec la nouvelle vague de hausse des prix de l'énergie. Une hausse qui ne saura être totalement complétée par les aides publiques. Et comme un effet de dominos, plus l'inflation sera élevée, plus les revendications syndicales portant sur une hausse des salaires seront fortes. Résultat : ces dernières pourraient approcher les 6 %. De plus, la zone euro subit la complète disparition de ses gains de productivité, avec en particulier un nouveau recul de la durée du travail par tête, ce qui implique que toutes les hausses de salaire passent en inflation. L'inflation sous-jacente pourrait donc dépasser 5 % dans la zone euro en 2023.
Le comportement normal de la BCE, si elle suit son mandat, serait alors de mettre en place une politique monétaire qui ramène, à la mi-2024, l'inflation à 2 %. Mais pour cela, elle va se retrouver confrontée à des choix très compliqués. Les gouvernements des pays de la zone euro soutiennent le pouvoir d'achat des ménages, en compensant par des transferts publics une partie importante de la hausse des prix. Une équation difficile à appréhender pour la BCE, puisque ce soutien des ménages maintient aussi l'inflation. De plus, la dépréciation de l'euro conduit à une très forte hausse des prix des importations de la zone Euro (plus de 30 % sur un an).
Conflits d'objectifs
Il faudrait donc, pour ramener de 10 à 2 % l'inflation totale, d'au moins 5 à 2 % l'inflation sous-jacente, que la BCE augmente ses taux directeurs, vers 4 ou 5 % au moins, bien au-dessus des 2,5 % attendus par les marchés financiers. Elle se retrouve donc emberlificotée dans de nombreux conflits d'objectifs. Certes, son mandat lui impose de ramener l'inflation autour de 2 % dans un délai raisonnable, mais elle doit dans un même élan soutenir l'activité et l'emploi (ce qui est malheureusement incompatible avec la réduction de l'inflation qui nécessite une hausse du taux de chômage).
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Par ailleurs, son rôle est de maintenir la solvabilité des dettes publiques, beaucoup plus facile à assurer dans un monde de taux d'intérêt bas, où elle ne nécessite pas une forte réduction du déficit public. Sans oublier d'aider les gouvernements, les entreprises et les ménages à financer les énormes investissements nécessaires (4 % du PIB) pour la transition énergétique, et dont la rentabilité financière est souvent faible.
Un seul choix possible
On peut donc avoir deux visions de ce que la BCE va faire. Soit respecter son mandat, ramener assez rapidement l'inflation à 2 % et augmenter obligatoirement les taux d'intérêt. Soit « tricher » avec son mandat et maintenir des taux d'intérêt bas, pour soutenir l'activité, l'investissement, la solvabilité des États... et accepter une inflation durablement forte.
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Le choix de la BCE se retrouve complexifié par la multiplicité des émetteurs de dette publique. Parmi eux, l'Italie avec un taux d'intérêt à long terme de 4 %, la Grèce de 4,25 %, bien au-dessus, dans les deux cas, de leur croissance à long terme. Pour faire le meilleur choix, elle doit empêcher la hausse excessive des taux d'intérêt à long terme de ces pays en difficulté, et donc se servir de son filet de sécurité, l'instrument de protection de la transmission, qui permet de racheter leur dette publique.
La tentation première serait donc en réalité de ne pas lutter contre l'inflation. Mais est-il raisonnable d'installer la zone euro dans un environnement d'inflation permanente, de réindexation de l'ensemble des revenus et de forte dépréciation du change, sous peine d'oublier les statuts de la BCE ? Nous ne le pensons pas.
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