“La guerre est une façon douloureuse de résoudre les conflits”, mais dans le cas de l’Ukraine, “si vous n’aviez pas pris la situation en main, l’autre camp, par ses initiatives, aurait déclenché la guerre”, a lancé l’ayatollah à son invité, selon le compte rendu de l’agence officielle Irna. Pour le guide suprême, “les puissances occidentales s’opposent à l’existence d’une Russie forte et indépendante”, et “l’Otan est une créature dangereuse”.

Les paroles du dirigeant iranien constituent “un signal au reste du monde”, analyse le New York Times. “Après la décision de l’Europe et des États-Unis d’infliger à la Russie des sanctions comparables à celles qui asphyxient l’économie iranienne depuis des années, la relation de longue date entre Moscou et Téhéran pourrait se renforcer à travers un partenariat de plus grande envergure.”

“La Russie et l’Iran se méfient toujours l’un de l’autre, mais aujourd’hui plus que jamais chacun a besoin de l’autre”, explique au quotidien new-yorkais Ali Vaez, responsable de l’Iran à l’International Crisis Group. “Ce n’est plus un partenariat choisi, mais une alliance nécessaire”, dit-il.

Défier l’isolement

Cette “démonstration d’unité”, qui offrait “un contrepoint géopolitique brutal à la récente visite du président américain à ses partenaires privilégiés au Moyen-Orient”, selon The Independent, était également flagrante entre Poutine et Erdogan, qui se sont lancé des fleurs sur le dossier des exportations de céréales ukrainiennes.

“J’aimerais vous remercier pour vos efforts de médiation”, grâce auxquels “nous sommes allés de l’avant”, a lancé Vladimir Poutine à son homologue turc, qui participe avec l’ONU aux négociations entre Moscou et Kiev sur l’exportation des céréales ukrainiennes, bloquées par l’offensive russe. “Toutes les questions ne sont pas encore réglées, c’est vrai, mais il y a du mouvement et c’est une bonne chose”, a-t-il poursuivi, cité par L’Orient-Le Jour.

Unité encore dans le communiqué final sur la Syrie, qui a insisté sur “la détermination” des trois pays à “continuer à travailler ensemble pour combattre le terrorisme sous toutes ses formes et manifestations”, rapporte Al-Jazeera.

En fin de compte, Vladimir Poutine “a utilisé ce voyage pour consolider ses relations amicales avec l’Iran et la Turquie, et pour défier l’isolement international que lui ont imposé les États-Unis et ses alliés”, juge le Wall Street Journal.

Mais derrière les sourires de façade et les promesses de collaboration, les divergences restent fortes, souligne la BBC : “La Russie, la Turquie et l’Iran ont certes quelques intérêts communs, mais cela ne constitue pas la garantie d’une amitié durable.”

Car “la Turquie et l’Iran sont aussi des rivaux de la Russie”, rappelle la radiotélévision britannique. “La Turquie et la Russie sont dans des camps opposés en Syrie et en Libye ; ils veulent tous les deux être influents dans le sud du Caucase ; les drones de combat turcs ont armé les militaires ukrainiens. Quant à l’Iran, il est en compétition avec la Russie sur le marché mondial de l’énergie.”

Positions divergentes

De fait, malgré la diplomatie de la déclaration finale, les positions des trois pays sur le dossier syrien sont loin d’être alignées. Le président turc, qui a annoncé depuis plusieurs mois son intention de lancer une nouvelle offensive contre les Kurdes en Syrie, espérait obtenir mardi le feu vert de Téhéran et de Moscou. Il est reparti bredouille, écrit le Middle East Eye.

Une attaque d’Ankara serait “préjudiciable à la Syrie, à la Turquie et à la région”, a tranché l’ayatollah Khamenei. “Le terrorisme doit évidemment être combattu, mais une attaque militaire contre la Syrie ne profiterait qu’aux terroristes”, a-t-il ajouté.

Cela n’a pas semblé décourager Erdogan, qui a “remercié” ses “chers amis” pour l’expression de leurs “légitimes préoccupations pour la sécurité de la Turquie”. Mais “les paroles ne guérissent pas les blessures”, a-t-il ajouté, avant de “réitérer son intention de lancer une nouvelle offensive dans le Kurdistan syrien”, rapporte El País.

“Pour être toutes les trois soumises à des pouvoirs autoritaires, et pour partager une même adversité vis-à-vis des démocraties occidentales, ces puissances régionales n’en sont pas moins divisées”, conclut lui aussi Le Temps. “Malgré les flonflons de Téhéran, le front antioccidental peine encore à se consolider.”